Par Khaled Guezmir - Ce qui se passe au Soudan doit être perçu par la jeunesse arabe et musulmane comme une véritable leçon de science politique ! Comment un Etat unitaire arrive-t-il à décomposition et pourquoi ? Dire qu'une guerre civile ou des conflits locaux avec des supports ethniques et même religieux évidents aboutissent la plupart du temps à des fissures structurelles profondes enjoignant des scissions, ceci est bien probable ! Mais beaucoup de pays vivent ce genre de situation et arrivent à sauver leur persistance. La plupart des grands pays, géographiquement, comportent certaines spécificités ethniques ou tribales équivalentes mais s'arrangent par des solutions fédératives ou d'autonomies régionales internes à préserver l'Etat unitaire. C'est pour cela que le Droit des Etats a inventé les systèmes fédéraux et confédéraux et bien d'autres structures pour pouvoir sauvegarder un Etat comme le Soudan qui existe dans sa forme unitaire depuis des siècles. Pour cela, il suffit de préserver certains vecteurs importants. D'abord la capacité de l'Etat et de son gouvernement de revendiquer une certaine légitimité. Cette légitimité est aujourd'hui véhiculée par les élections. Ensuite faire en sorte que les décisions de ce gouvernement soient perçues comme obligatoires par une sorte d'acceptabilité du corps social. Enfin, préserver les valeurs qui font que la population ou les citoyens s'attachent à l'Etat et lui, donnent une certaine allégeance parce que conforme à ce qu'ils considèrent être l'intérêt général. Déjà au niveau de ces préceptes, le Soudan de M. Omar Al Bashir présente des signes majeurs de défaillance surtout au niveau de la diffusion des valeurs unitaires et de l'acceptabilité des populations du Sud, frustrées par tant d'injustices, de la légitimité du gouvernement de Khartoum. Mais le plus dramatique se situe ailleurs. La faillite de l'adaptation du Soudan d'Al Bashir, aux exigences de l'environnement international. M. Al Bashir ne manque pas de répéter à qui veut encore l'entendre que son pays est victime de la stratégie d'un « sionisme international » qui vise à affaiblir et démembrer les pays arabes et musulmans avec la bénédiction des Etats Unis d'Amérique et des puissances occidentales ! Soit, mais il fallait y faire face par la consolidation de l'unité nationale, une bonne politique d'intégration du Sud, plus incitative et plus juste de répartition des richesses nationales et surtout ne pas prêter le flanc aux manœuvres de désunion en traitant autrement la crise du Darfour ! Des milliers de morts et de réfugiés que les puissances « maléfiques » ont vite mis au passif de M. Al Bashir pour le traîner tout simplement devant la Cour pénale internationale pour génocide et crimes contre l'humanité. Du coup, cette « arme de destruction massive » qu'est devenue la CPI pour les régimes arabes et musulmans, va finir par le mettre à genoux et lui faire accepter toutes les « conditions », d'aide à un véritable naufragé que M. John Kerry, le président de la Puissante Commission des Affaires étrangères du Sénat américain a présentées avec grande magnanimité. La leçon c'est que M. Al Bashir ne peut s'en prendre qu'à lui même et il assume en grande partie la scission du Soudan. Les relations internationales sont régies par les intérêts particuliers des Etats et des puissances. La bonne gestion et la bonne gouvernance. C'est de savoir s'immuniser contre les appétits hégémonistes des uns, d'éviter les mauvaises alliances des autres, et, surtout de bien consolider le front intérieur en renforçant les organes de soutien et de légitimité du système ! Pour le moment quel dommage… et qu'il est triste de dire : Il était une fois le Soudan !