6h00 du matin du côté de la coupole d'El Menzah. Dès les premières lueurs du jour, Le convoi ‘'espoir et fraternité'' s'apprêtait à partir en direction de Kasserine. Cette fois-ci la mission ne consiste pas à remercier les gens de la région, mais bien plus. Les blouses blanches et les entrepreneurs ont rejoint la caravane qui s'attelait à la tâche d'apporter du réconfort aux Kasserinois, de soulager, un tant soit peu, leurs maux au sens propre et figuré. Ils étaient au total, 33 médecins, du personnel paramédical et des hommes d'affaires, tous venus d'horizons différents et réunis sous l'emblème de la fraternité envers un peuple longtemps resté aux oubliettes. Et si le 14 février des hommes et des femmes ont battu le pavé au nom de la liberté, les Kasserinois eux ont donné leurs enfants et les ont accompagné à la mort lorsque les émeutes battaient leurs pleins entre habitants et forces de l'ordre qui ne reculaient devant rien pour réprimer le soulèvement de la région du nord ouest. « Il est vrai que la Révolution s'est déclenchée à Sidi Bouzid mais ce sont les Kasserinois qui ont donné le plus de martyrs. Ils étaient quasiment 60 personnes à s'être battu jusqu'à la mort sans compter les blessés lors des émeutes ayant opposés policiers et habitants de la région. Par ailleurs, on n'a pas besoin de paquets de macaroni et de couscous qui nous rappellent les caravanes Rcdistes qui n'allaient jamais au profit des plus démunis. On a, plutôt, besoin d'investissement et d'institutions régionales non corrompues pour que notre ville se remette de ses maux. Nous nous organisons aujourd'hui en comité pour protéger la Révolution et tenter de mettre de l'ordre dans la région. Et surtout pour que nos invités soient en sécurité.» nous dit M. Khaled Nasri, le Président du comité régional de la protection de la Révolution. Des hommes libres, les Tunisiens Et même si le calme n'est pas encore revenu du côté de Kasserine, les caravanes ne cessent de parader et les slogans de s'afficher sur les pullovers, sur les brassards et en étendards sur les bus et les voitures en convois. « On est dans l'émotion et la compassion » nous dit une artiste plasticienne qui accompagne le convoi de l'espoir et la fraternité en ajoutant « Je suis émue de voir autant de dévouement de la part de ces hommes et de ces femmes qui donnent d'eux-mêmes, de leurs temps et de leur argent pour aider nos compatriotes ayant été toujours des laissé-pour-compte de la politique nationale. Je suis dans la compassion parce que j'ai de la peine pour les proches des martyrs. Je veux bien aider, ne serait-ce qu'en se rendant dans cette région et d'apporter du soutien moral à ces habitants. » Sauf que le soutien du ‘'Convoi espoir et fraternité'' ne s'en arrêtait pas là. Car des laboratoires pharmaceutiques et des sociétés privées n'ont pas hésité un seul instant à aider matériellement la région. Selon Nadia Korchane, médecin du comité d'organisation du convoi, les aides récoltées se chiffrent à quelque 50 mille dinars. Citons à titre indicatif les laboratoires pharmaceutiques, Optique distribution, Médis, Gelpharma, Opalia dont certains parmi eux ont offert des dons allant jusqu'à 14 mille dinars. « Côté sanitaire, le convoi Espoir et Fraternité prévoit de parrainer l'hôpital régional de Kasserine à raison d'un spécialiste des hôpitaux publics par service. On a même le concours de quelques cliniques privées. Le but étant d'assurer une continuité dans le traitement des patients kasserinois et non pas de se contenter de mener une action ponctuelle. Pour aujourd'hui on a tout juste prévu 50 consultations par médecin. » fait remarquer le Dr Korchane. En ces moments on était à quasiment 100 km de Kasserine, dans la région dite Oued Zroud, un fleuve qui de par le passé, a englouti des centaines de personnes, avant qu'on y installe un barrage depuis l'Algérie. Et c'est en sortant de la région Hajeb Layoune que la coupure avec Kairouan et le reste du pays se fait sentir. La région n'étant pas également gâtée par la nature laisse paraître un paysage aride et des plantes desséchées sous un soleil de plomb en plein saison hivernale. Le paysage hostile s'est suivi d'une situation sociale et économique des moins confortables pour les gens de la région. Cela n'a pas empêché les habitants de la région de se montrer généreux vis-à-vis de leurs invités. Du côté de Sbeitla où le convoi espoir et Fraternité a fait escale, un comité populaire nous a reçu à bras le corps. Générosité oblige, on ne pouvait reprendre la route en direction de l'hôpital de kasserine qui était sur la périphérie de la ville, sans pour autant goûter à quelques produits du terroir : du pain, du lait, du miel et de l'huile d'olive... La ville de Kasserine A l'entrée de la ville, les quartiers Ennour et Ezzouhour, lieux ayant été le théâtre des évènements de l'avant 14 janvier, un café en cachait un autre. Les hommes qui s'y installaient nous faisaient des signes des mains. A notre arrivée à l'hôpital régional de Kasserine, le comité d'accueil veillait à ce que des intrus ne se mêlent à la foule pour semer le trouble au sein du convoi. Cela n'a pas empêché les militaires à intervenir. Car dans quelques services dont celui d'ophtalmologie ou de la rhumatologie le nombre des patients était au-delà de ce qu'on prévoyait. Les centaines de personnes qui se bousculaient au devant des services dont la majorité étaient des femmes, ont été évacuées avec les coups de matraques. « Ce n'est qu'à 13 heures qu'on a appris que des médecins viennent de Tunis pour faire des consultations. Alors je me suis dépêchée pour venir et mes enfants. » nous dit une habitante de la cité Karma. Cette Kasserinoise n'était pas la seule à se comporter de la sorte, car on avait l'impression que tous les habitants des quartiers avoisinant l'hôpital y ont accouru pour se faire ausculter par les médecins du convoi. Les médecins présents ont, tant bien que mal, tiré leur épingle du jeu, pour que la journée des consultations prenne fin vers 18h 30. Mais ce n'est pas tout, car après s'être installé dans le bus, les membres du convoi étaient dans l'obligation de patienter encore plus de temps… Le Dr Bellagha, chef de service de radiologie à l'hôpital d'enfants de Bab Saadoune accompagnée de son équipe n'étaient pas encore arrivée. Un bébé de 6 mois souffrant d'une invagination intestinale aigue devrait être sauvé dans l'urgence. L'équipe de médecins et de personnel paramédical ont dû opérer une désinvagination radiologique, chose non évidente à cette heure là et dans un hôpital dépourvu non seulement du matériel mais du personnel suffisant. Le bébé qui allait être transporté jusqu'à un hôpital de Monastir aurait perdu la vie en cours de route s'il n'a pas été sauvé de justesse par le Dr Bellagha et ses coéquipiers. Mission accomplie avec brio sous les bravos des uns et des autres.
Mona BEN GAMRA ------------------------ La télévision nationale, un reportage à distance La télévision nationale invitée à l'évènement a répondu positivement à l'appel de la caravane. Mais le staff du journal de 20h a préféré couvrir l'évènement à distance en se contentant de faire le reportage à quelques kilomètres de Kasserine, à l'entrée de Kairouan du côté de la place Ezzarbia. Ils ont par la suite rebroussé chemin avec, on l'espère bien pour eux, le sentiment du devoir accompli. ------------------------ L'arroseur arrosé Kasserine serait la ville des dépassements autorisés. L'hôpital régional de Kasserine serait un des lieux où règne la loi du plus fort. A commencer par une affaire qu'on a entendue de la bouche de bon nombre de patients. Elle concerne le vol, il y a peu d'une cuvette du petit coin et de trois chaises d'une salle d'attente. L'auteur de ce vol un médecin gentil homme allait faire don de ces objets volés à un lieu de culte en cours de construction. Le gardien ayant dénoncé l'affaire a été arrêté et condamné à trois mois de prison. ------------------------ Jeux de la petite et de la grande facture Une caractéristique propre à l'hôpital régional de Kasserine était, pour le moins, étrange aux yeux des membres de la caravane. Dans quelques salles d'attente de l'hôpital des sièges en simili cuir, quelques rideaux sont déroulés mais cette fois-ci ce n'est pas pour pavoiser des fenêtres mais pour habiller des murs. Des lustres d'un très mauvais goût s'accrochent en fausses notes dans la salle de radiologie… Il va sans dire qu'il n'est pas question ici de tendance kitsch très en vue en matière de déco mais il faudrait bien s'assurer ‘'des jeux de la petite et de la grande facture''… Des enjeux de taille se profilent et profitent à certains. Soyons vigilants !