«Qu'est ce qui fait que l'Etat est un ? C'est l'union de ses membres. Et d'où naît l'union de ses membres ? De l'obligation qui les lie ». C'est Jean Jacques Rousseau, chantre de la solitude, et auteur, unique, incontournable du « Le Contrat Social » « une forme d'association par laquelle chacun s'unissant à tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même, et reste aussi libre qu'auparavant ». … pourquoi Rousseau précisément ? D'abord parce qu'il est universel. Ensuite parce que quatre siècles après, ce romantique égaré ne cesse de s'interroger sur l'incapacité des hommes à se conformer à un modèle commun, qui n'est pourtant pas oppresseur, mais juste unificateur ; enfin parce que ses appels désespérés avaient retenti comme un catalyseur à la Révolution de 1789. Faisons alors le parallèle, entre la Révolution française et la nôtre. On y découvre des personnages croisés, des tableaux croisés même : le monarque-tyran Louis XVI/Ben Ali ; la femme satanique : Marie Antoinette/Leïla Ben Ali… et, bien sûr les privilèges, le népotisme et tout cela sur fond de fronde populaire. Mais une fois la Révolution consommée qu'y a-t-il eu en France : Robesopierre ! C'est-à-dire un dictateur d'un autre type et, plus tard, Napoléon… Le parallèle s'arrête là. Mais il y a à relever que la composante religieuse a été totalement absente dans la Révolution française et que l'Eglise ne s'est mièvrement manifestée que dans une maladroite tentative de faire obstacle l'intronisation de Napoléon. Or, chez nous, la Révolution réalisée par des jeunes, et essentiellement des jeunes, est en passe d'être récupérée par les Tribuns que tous les efforts pour la création d'un Etat fondé sur un contrat social – et il ne saurait en être autrement – paraissent subir une espèce de syndrome, une hantise face à une réalité absolue qui s'appelle « Ennahdha ». Tantôt rassérénant, tantôt troublant, assez souvent teinté de duplicité le discours d'Ennahdha fait souffler le chaud et le froid. A l'évidence c'est le parti le mieux structuré. Mais alors où sont les autres, ceux qui ont combattu Ben Ali ouvertement ? Pourquoi sont-ils absents de la scène ? Où sont Néjib Chebbi, Ahmed Brahim et Mustapha Ben Jaâfar ? Et où en sont-ils de leur discours jadis unifié, sur les libertés, la démocratie et le nouveau contrat social ? Surtout, surtout, quel est leur sentiment face à un parti religieux bien plus structuré qu'on ne pouvait le croire ?