Toutes les prémices en Irak sont annonciatrices d'un éclatement du pays. La menace d'un tel scénario couve et n'attend que le moment opportun pour ressurgir. Toutes les conditions sont bien réunies pour que le coup de grâce soit donné de ce qui reste d'un pays aux poids régional et économique incontestable, il y a deux décennies. L'invasion américaine en 2003 et l'occupation qui s'en est suivie ont précipité l'Irak dans l'abîme avec la résurgence des vieux démons qui avaient fait de ce pays durant une très longue période de son histoire un foyer d'extrêmes tensions et de violences. Pays multiethnique et multiconfessionnel, l'Irak n'avait connu qu'à de rares exceptions une paix, toute relative. Et il y a toujours eu une partie de la population qui payait les frais de cette apparente accalmie. L'opposition entre Arabes et Kurdes date depuis la nuit des temps, celle des Sunnites et des Chiîtes dure depuis quatorze siècles et se retrouve exacerbée par la présence des troupes étrangères et par l'immixtion de puissances régionales dans les propres affaires du pays en soutenant telle ou telle partie, attisant du coup la haine, les vengeances et les contre-vengeances plongeant le pays dans un bain de sang sans fin. A ce tableau de désolation, s'ajoute l'absence d'un véritable pouvoir central capable de prendre de la hauteur vis-à-vis des appartenances ethniques ou confessionnelles. En dépit de la recherche d'un certain équilibre dans la représentation au sein du gouvernement et du Parlement le poids des appartenances demeure déterminant pour finalement bloquer toutes les issues menant vers une solution politique à même de permettre au pays de se libérer de l'emprise des puissances étrangères et éviter un Irak complètement démembré et totalement affaibli. Ceci explique d'ailleurs cette violence qui ensanglante les villes irakiennes. Elle donnera la pleine justification à ceux qui prônent la partition du pays et bien sûr de ses richesses. Force est de reconnaître que la voie est en ce sens balisée, avec la totale autonomie du Kurdistan, la mainmise d'une confession sur la ville de Bassorah et ses alentours, dont les champs pétrolifères et l'insoumission de plusieurs milices armées qui contrôlent les quartiers de la capitale. Que reste-t-il alors au pouvoir central à Baghdad ? rien ou presque dans la mesure où c'est grâce à la présence de plus de 150.000 soldats étrangers qu'il arrive à se maintenir en place. Sa sécurité, en dépit de l'évacuation des villes irakiennes par les troupes américaines, dépend de ces mêmes forces qui contrôlent les centres névralgiques de la capitale telle que la zone verte où se trouvent ministères et ambassades. L'armée et les forces de sécurité locale dont les effectifs dépassent, selon des sources concordantes, ceux d'avant-guerre, sont incapables dans l'état actuel des choses de maintenir l'ordre par manque de métier d'une part et surtout du fait de l'appartenance des conscrits à la mosaïque, éthnique et confessionnelle éclatée du pays. Tous ces facteurs et bien d'autres, font que l'Irak est aujourd'hui, sur la voie de l'éclatement en plusieurs entités antagonistes. Le départ programmé des troupes américaines qui laisseront un vide sécuritaire, ne manquera pas de profiter à ceux qui attendent le moment pour mettre en exécution leurs plans échafaudés localement et vivement soutenus par l'étranger dont les convoitises sur le pétrole irakien ne sont nullement un secret pour personne. L'Histoire retiendra que les Etats-Unis ont envahi et occupé un pays pour enfin de compte, au lieu de la démocratie et liberté promises, il sera livré au chaos intérieur et à la rapacité des ennemis de l'extérieur.