Younes Selmi a bien roulé sa bosse dans le domaine de l'arbitrage. Pendant 25 années, il a été un homme au sifflet dont 4 ans et demi sur la scène internationale. Il a été membre de la commission des arbitres avec Abdesselam Chamam et Tarek Mbarek, président de la commission centrale des arbitres nord et sud, président de la commission des désignations de la Ligue nationale et enfin membre fédéral, président de la commission centrale des arbitres. Pour couronner une carrière bien remplie, il s'engageait pendant cinq ans avec une télévision privée tunisienne en tant que consultant de l'arbitrage. Il a donc eu largement le temps de se pencher sur tous les problèmes, de décortiquer les lacunes de nos arbitres et de les évaluer à leur juste valeur. Avec l'avènement du nouveau bureau, la tâche du « patron de l'arbitrage » lui échoit dans une structure dont l'appellation est désormais «direction nationale de l'arbitrage ». Aux dires de Younes Selmi, le favoritisme n'est plus de mise et l'heure est à la fermeté et aux solutions radicales pour contrer les dépassements et agir efficacement sur un corps arbitral en déroute depuis quelques années et qui semble en perte de crédibilité. D'emblée, Younes Salmi frappe fort et inflige des sanctions dures et inhabituelles à ceux qui ont déçu lors de la journée écoulée. Inauguration d'une nouvelle ère de l'arbitrage tunisien avec la discipline et la rigueur comme mot d'ordre ou simple coup d'éclat pour faire illusion? Nous avons posé cette question et d'autres au patron de l'arbitrage Younes Selmi. Voici sa vision des choses. Le Temps: Pouvons-nous considérer ces sanctions qui ont touché cinq arbitres comme l'inauguration d'une nouvelle vision de l'arbitrage, une nouvelle philosophie ?
Younes Selmi: Disons que c'est ce qu'il faut, désormais, faire. Nous avons sensiblement amélioré les rémunérations de nos arbitres et quand on a des arbitres bien payés, motivés et jouissant d'un bon encadrement, nous devons nous attendre à une contrepartie de leur part, illustrée par leurs prestations. Il y va de l'intérêt des clubs, d'enjeux importants et surtout de la crédibilité de l'arbitrage et du football tunisien, copieusement écorchée! Les arbitres doivent impérativement répondre à l'appel et être à la hauteur de leur mission. Nous avons mis des critères et passé le message aux arbitres qu'ils seront soutenus, que leurs primes seront meilleures et peuvent l'être encore plus. On attend d'eux qu'ils aient une réaction positive en retour et de se débarrasser des mauvaises habitudes. Je crois que le message n'a pas été bien assimilé par certains. Nous avons relevé les erreurs durant cette journée et sommes passés à la vitesse supérieure pour les rappeler à l'ordre. « Ils étaient prévenus »
Ne craignez vous pas de vous attirer les animosités des arbitres après ces décisions ?
-Ecoutez, je n'ai rien fait d'arbitraire. J'ai rassemblé les arbitres avant le démarrage de la saison. Je les ai aussi convoqués après les fameuses rencontres et on a passé en revue les faits de ces rencontres et expliqué le pourquoi des sanctions qui vont leur être infligés. Ils ont, tous, reconnu leurs erreurs et qu'il y'avait une certaine négligence. Ils ne s'attendaient, peut être pas, à ce qu'elles soient si sévères. On a essayé de leur clarifier la situation et expliqué qu'ils étaient les premières victimes et qu'ils allaient payer pour tous les autres, pour qu'ils servent d'exemples. Le message est, certes, fort mais il était annoncé avant le début du championnat. J'avais aussi prévenu les arbitres internationaux qu'ils ne sont pas immuables dans la liste internationale. -Ceci implique que le rendement d'un arbitre en championnat national peut menacer sa présence dans la liste internationale. Absolument! Parmi les critères que nous avons fixés c'est que l'arbitre ait un certain rayonnement dans son milieu et amasse des avis favorables. Il doit prouver qu'il est en train d'assurer un bon arbitrage. Ceci lui ouvre d'autres horizons et fournit à la direction de l'arbitrage une satisfaction morale qui nous permet de continuer sur notre lancée. On ne peut pas se permettre de faire dans le copinage et de tenir compte des sentiments des gens, de leur sensibilité ou des animosités, si on veut travailler selon des normes objectives! « Mon rôle de consultant m'a éclairé sur les failles et les solutions à apporter! »
Votre expérience de cinq ans en tant que consultant de l'arbitrage vous a t-elle facilité la tâche et ouvert les yeux sur les lacunes des hommes en noir ?
Tout à fait! En tant que consultant, je suis resté dans le sillage de l'arbitrage, j'ai continué à « vivre » avec les arbitres à travers le suivi des matches des Ligues 1 et 2. J'ai suivi la progression de certains talents qui ont suivi le bon chemin. J'étais conscient lorsque j'avais pris la direction de l'arbitrage national de la difficulté de la responsabilité. J'ai pu , avant l'entame de l'exercice , dégager les failles et localiser le mal qui ronge l'arbitrage depuis des années. Maintenant que j'ai pris mes fonctions, j'ai commencé à appliquer mon programme pour relever le niveau et à construire les bases de l'arbitrage. Aujourd'hui, je n'ai plus besoin de l'aval du bureau fédéral dans mes prises des décisions. La direction fédérale est souveraine. Ceci nous donne des ailes. Ça nous permet de construire sans qu'il y'ait intervention étrangère ou perturbation dans le travail du groupe. « Il n'y a plus de place à l'interventionnisme!»
Tout dernièrement, Sami Gandouze, le président de l'ESHS vous a accusé de décrocher le téléphone quand il s'agit de certains présidents et de ne pas le faire pour d'autres. L'eternel problème de l'interventionnisme des présidents dans les désignations va-t-il être également banni?
Je n'ai aucun numéro des présidents de clubs et je ne suis pas tenu des les avoir. Je communique avec les présidents et responsables des clubs par le biais de correspondances enregistrées. M Guandouze se trompe lourdement ! Comme nous respectons les clubs et n'intervenons pas dans leur travail en leur imposant les joueurs qui doivent être alignés, nous leur demandons de respecter notre stratégie, notre politique de gestion. Je veux pouvoir ménager mes arbitres internationaux. Je valide les désignations des arbitres proposées par le département qui s'en occupe en tenant compte des journées à venir. Si j'ai besoin d'un arbitre, je veux pouvoir l'avoir dans les meilleures dispositions en temps voulu. Avec tous mes respects pour M Guandouze, je lui assure qu'il n'y aura pas de favoritisme. La preuve, quand un responsable d'un grand club de la capitale a contesté une désignation de la 1ere journée, notre réponse était sans équivoque; « Monsieur, ne vous présentez pas sur le terrain le jour du match!» Le message était très clair. Je n'ai pas de compte à rendre à qui que se soit. Nous publions les désignations très tôt et avons coupé avec le secret de polichinelle et le suspense du dernier jour. On a confiance en nos arbitres et en les commissions qui travaillent. Nous agissons dans la transparence la plus totale et avons besoin de temps.» « Les compétitions africaines sont le tremplin pour accéder aux coupes du monde »
L'absence de nos arbitres dans les compétitions internationales, comment y remédier?
Il faut surtout travailler avec les jeunes et les aider. La moyenne d'âge de nos arbitres internationaux est au dessus des 40 ans. Ceci ne sert pas nos intérêts à l'échelle internationale. Il faut, d'ores et déjà, travailler pour découvrir d'autres talents, pour rajeunir la liste internationale. Il faut leur permettre d'acquérir de l'expérience au niveau africain pour être sujet à contrôle et inspection et retenu en phase finale des coupes africaines. Les compétitions africaines sont le tremplin pour accéder aux coupes du monde. C'est à peu près notre politique et c'est pour cette raison que jusqu'à la 4ème journée, nous n'avons fait appel à aucun de nos arbitres internationaux parce que nous sommes convaincus qu'il faut changer de mentalité. Nos internationaux ne doivent pas dormir sur leurs lauriers. Ils ne sont pas indispensables pour la compétition. Ils sont menacés par les jeunes qui arrivent qui ont le niveau et qui sont crédibles. Même les présidents sont pour le rajeunissement du corps. Ils voient que ces jeunes viennent pour s'exprimer, pour s'imposer et trouver une place parmi l'élite contrairement aux autres qui sont blasés. Ces derniers doivent savoir qu'ils ne sont pas indétrônables et risquent de « quitter » la liste internationale s'ils ne sont pas à la hauteur. Nous voulons changer les mentalités et créer une ambiance de concurrence loyale et à chacun de donner le meilleur de lui-même pour réussir et être le meilleur.
Pourcentage du recours à l'arbitrage étranger cette année ?
Néant! Je le dis avec fermeté et certitude.
Même pour les matches chocs et à la demande des clubs ?
Dans tous les cas de figure! D'ailleurs, on a annoncé la couleur dès le premier match entre l'ESS et l'EST en désignant un jeune arbitre qui n'avait pas d'expérience. Il reste une porte ouverte dans le cadre de la collaboration avec l'UNAF, nous pourrons éventuellement effectuer quelques échanges d'arbitres mais ils ne seront pas utilisés pour des matches chocs! Entretien réalisé par Aida Arab Achab