Dans le cadre de la sensibilisation au don d'organes, plusieurs manifestations ont eu lieu depuis le 14 novembre (Journée Nationale de Sensibilisation au don d'organes), notamment celle organisée par l'Association Tunisienne de Sensibilisation au Don d'Organes (ATSADO) et le Centre National pour la Promotion de la Transplantation d'Organes (CNPTO) à l'occasion des 12èmes journées de sensibilisation au don d'organes qui se sont déroulées le 5 décembre au siège de l'UTICA et qui ont eu pour thème «Le rôle du pharmacien dans la promotion du don d'organes» et une autre cérémonie qui s'est tenue hier au théâtre municipal sous le titre «10 courts pour cause» et qui consiste en la projection de 10 courts métrages ayant un rapport avec le don d'organes. Le recours à l'art (cinéma, théâtre, peinture...) est une initiative louable qui peut contribuer aux efforts de toutes ces actions de sensibilisation visant à réduire le nombre de familles qui manifestent encore une certaine réticence infondée à l'égard de ce noble geste qu'est le don d'organes. Pourquoi donc la majorité des Tunisiens éprouvent-ils encore de la peur à s'engager dans cette action pourtant si noble, si généreuse ?
Une mobilisation tous azimuts La médecine tunisienne a atteint un niveau considérable dans le domaine de prélèvement et de greffe d'organes. Des organismes et des associations ont été créés, comme par exemple l'Association Tunisienne de Sensibilisation au Don d'Organes (ATSADO), le Centre National pour la Promotion de la transplantation d'Organes (CNPTO) et l'Association Tunisienne des Insuffisants Rénaux (ATIR). Une législation exceptionnelle est en vigueur depuis 1999, fixant toutes les modalités concernant le don d'organes et assurant toutes les garanties éthiques à sa pratique. Quant à la religion, la jurisprudence islamique est claire sur ce sujet qui s'inscrit dans le cadre de la solidarité et du devoir de sauver des vies humaines, deux valeurs prônées par l'Islam. De même une journée nationale est consacrée au don d'organes (le 14 novembre). Des campagnes de sensibilisation ont été menées partout à travers les différents médias, ce qui témoigne de la place privilégiée que la Tunisie accorde à la diffusion de la culture du don d'organes et au développement des actions humanitaires. Un plan d'action a été mis en place en 2008 pour développer les opérations de transplantation d'organes. Ce plan, qui se poursuit jusqu'en 2012, vise à consolider tous les programmes et mécanismes liés à ce domaine. Une circulaire est envoyée à tous les collèges du pays par le ministère de l'Education et de la Formation exhortant les professeurs des sciences à consacrer un quart d'heure pendant la journée du samedi 5 décembre pour parler à leurs élèves du don d'organes et de ses dimensions scientifiques et humanitaires.
Les mentalités doivent suivre Cependant, les dons d'organes en Tunisie restent en deçà des objectifs escomptés, quoique la mentalité des gens semble avoir évolué dans le bon sens ces dernières années par rapport à ce qu'elle était il y a vingt ans. En effet, grâce à l'accord des donneurs vivants et de familles, le nombre des opérations de greffe d'organes a augmenté sensiblement. Les transplantations de reins sont passées de 42 greffes rénales en 2003 à 89 en 2007, selon les chiffres fournis par l'ATSADO. Mais cela reste très insuffisant dans un pays où le nombre de décès causés par les accidents de la route atteint environ 1500 par an. Les spécialistes auraient souhaité qu'un grand nombre de ces accidentés de la circulation soient donneurs d'organes avant qu'ils ne meurent ! Quand on sait que seulement 749 greffes de reins, 16 greffes de cœur et 27 greffes de foie ont été réalisées entre 1986 et fin 2008, et que 7800 personnes sont porteuses de la mention «donneur» sur leurs cartes d'identités depuis 1999, il y a de quoi s'inquiéter du sort des milliers de malades inscrits sur la liste d'attente qui sont menacés de mort à tout moment mais qui pourraient être sauvés grâce à un don d'organes. D'après d'autres statistiques plus anciennes fournies par le CNPTO, on note que 485 transplantations de reins ont été effectuées en Tunisie depuis 1986. Ce chiffre a connu une évolution lente mais constante. Les transplantations du cœur et du foie n'ont pas connu la même régularité, vu la rareté de dons de ces deux organes. Quant à la greffe de cornées, elle a connu une évolution plus ou moins importante avec 3489 interventions depuis 1997. Concernant les greffes de la moelle osseuse on a effectué 280 opérations depuis 1998. Ces chiffres montrent d'une manière générale que les choses évoluent d'une année à l'autre, sauf que les dons d'organes restent toujours insuffisants par rapport aux besoins réels qui ne cessent de croître chaque année. Plusieurs familles tunisiennes restent réticentes quant au don d'organes pour des raisons culturelles, traditionnelles ou religieuses, soit parce qu'elles s'accrochent encore à la thèse peu convaincante de l'intégrité du corps de l'homme mort qu'il faut respecter, soit qu'elles n'ont pas confiance en ce genre d'opérations qui pourraient être sujettes à des trafics d'organes. Pourtant, les responsables veillant à la promotion et à la bonne marche de ce programme, ne cessent de rassurer la population sur la transparence des faits et des procédures concernant le don d'organes. Cette mentalité, qui perdure malgré toutes les précautions assurées par la législation en vigueur, constitue un grand handicap pour les spécialistes et les responsables de ce programme qui comptent doubler et même tripler le nombre de transplantations d'organes en Tunisie. Ce ne sont ni les moyens, ni les compétences qui manquent. Les technologies ont également beaucoup évolué dans ce domaine. Ce sont les mentalités qui doivent changer ! Il est temps que le don d'organes soit une culture en Tunisie !