Par Hechmi GHACHEM - Personne n'a parlé d'elle et pourtant elle fut à l'origine d'un acte qu'étudiants et enseignants de l'Ecole Nationale des Ingénieurs de Tunis (ENIT) sont loin d'oublier. Une semaine après les chamboulements provoqués par les évènements du 13 Janvier, le directeur de cette école a rassemblé les étudiants pour débattre avec eux de la possibilité de continuer ou de suspendre les cours et puis il a laissé la parole à ceux qui parmi eux voulaient s'exprimer. Une fille leva la main demandant la parole, ce qui lui fut aussitôt accordé. Elle se lança alors dans un speech qui décrocha l'unanimité de tous les présents toutes tendances confondues : “Je suis de Kasserine ; nous avons été parmi les tout premiers à être partie prenante de cette révolution. Nous avons payé cet affront à l'ordre sauvage de Ben Ali un prix hors de la portée de toute communauté puisque notre gouvernorat compte prés de soixante dix martyrs morts par balle. Et je pense malgré cela –ou justement à cause de cela- que le seul acte de militantisme que nous pourrons accomplir aujourd'hui, c'est de reprendre nos cours…Il n'y a que cela qui puisse être digne de nos martyrs. Ce n'est aussi que le moindre devoir que je me doive d'accomplir pour l'amour et le respect que j'éprouve à l'égard de mon père qui se saigne quotidiennement à blanc pour que je puisse réussir et sortir de la misère ou nous a confinés des décennies de mépris et d'injustice. C'est lui qui paye mon loyer, c'est lui qui paye mes fournitures, mes déplacements et mes maigres repas quotidiens. Et c'est au nom de nos martyrs et en son nom à lui, que je ne suis pas prête à perdre –non pas une journée- mais la moindre minute de cours “ Depuis et jusqu'au jour d'aujourd'hui l'ENIT n'a pas enregistré la moindre grève. Voici ce qu'on appelle un esprit éclairé capable de discerner par temps de grosse tempête entre un mirage de perdition et une oasis salvatrice. Bonne chance, Passionnera!