L'enfant préférait dormir sans avoir révisé ses leçons pour se réveiller à l'aube accomplir ses devoirs. Cela lui convenait beaucoup mieux car il a toujours cru en la disponibilité du cerveau après une bonne nuit de sommeil. Et puis il aimait sentir l'aube « papillonner » au-dessus des vagues et des maisons. Il lui semblait alors qu'il était le maître du temps. Sa mémoire était colossale. Il pouvait facilement être catalogué parmi ceux qui étaient réputés dans l'histoire de la poésie arabe pour apprendre tout un pendentif ou un long poème épique en l'ayant écouté, une seule fois, déclamé par le poète. Ceux-là étaient considérés comme les appareils enregistreurs de l'époque. Il leur appartenait alors de redire le poème pour ceux qui apprennent après une double écoute qui le répèteront ensuite à ceux qui apprennent après trois écoutes. Le poème est ainsi sauvé du néant et gravé à vie dans la mémoire de l'époque. L'enfant était tout fier d'être comparé à la première catégorie des «enregistreurs» et c'est avec délectation qu'il jetait un seul regard sur le texte qu'il devait apprendre pour l'école ce jour-là pour aussitôt tendre le cahier à sa mère pour qu'elle surveille son degré d'apprentissage alors qu'ils étaient encore tous deux bien enfouis sous la chaleur des couvertures. Il mettait dans le mile et la maman fièrement lui tendait son cahier en le félicitant. Il arrivait cependant qu'il bafouillait quelquefois et quand il demandait à sa maman s'il avait bien appris cette leçon, elle lui conseillait de la relire encore deux à trois fois pour parfaire sa maîtrise. Il était alors un peu déçu mais il se rattrapait rapidement et se faisait une bonne raison en se disant qu'il y avait des leçons plus faciles à apprendre que d'autres. Il a toujours été admiratif des connaissances de sa mère qui le conseillait pour toutes les différentes matières qu'il devait réviser… jusqu'au jour ou hissant sa tête au-dessus du bras de sa mère pour s'assurer que ce qu'il récitait correspondait parfaitement à ce qui était écrit, il se rendit compte qu'elle tenait le cahier à l'envers. Cela l'intrigua et l'attrista en même temps. Il prit alors l'habitude de dire n'importe quoi – surtout en français – sans s'arrêter, sans bafouiller et en toute célérité. Sa maman lui tendait alors son cahier en le félicitant. D'autres fois, il prenait plaisir à bafouiller et elle lui conseillait de relire encore ses devoirs. L'enfant n'a jamais voulu montrer à sa mère qu'il avait compris qu'elle ne savait ni lire ni écrire. Sa mère – coquine, diplomate et intelligente à souhait s'est-elle rendu compte que son enfant avait découvert sa défaillance et aurait-elle continué à faire semblant de le suivre sans rien comprendre au charabia qu'il énonçait ? On ne le sut qu'une fois, le gosse ayant grandi et s'étant imposé comme un dévoreur insatiable de livres. Ils savaient tous deux que sans l'aide de la maman, il en aurait été, sûrement, autrement.