Après une grève qui a perturbé bien des secteurs, Tunisie Télécom a envoyé à ses clients un message d'excuses « pour toute perturbation qui aurait pu affecter la qualité de ses services […] et vous annonce son engagement pour assurer ses services avec la qualité requise. » Des excuses qui ne touchent qu'un événement bien précis, alors que les problèmes sont bien plus complexes dans cette institution. En effet, lorsque vous regardez de plus près ses services, vous découvrez une série d'anomalies, voire d'aberrations… 50 millimes la minute sur le fixe ! Commençons par quelque chose que peu de clients de Tunisie Télécom connaissent : les tarifs des lignes fixes ont été augmentés sans que le public en soit averti. Il y a quelque temps, parler sur une ligne fixe à l'intérieur du même gouvernorat ne coûtait que dix millimes la minute. Et ce prix augmentait à fur et à mesure que l'on appelait des gouvernorats lointains, ce qui est logique. Mais voilà que cette institution qui bénéficie d'un quasi-monopole sur le téléphone fixe se permet de changer cette méthode de calcul pour vous faire payer 50 millimes la minute, quelle que soit la distance. Autrement dit, lorsque vous habitez au centre de Tunis et que vous appelez votre mère qui habite le Bardo, on vous fait payer le même prix que si elle habitait à six cent kilomètres plus loin… Le problème, selon le témoignage d'un standardiste expérimenté, c'est que « 90% des appels se font au sein du même gouvernorat, alors que les appels vers les régions restent peu fréquents. En alignant les mêmes tarifs dans toutes les régions, Tunisie Télécom fait donc des profits considérables, puisqu'elle multiplie le prix de la majorité écrasante des appels par cinq ! » Une belle arnaque qui s'est faite en douce, sans en avertir ses clients. En outre, et contrairement aux portables qui nécessitent un investissement important, les lignes fixes sont déjà installées et leur coût a été amorti depuis de longues années. Quant à leur maintenance, on vous fait payer la somme de huit dinars chaque trimestre, il n'y a donc aucune raison ou justification pour que le prix des communications augmente dans de telles proportions. Offres compliquées Une remarque inattendue est venue compléter le tableau : c'est une jeune lycéenne qui utilise beaucoup son portable. Son père lui a offert une puce à une époque où celles-ci étaient encore un phénomène nouveau. Depuis, de nouveaux promoteurs se sont installés dans le secteur de la téléphonie et elle a pu s'apercevoir des limites des offres et des promotions de son opérateur. Elle a tenu à attirer notre attention sur les offres de Tunisie Télécom : « leurs promotions sont très compliquées et il faut avoir un bac plus huit pour en bénéficier. Les textes sont longs, incompréhensibles et au bout, le profit des clients est très faible. En outre les rares fois où ils vous offrent un bonus, il ne dure que sept jours, alors que chez les autres opérateurs, il dure un mois… Alors j'ai changé d'opérateur et je bénéficie régulièrement d'un bonus de 100 %. » ! Un autre jeune se plaint également du fait que « les bonus sur recharge et les communications en illimité pratiquées par les autres opérateurs sont totalement absentes chez cette institution qui n'a pas su garder sa place de leader, alors qu'elle bénéficiait il y a quelques années d'une situation de monopole ». Il ajoute sur un ton ironique : « qui n'avance pas recule ! » Une heure d'attente Autre problème persistant : le temps d'attente pour payer sa facture du téléphone aux guichets et qui peut durer plus d'une heure dans certaines agences. Plusieurs citoyens se sont plaints en des termes très durs de cette situation. L'un d'eux assure : « lorsque je reçois ma facture du téléphone fixe, je commence à angoisser, car je sais que je vais devoir prendre une demi journée de congé pour la payer. Et quel accueil : on vous donne l'impression que vous venez mendier, alors que vous apportez de l'argent frais qui servira à payer les salaires de ces agents pleins d'arrogance, de mépris même… » Une situation facile à vérifier en vous rendant dans n'importe quelle agence, au centre ville et même en banlieue. Un jeune cadre travaillant dans cette institution nous a confié sous le couvert de l'anonymat : « la politique de la boîte c'est de pousser les clients à payer sur internet, afin d'engager moins de personnel. » Sauf que bon nombre de Tunisiens ne connaissent rien à l'informatique et qu'ils sont incapables d'effectuer un payement en ligne. Sans oublier que les rares institutions qui se sont essayées à ce type de payement ont fait quelques erreurs de gestion, comme des retraits abusifs où il est souvent difficile de se faire rembourser Ils ont ainsi contribué à ternir la réputation du payement via internet pour de longues années. Il est évident que notre objectif en rapportant ces propos et en citant ces témoignages n'est pas de porter préjudice à Tunisie Télécom, mais plutôt de tenter d'attirer son attention sur certains points noirs qu'il convient de corriger, afin que cette institution retrouve son niveau et ses qualités de service dans les plus brefs délais, après les difficultés qu'elle a connu ces derniers temps et la mainmise des anciens clans mafieux sur ses structures.