Lotfi OUENNICHE - Cet air de liberté, que respire le peuple tunisien, ce sentiment de fierté et de dignité retrouvées, cette effervescence qui anime tout un pays débarrassé du joug de la dictature et des clans mafieux, cette animation soudaine mais prévisible de la vie politique et sociale, ce foisonnement de forums de dialogue et d'aires de débat dans un paysage médiatique, désormais, ouvert à toutes les tendances et à toutes les opinions, ne doivent, en aucun cas, nous faire oublier que le pays est dans une phase charnière de la révolution et de son histoire. Il s'agit, certes, d'une période transitoire, mais non moins grave et qui impose ses exigences et ses priorités. La priorité des priorités dans ces moments historiques et lourds de conséquences est sans contexte le rétablissement rapide de la sécurité et de la stabilité sur tout le territoire ainsi que la préservation de l'ordre public et l'arrêt de tous les excès. Et si des signes non trompeurs démontrent une nette amélioration de la situation sécuritaire ; que confirme, d'ailleurs, l'allègement du couvre-feu, les Tunisiens appréhendent, néanmoins, l'avenir avec inquiétude et angoisse. D'abord, parce qu'aucune information ne filtre sur les milices armées à la solde de l'ex-président et de ses acolytes, ainsi que sur la densité de leur force. On ne nous dit toujours pas s'ils ont été anéantis ou même affaiblis ou s'ils sont encore capables de causer plus de dégâts et de destructions. Ensuite, il y a cette cacophonie ; cette anarchie même qui prévaut sur la scène politique tunisienne. La classe politique est, malheureusement, en train de prouver qu'elle n'est pas à la hauteur des responsabilités qu'exige d'elle la nouvelle étape. On constate, avec amertume, que dans certaines sphères, on continue à privilégier l'intérêt personnel à celui suprême, de la nation et qu'on s'empêtre dans des chamailleries et des luttes partisanes qui éloignent les chances de tout consensus et plongent les institutions du pays dans un immobilisme périlleux. Il est question plus que jamais d'emprunter la voie de la raison pour répondre aux aspirations du peuple qui a payé du sang de ses fils le prix de sa liberté.