Par Khaled GUEZMIR - La Libye réalise enfin son miracle ! Elle vient de se débarrasser à son tour d'une dictature familiale qui a régné sans partage pendant 42 ans, jour pour jour, en s'appropriant le pays, ses ressources financières et ses institutions. Je me rappelle de mon premier voyage en Libye du temps de la Monarchie du roi Idriss Essenoussi c'était en 1964, lors d'une excursion organisé par la « Corpo » de la Fac de droit de l'UGET (Union Générale des Etudiants Tunisiens). Nous étions frappés par la bonté de ce peuple admirable de générosité, de piété silencieux et de modestie. Le Libyen de l'époque était très peu bavard mais on sentait en lui à l'image du désert, cette distance et cette sagesse qui fait son détachement et sa noblesse. Sans faire de comparaison hasardeuse et risquée, je classerai le Président du Conseil Intérimaire M. Abdeljelil dans cette élite qui incarne par sa noblesse, sa sobriété et sa dignité l'âme même du peuple libyen. De l'époque du Roi Idriss je garderai le souvenir d'une Libye harmonieuse absolument typée sur le plan architectural et urbain où l'influence arabo-musulmane et italienne était prédominante. Benghazi et Tripoli se rapprochent de nos villes comme Sfax, Monastir et Tunis surtout pour les arcades du centre ville qui en restent fort heureusement quelques vestiges du côté de l'avenue de France. J'y suis retourné toujours en groupe en décembre 1970 après le coup d'Etat du « Fatah Min Septembre Al Adhim » de Kadhafi et quelle fut notre surprise de voir ce beau pays de la sérénité magique se transformer en « tempête » permanente avec un leader tribun à haut débit, agressif et militariste. Les barrages étaient partout et à la frontière on nous obligea même à laisser nos livres « en français » à la consigne de la douane jusqu'à notre retour. C'était l'époque « panarabe » du Kadhafisme enflammé. Quelques années plus tard lors d'une nouvelle visite nous fûmes « assommés » par les portraits géants du « Caïd » (le leader) c'est l'époque du délire totalitaire et de la personnalisation extrême du pouvoir. D'où ce sentiment aujourd'hui que la Libye éternelle a bien vécu un second miracle quand nous voyons M. Abdeljelil, ses compagnons et les élites nombreuses intelligentes et cultivées de ce pays, s'adresser aux médias avec tant d'assurance, de modestie, de calme et même de détachement, malgré ce qu'ils ont vécu avec le peuple libyen et ce qu'ils ont enduré de la terreur de Kadhafi et de ses fils. Ce second miracle c'est celui de la Libye éternelle qui a su conserver au fin fond d'elle-même son âme paisible de grandeur et de majesté. Merci à Dieu de nous avoir permis de vivre trois révolutions presque identiques celles de la Tunisie, de la Libye et de l'Egypte en l'espace de six mois. Qui aurait pu le croire, il y a un an, quand les télévisions de la propagande totalitaires de ces pays n'arrêtaient pas du matin au soir de nous dire que nous n'étions que des poussières d'individus et des « rats » (selon les termes même de Kadhafi). En tout cas les Libyens ont beaucoup de mérite parce qu'ils ont payé le prix fort pour la liberté : Plus de vingt mille martyrs ! Mais que de bonheur de voir ce peuple entrer de plain pied dans la modernité véritable celle de la démocratie et des institutions après une si longue pagaille « ferrée » ! Là encore et c'est peut être la leçon à retenir, la solidarité des peuples tunisien et libyen a été magistrale pour dire que nous sommes un même peuple et un même destin. Elle a même précédé les Etats et les gouvernements qui ont le devoir aujourd'hui de se rattraper et de concrétiser cette communion de destinées. Au fait qu'attend, le chef de notre diplomatie, M. Kéfi pour faire le déplacement à Benghazi ! Tiens M. Davutoglu son « innocent » collègue Turc y est déjà ! Il l'a précédé pour les dividendes ! Attention le train de l'histoire n'attend pas les retardataires, même s'ils sont frères de sang !