Un monde à part. Qui a toujours, ou presque, valeur d'élévation. Et un refuge sûr. Qui ne trahit pas, ne ment pas, ne détourne pas la vérité, et vous accueille à n'importe quel moment, du jour comme de la nuit, en ami bienveillant qui vous a un jour ouvert sa porte, et ne l'a jamais fermée. Un monde, et une infinité de rêves, et tous les possibles deviennent à portée du regard, avec des mots qui prennent chair et corps, et brillent comme des diamants dans la nuit la plus obscure, pour illuminer le chemin par devers vous, dissipant tous vos doutes, apaisant vos tourments, jusqu'à faire imploser le cœur du silence, en vous révélant à vous-mêmes en même temps qu'ils vous révèlent, par effraction, petit à petit, à chaque fois une partie du vaste univers. Comme un cadeau. Les Frères Blancs, du côté d'IBLA (Institut des Belles Lettres Arabes), ont voué leur vie, en même temps qu'à l'amour de Dieu, et à celui de leur prochain, à l'érudition. C'est dire qu'ils connaissent la valeur de chaque recherche menée, de chaque étude entreprise, avec abnégation, patience, et rigueur, pour semer des pépites, sur une chemin de vie, où le livre est roi. Et faire œuvre de transmission. Tout un pan de la mémoire nationale tunisienne, mais pas seulement, vient hélas de partir en fumée. En un immense brasier, qui a tout emporté sur son passage, ou presque, le reste étant englouti par les eaux. Et plus que cette perte-là, forcément inestimable, il y a celle d'un homme : le frère Jean-Baptiste, qui n'a pas pu y échapper. Malheureusement… Un « autodafé » ? Toujours est-il qu'à défaut de sauver les « meubles », il faudra tâcher de préserver ce qui reste, et d'en prendre soin comme on tient à la prunelle de ses yeux. Car les livres sont la mémoire du monde. Et les perdre de vue c'est se perdre soi-même, en abdiquant de l'essentiel. Qui ne se souvient du film de Truffaut, -Fahrenheit 451- sorti en 1966, et adapté d'un roman de Ray Bradbury, qui raconte l'histoire de ces hommes et femmes, s'étant réfugiés dans une forêt, après avoir appris par cœur un livre de leur choix, suite à la décision prise dans la ville, de brûler tous les livres. Quelle que soit leur origine. La forêt des Hommes -livres est donc devenue le dernier bastion, imprenable, où la transmission peut être assurée. Et une œuvre culte de Truffaut, qui n'a pas été estimée à sa juste valeur à la sortie du film, avant qu'elle n'inscrive sa trace, durablement, dans la conscience des spectateurs et cinéphiles de tous bords, en lettres de feu. Parce qu'un livre est la somme d'un monde, et qu'il vaut plus que son pesant d'or… En ce sens, brûler un livre, c'est assassiner une pensée. Attenter à la vie… De l'abjection ! écrivait Rivette.