Il est très rare de rencontrer quelqu'un qui investit ses propres deniers dans une production cinématographique ou théâtrale. La plupart des producteurs, en la matière, préfèrent agir avec l'assurance des aides octroyées par le Ministère de tutelle. Rare mais pas inexistant. Nous avons rencontré M. Anis Amri, Président Directeur Général du groupe ATVYL, transport international, créateur d'Alkaz'art spécialisé dans la publicité et la communication (direction Karim Amri) et d'alkaz'art+ « plus », (direction Aymen Jaouadi), et nous avons découvert un homme d'esprit, amoureux des arts, défendant jalousement tout ce qui touche à la culture tunisienne et surtout un stratège hors pair qui propose une vision qui pourrait, à coup sûr, en surprendre plus d'un spécialiste en la matière. C'est à partir de 2006 qu'il décide d'élargir les activités de son groupe, jusque-là cantonné dans le transport international (transit et logistique), vers la publicité et la communication ainsi que l'accompagnement des entreprises dans la promotion de leurs activités. « De là, nous avons poussé vers l'organisation et la production des spectacle. Avec toujours cette passion perpétuellement ravivée pour l'art ». Implication dans la pièce de théâtre mise en scène par Chedly Arfaoui : « Langare » (la gare), production de « Mister Mim » de Taoufik El Ayeb et « Faute 2 frappe » de Houssem Sahli avec Atef Ben Hassine et Jamel Madani. Côté cinéma, il y eut « CINECITTA » de Brahim Eltaief : « Nous avons réalisé, à cette occasion, la plus grande action de publicité pour un film tunisien. Toujours avec cette histoire de passion pour les arts. Car celui qui s'attend à ce que la culture ou les arts ramènent de l'argent illico, feraient mieux d'opter pour un autre terrain. Il faut, tout d'abord, planifier, avoir une stratégie fiable. Par la suite, c'est sûr qu'on gagnera de l'argent. Ltaief n'arrêtait pas de me répéter que son film ne fera pas de bénéfices. Je lui répondais que je le savais mais que ce n'est pas pour autant que je ne réaliserais pas mon action publicitaire. A perte ? Pas forcément ! L'argent viendra ensuite. Il nous faudra parler commerce même si cela peut choquer quelques esprits retors. Quand on a produit « Faute 2 frappe » et qu'on a voulu animer l'ambiance devant le Théâtre Municipal, certains ont parlé de sommes faramineuses investis pour la réalisation de cette action de moyenne envergure. Ils nous ont accusé de vouloir nous substituer au Ministère de tutelle en accaparant le milieu artistique grâce à l'argent que nous sommes censés investir. Cela prête à sourire. Comme si c'était choquant de parler de commerce quand il s'agit d'art. Parlons plutôt d'échange de plaisir entre le spectateur et les gens du spectacle ». La question de l'art pour l'art est une gageure. Il faut insuffler de l'argent dans les secteurs qu'on veut développer et l'on ne voit pas pourquoi l'art devrait échapper à cette règle. D'autant que cette vielle manie d'être toujours assisté par le Ministère commence à devenir sérieusement encombrante, infructueuse et insuffisante pour les demandes grandissantes dans le domaine. Au lieu de crier au scandale, on devrait accueillir, avec beaucoup d'égards, les personnes qui voudraient investir dans ce secteur et les encourager pour ce faire. Et puis tout d'abord, est-ce qu'on peut faire des bénéfices en investissant dans les arts : « On commence à y arriver avec le Théâtre et le Cinéma. Mais la Musique demeure le grand Hic. Il faudra fixer un quota pour le passage des chansons sur les ondes des radios et des chaînes de télévision publiques et privées. Pourquoi n'arrivons-nous pas à créer une nouvelle chanson valable ? Parce que nous n'avons pas de « lobby de la Tunisianité » comme les égyptiens et les libanais ». Pourquoi la musique d'Anouar Braham ou de Wennes Khligène ne passe –t-elle pas à la radio et à la télé ? L'invasion des pseudo -chansons déferlant de l'Est et de l'Ouest est en train d'achever (dans le sens propre du terme) la chanson et la musique tunisiennes. Le lobby de la Tunisianité va finir par imposer de règles. C'est un problème de structures nécessaires à l'essor et au réveil de notre chanson et de notre musique. Un Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (C.S.A) nous semble être l'une des priorités pour ce faire ». Ce sont là quelques questions soulevées avec M. Anis Amri. Nous avons longuement parlé de peinture, de la langue française, de l'état d'esprit du public tunisien, du journalisme culturel et cela avec tellement de plaisir que j'en suis venu à oublier ma mission d'inetervieweur. Rare sont les privés qui investissent dans le domaine, disais-je au début de ce papier, ils sont encore plus rares, ceux qui, parmi eux, ont une telle passion pour l'art !