En apothéose du spectacle présenté par des groupes d'élèves du Centre de Langue, pôle de Sfax, la représentation théâtrale d'une pièce intégralement élaborée par les acteurs eux-mêmes, est sur le plan pédagogique, un plaidoyer éloquent quant à l'efficacité de l'approche théâtrale dans la didactique d'une langue étrangère, en l'occurrence, le français. A rappeler d'abord, que les shows présentés récemment au Centre Culturel Mohamed Jamoussi, à Sfax, s'inscrivent dans le cadre du projet « Olive de Tunisie 2010 » réalisé grâce à une synergie féconde entre la Maison de France, le monde associatif en Tunisie et plus particulièrement la société civile à Sfax. Parmi les objectifs que le projet s'était fixés, on pourrait mentionner la sensibilisation des jeunes à l'esprit d'entreprise, aux questions environnementales, aux solidarités et à la langue française. Le spectacle donné en début de soirée par des élèves de la professeure Muriel Siala, dans le cadre des « ateliers chansons 2010 », a été conçu dans le même esprit et visait les mêmes objectifs que la représentation théâtrale, c'est-à-dire, initier l'élève à un nouveau rôle actif d'acteur/producteur/créateur qui tranche avec le rôle traditionnel de consommateur passif. La tâche, ardue, il est vrai, a nécessité un exercice long voire même laborieux qui s'est étalé sur toute une année, avec deux groupes d'élèves de 7ème année collège. La moisson, soit trois chansons par groupe, centrées sur les thèmes de l'olivier et des voyages, et entièrement écrites par les enfants ont meublé la première partie du spectacle. Non moins intéressant est le second spectacle, celui de chorégraphie présenté par les jeunes collégiens de la professeure Leila Trabelsi. Le spectacle conçu à partir d'un travail initial sur le portrait physique et l'imparfait a abouti à une œuvre combinant des tableaux chorégraphiques et des chansons interprétées par les élèves. Ce qu'il importe de souligner, dans les trois spectacles cités et plus particulièrement dans la pièce de théâtre : « Des racines et des feuilles », jouée par les élèves de Mme Hèlène Riboni, responsable du Pôle de Sfax qui part bientôt pour une retraite bien méritée après de longs et loyaux services, c'est que le jeu se veut au service de divers enjeux. D'abord des enjeux pédagogiques : la confection de la pièce de théâtre est passée par des étapes successives. Après le choix de la thématique, l'atelier de théâtre a comporté des exercices à caractère phonétique, articulés sur l'élocution, la diction, l'intonation, le rythme et le débit. Parallèlement, le travail axé sur des supports textuels qu'ils soient poétiques ou en prose devait aboutir à un chantier de production personnelle, suivi d'une mise en commun qui donnait lieu à des discussions quant à la cohérence globale. La genèse de la pièce est ainsi faite de montages fragmentaires constamment revus et « corrigés » au fur et à mesure que jaillissait une proposition pertinente ou que les considérations dramatiques ou les impératifs de l'écriture scénique l'exigeaient. D‘ailleurs, outre le texte, la mise en scène est l'œuvre presque exclusive des élèves de l'atelier de théâtre. Sur le plan psychologique, grâce à l'expérience du groupe et surtout l'expérience de la scène et du public, la pratique théâtrale peut se prévaloir d'un mérite et non des moindres, celui d'aider l'élève à vaincre sa timidité et à se libérer de ses blocages, donc à gagner en assurance. Outre cette vertu thérapeutique « exorcisante », elle lui apprend aussi à construire le personnage qu'il va jouer, puis à utiliser ses facultés « mimétiques »,son corps, sa voix et ses gestes pour incarner convenablement ce personnage, en intérioriser les sentiments et les émotions pour les restituer sur scène. De plus, l'enfant acquiert la fierté du créateur ce qui lui permet de se valoriser à ses propres yeux et à ceux des autres. Mais ce n'est pas tout, car les enjeux de l'approche théâtrale comme moyen didactique dépassent en réalité l'efficience pédagogique pour prétendre à une dimension culturelle, psychologique, voire même sociale. C'est ce qu'illustre la pièce : « des racines et des feuilles, » dont la vision est en effet plus globale parce qu'elle intègre la dimension environnementale, impulse une prise de conscience quant aux menaces qui pèsent sur la planète, appelle à une solidarité agissante et stimule une réaction salutaire. Partant du fait que le théâtre et la musique en tant qu'arts de spectacle peuvent faire bon ménage, deux jeunes musiciens jouant respectivement du « qanun » et de l'orgue électrique ont prêté leur concours ,pour meubler les entractes par des intermèdes musicaux et surtout pour réadapter la musique de Yannick Noah sur laquelle a été interprétée la chanson écrite par le groupe, par une jeune « actrice » qui faisait partie de la troupe des vingt comédiens en herbe, en plus de deux éloquentes, présentatrices tous des adolescents de 15 à 16 ans dont le brio a été longuement applaudi par l'assistance composée des parents et des professeurs de l'institution, parmi lesquels on notait la présence de MM. Denis Toupin, directeur de la MDF, initiateur du projet « Olive 2010 » et Raoul Boellinger, directeur du Centre de Langue. Pour conclure, disons que les approches préconisées dans les trois spectacles, de musique, de chorégraphie et de théâtre pour faciliter l'enseignement/apprentissage du français, dans nos établissements scolaires, pourraient servir d'exemple à suivre, dans nos établissements scolaires, d'autant plus, que ces approches partagent le même dénominateur en ce sens qu'elles investissent les acquis linguistiques et culturels des apprenants dans un travail de production et de création individuelles dont la fusion dans le creuset commun de l'équipe aboutit à une œuvre collective qui témoigne des vertus de l'esprit d'équipe dans la réalisation d'un projet, à l'instar du travail accompli par les différents groupes qui s'est fait dans cette logique et cette même perspective de projet.