Entre Bouficha et Enfidha, ils sont une vingtaine à s'installer sur les bordures de l'autoroute qui mène vers Sousse. Des jeunes vendeurs de coquilles d'escargots, dont l'âge ne dépasse guère la vingtaine vantent la qualité de leurs marchandises. Ils essaient d'écouler ces produits ramassés dans la nature, mis dans des sacs et transportés vers des points de vente le long des grandes routes ou vers des centres urbains. Reportage. En parcourant ce tronçon d'autoroute, nous avons eu la curiosité de nous arrêter pour voir de près ce commerce d'escargots. Ces vendeurs viennent, chaque jour, des localités rurales de Bouficha et Enfidha pour écouler ce produit qui est en train de reconquérir les ménages. Aussitôt arrivés que des jeunes vendeurs vous entourent pour présenter leurs produits. «Je suis souvent là après l'école… Grâce à ce bricole, j'aide mes parents et je me fais un peu d'argent de poche», déclare Sahbi, à peine 15 ans. Ce commerce est devenu une sorte de halte récréative pour les passants notamment les vacanciers pour qui s'arrêter un moment pour acheter est un plaisir délassant après un long trajet sur la route en cette période printanière. L'engouement que rencontre cette denrée auprès des consommateurs a attiré bon nombre de jeunes et de moins jeunes qui s'adonnent à ce commerce saisonnier, malgré l'interdiction du ramassage, de la vente, de l'achat et du colportage des escargots durant les mois de mars, avril et mai afin de protéger cette espèce (Article 8 de l'arrêté du ministère de l'Agriculture datant du 11 Août 1992) Mais ces jeunes essaient par tous les moyens de vendre leurs produits sans se soucier du règlement. Un métier saisonnier qui rapporte bien de sous pour ces vendeurs de la route. « Nous devons nous lever très tôt, ma mère, ma sœur et moi pour ramasser ces escargots. On les met dans les sacs et on se dirige vers la route », nous dit Hédi. Pas plus loin, Mohamed, la quarantaine nous dit que « la marchandise est abondante cette année. On trouve les escargots principalement dans la nature mais également dans les prairies. Ils se nourrissent essentiellement de fruits et de feuilles. Ils sont faciles à ramasser et leur élevage ne présente pas de grandes difficultés vu qu'ils s'adaptent à toutes sortes d'environnement. Ils se reproduisent plusieurs fois par an. Il faut en général un an pour qu'un escargot parvienne à une grosseur et un poids corrects. Les escargots sont ramassés à la main à la tombée de la nuit, lorsqu'ils commencent à s'activer et qu'ils sont donc plus faciles à trouver. Il faut les déposer délicatement dans un sac sans abîmer la coquille pour éviter qu'au fond, les coquilles ne s'écrasent » Un vieux qui a du mal à vendre ses escargots essaie de nous régaler «C'est un passe temps pour moi. Ça me permet de discuter avec les gens » Mehdi est tunisois. Il est hésitant : « J'ai peur que ces escargots ne soient pas frais. J'ignore leur origine et la date de ramassage. C'est très important pour la santé de ma famille ». Ceci n'empêche que nombreux passants se ravitaillent en cette denrée. Henda une femme au foyer ne rate aucune occasion pour acheter ces escargots « L'escargot est aujourd'hui reconnu comme l'un des mets les plus raffinés parmi ceux que la nature nous offre. J'aime bien les manger. Ils ont un goût particulier mais il faut bien les laver, extraire l'escargot de sa coquille, égoutter, tirer les viscères et couper la tête. La chair peut alors être bouillie, cuite, frite ou apprêtée selon les pratiques culinaires » Les escargots entrent dans la préparation d'une variété de plats, y compris les soupes, les sauces ou et le kebab. Les gros escargots sont préférés pour les soupes. Les petits escargots sont plutôt préférés pour les sauces. Un commerce porteur Le commerce des escargots est florissant notamment en période de pluies. « L'escargot aime la saison des pluies. Ça nous permet de ramasser assez d'argent » estime Jalal. Mais ça chute dès qu'il commence à faire chaud. Actuellement On vend jusqu'à deux sacs par jour à raison de 1d.800 à 2 dinars le kg. Certains marchandent. Parfois nous cédons, mais jamais tout de suite. Il ne faut pas lâcher le client ». Les affaires marchent malgré la chaleur et le danger de la route. « A la tombée de la nuit, on rentre avec l'argent ramassé. Pas beaucoup. Mais l'essentiel c'est que ce commerce nous permet de satisfaire les besoins de nos familles » souligne un jeune de Bouficha. Il est vrai que la zone de collecte couvre toute la Tunisie septentrionale et cette opération est réalisée généralement à titre individuel. Ce n'est pas un secteur organisé. L'escargot étant une denrée périssable. Son transport revêt une importance capitale pour limiter les pertes qu'il occasionne et faire parvenir la marchandise selon les conditions sanitaires requises. La Tunisie est un exportateur traditionnel d'escargots. Mais ces escargots doivent être présentés dans des caisses de 20 à 25 kg en bois ou en matière plastique, à fond grillagé, montées sur pied et à couvercle à claire voie. Ils doivent être répartis par catégorie de taille. Les exportateurs font en général un tri de façon à n'exporter que les escargots de grande taille. Environ 95 % de la production totale ramassée est destinée à l'exportation sous forme d'escargots vivants ou de chair d'escargot congelée. On exporte entre 300 et 600 tonnes par saison notamment vers la France, l'Espagne et l'Italie. Ce qui rapporte entre 3 et 4 millions de dinars.