La traversée du détroit d'Adjim par le bac est une alternative incontournable, surtout quand on n'a aucune envie d'effectuer le détour pour se rendre à Djerba par la chaussée romaine. De quelque destination que l'on vienne, du nord, du centre, de l'ouest ou de quelques régions du sud, en partance vers l'île, l'option du bac s'avère en effet la mieux indiquée compte tenu de l'avantage de la distance restante parcourable et de l'aspect distrayant et relaxant de la traversée ; à peine trois kilomètres séparent les brunes falaises de Djorf du port de pêche d'Adjim de l'autre côté, traversés en toute saison et en toute quiétude en une quinzaine de minutes. Un tel avantage n'est que pour convaincre les automobilistes d'y recourir sans tergiverser, d'où l'énorme affluence sur les deux rives, remarquablement plus notoire pendant les périodes de pointe, et plus particulièrement en été où elle atteint son paroxysme, soumettant les voyageurs à une attente parfois harassante. Force est de reconnaitre que grâce au renforcement de la flotte mouvante de bacs dont le nombre s'élève maintenant à huit, la durée de l'attente est de moins en moins longue. L'aménagement d'un troisième quai de part et d'autre et dont les travaux sont en cours, sera à même d'alléger la lourdeur de l'attente, et ne fera que grandement service à des centaines de véhicules faisant quotidiennement la navette. Cependant, il est navrant de devoir signaler la prévalence d'une pratique condamnable qui tend à devenir monnaie courante, agaçant et irritant tous les usagers du bac, les habitués comme les passagers. C'est que certains automobilistes n'éprouvent aucune gêne à ignorer la longue queue en présence, à enfreindre les principes élémentaires de la vie en société qui préconisent de tout un chacun le respect infaillible du droit des autres et ce, en engageant leur véhicule dans la voie que doivent emprunter ceux qui débarquent et en fonçant droit pour se planter devant la cabine de commande du guichetier ; le reste est facile à deviner, tant la tactique est toujours la même : on descend de sa voiture pour s'engouffrer à l'intérieur de la loge de l'agent à qui on chuchote deux mots, suffisants pour se voir ouvrir les portes du paradis, on en sort avec ce sourire arrogant aux lèvres pour regagner son véhicule et on redémarre pour se positionner effrontément en tête de la longue queue, ou mieux pour embarquer illico presto si le bac y est, au grand dam des dizaines de pauvres automobilistes indignés, croupissant au soleil avec leurs familles et subissant les aléas du climat. Si certains ne réagissent pas, d'autres, blessés dans leur dignité propre, se refusent de se soumettre à cette loi du fait accompli et s'y opposent virulemment, ce qui donne lieu à des altercations incessantes, indécentes et à des obscénités des plus avilissantes. Des milliers de touristes, au départ ou au retour des excursions dans le sud, effectuent la navette et se trouvent souvent des témoins oculaires de ce dérapage indignant et de tout le remue-ménage qui s'en suit. Est-ce telle est l'image à donner de la Tunisie et du Tunisien face à ses obligations morales envers autrui ? Assurément pas. Nous comprenons que certains corps de métiers soient titulaires d'une « attestation » de priorité dûment justifiée, que nous ne sommes pas pour contester et dont sont exclus indubitablement ces cas d'espèce incriminés qui agissent de la sorte profitant de la complaisance révoltante de l'agent guichetier chargé d'exercer dans le respect du règlement en vigueur, mais rien au monde ne peut justifier ce favoritisme préjudiciable dont bénéficient certains « fortunés » au détriment du droit des autres à l'équité. En somme, cette pratique irritante et condamnable doit cesser de sévir. On ne doit plus tolérer que certains citoyens, en manque évident de civisme et irrespectueux du droit des autres, nous imposent leur arrogance et qu'ils dictent leurs caprices. Quant au guichetier dont il est du ressort de réguler avec rigueur et transparence le flot des véhicules, il est bien temps qu'il prenne garde de la gravité de cette attitude permissive dont il fait montre dans l'exercice de ses prérogatives qu'il remplit si mal.