Agé de plus de soixante-dix piges, il avait passé plus d'un quart de siècle dans la brocante. Cet homme averti et bien versé dans ce domaine, avait le flair du commerçant qui savait satisfaire sa clientèle. Il était établi pendant des années aux puces les plus anciennes à Tunis, à savoir Souk El Asr, là où différents articles d'occasion, sont exposés à la vente, des baumes adoucissants jusqu'aux téléviseurs et appareils électroménagers. Le jour des faits il y avait parmi les articles que ce brocanteur proposait à la vente, un appareil de chauffage électrique, en bon état et à un prix intéressant. Il ignorait cependant que cet appareil qu'il acheta à son tour chez un autre brocanteur dans un souk hebdomadaire, était le fruit d'un cambriolage qui eut lieu , quelque temps auparavant. Il fut d'autant plus surpris lorsqu'il fut interpellé par le bonhomme qu'il prit pour un client, mais qui s'avéra être le propriétaire de cet appareil, venu réclamer son bien. Il était accompagné d'un agent de police qu'il alerta dès qu'il avait repéré ledit appareil à l'étalage du brocanteur. Ce dernier fur prié de suivre l'agent au poste de police, ainsi que le jeune vendeur qui travaillait avec lui. Interrogé sur l'origine de cet article exposé à la vente, le septuagénaire déclara qu'il l'avait acheté dans un souk hebdomadaire, ignorant totalement qu'il était volé. Quant au jeune employé il déclara qu'il ignorait totalement que cet appareil était d'origine suspecte. Or cet appareil faisait partie des objets volés suite à un cambriolage. Ce fut la raison pour laquelle, le commerçant et son employé furent inculpés de complicité de vol par effraction, et recel. Ils devaient de ce fait, comparaître devant la chambre criminelle. Par ailleurs le fils du brocanteur fut également impliqué dans cette affaire, après avoir été soupçonné de complicité avec son père. Cependant, il fut mis hors de cause après avoir été entendu par le juge d'instruction. Le brocanteur et son employé ils furent inculpés, mais laissés en liberté. Ils comparurent dernièrement devant le tribunal de première instance de Grombalia, et réitérèrent leurs déclarations respectives données, tant au cours de l'enquête préliminaire que devant le juge d'instruction, en persistant dans leurs dénégations. L'avocat de la défense, plaida l'absence tant de l'élément matériel que moral de l'infraction. Il n'y a aucune preuve, affirma-t-il, établissant que son client avait pris part à ce cambriolage, de quelque manière que ce soit. Il ajouta que même le recel ne peut être retenu à l'encontre de son client qui ignorait totalement l'origine suspecte de l'appareil objet du vol, et qu'il avait payé à un prix raisonnable. Il n'y a aucune infraction, affirma-t-il , dans cet acte , car s'agissant de meuble, et en fait de meuble possession vaut titre*. Le vendeur qui l'exposait à la vente, au souk hebdomadaire, en était, juridiquement le propriétaire présumé, jusqu'à preuve du contraire. Confiant le brocanteur l'avait acheté sans soupçonner qu'il était volé, souligna son avocat. L'avocat du jeune employé plaida l'absence de toute preuve, pouvant l'impliquer dans cette affaire, d'autant plus que son employeur avait déclaré tout au long des étapes de la procédure qu'il ne l'avait pas accompagné au souk hebdomadaire, le jour où il était allé pour acheter l'appareil litigieux. Les deux avocats de la défense demandèrent pour toutes ces raisons l'acquittement pur et simple des deux accusés. Le tribunal suivit la thèse de la défense en prononçant l'acquittement du brocanteur ainsi que de son employé. Ahmed YOUNES * En droit, le terme meuble, est utilisé pour désigner tout ce qui est mobile par opposition à immeuble, désignant le sol et tout ce qui adhère au sol. On est propriétaire de la chose qu'on détient sans qu'il y ait besoin de justificatif. C'est à celui qui en réclame la propriété de le prouver.