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«Le Tunisien souffre d'une précarité psycho-sociologique, face à ce genre de situation»
Obsessionnelle frénésie et mentalité d'assiégés
Publié dans Le Temps le 08 - 10 - 2011

Interview de Abdessatar Sahbani, sociologue et président de l'Association Tunisienne de Sociologie
A quelques jours des élections de la Constituante, les Tunisiens affluent dans les centres commerciaux pour s'approvisionner. Des stocks d'aliments sont entassés dans les chariots créant un déséquilibre dans l'approvisionnement du marché lequel est aggravé par le trafic illicite de plusieurs produits alimentaires vers la Libye, dont le lait et l'eau minérale. Victime de manipulation et de précarité psychosociologique, le Tunisien dans un sens large n'arrive pas à surmonter cette crise.
Il n'a confiance ni dans les médias ni dans le discours officiel, c'est ce qui explique son comportement. Il n'est pas nouveau d'ailleurs. Le phénomène s'est produit lors de la guerre du Golfe et après le 14 janvier, explique le Professeur Abdessatar Sahbani, sociologue et président de l'Association Tunisienne de Sociologie dans cette interview. Un pacte de citoyenneté est d'après lui nécessaire pour rassurer toutes les composantes de la société tunisienne (hommes politiques, société civile et citoyens) par rapport à la situation de la Tunisie. Plus de transparence dans le circuit de distribution composé de trafiquants, de parasitaires est également nécessaire pour assainir le marché et maîtriser la situation. Les institutions doivent être transparentes et le comportement du citoyen doit être conséquent, explique-t-il. Entretien.
Le Temps : Quelques jours avant les élections de la Constituante, les Tunisiens s'inquiètent déjà par rapport aux résultats. Nous enregistrons d'ailleurs une frénésie d'achat des produits alimentaires, d'où la pénurie de quelques aliments, dont le lait. Comment expliquez-vous ce comportement ?
Abdessatar Sahbani : Le phénomène n'est pas nouveau. Il est toujours lié à une conjoncture de crise, une vraie crise. Nous avons vu le même problème lors de la guerre du Golfe par exemple. Le phénomène s'est reproduit à multiples reprises après la Révolution. Avant de parler de manipulation, il faut peut-être insister sur la précarité psychosociologique du Tunisien.
Vous parlez de manipulation. S'agit-il de celle exercée par des partis politiques ?
Je pense que ce n'est pas le problème des partis politiques uniquement. C'est aussi l'image de l'Etat qui n'est pas tout à fait claire dans la conscience collective. Est-ce qu'il y aura un gouvernail après les élections. C'est la question qui est posée par les Tunisiens ? Est-ce qu'il y aura un consensus sur une démarche ou une méthodologie quelconque pour passer cette zone turbulence ?
Qu'entendez-vous par zones de turbulence ?
-Oui bien sûr, nous sommes dans une zone de turbulence économique. Nous avons 700 mille chômeurs et le nombre ne cesse d'augmenter. D'après les experts, le taux de croissance est négatif. Nous sommes également, dans une conjoncture internationale difficile, dont la crise en Libye, la crise financière…
Alors c'est l'inquiétude des Tunisiens qui explique cette affluence ou il y a d'autres facteurs ?
Quelque part oui. Les gens s'inquiètent parce qu'ils n'ont pas encore confiance dans les médias de masse, le discours officiel, et puis il n'y a pas encore un discours rassurant de la part des autorités. C'est ce qui fait développer les rumeurs. Plusieurs Tunisiens se sont posé des questions sur les réelles causes de la visite du Premier ministre aux Etats-Unis d'Amérique au début de la campagne électorale sachant qu'il quittera le pouvoir dans trois semaines. Est-ce qu'il y aura des élections le 23 octobre ? Là, chacun peut spéculer. Avant le 14 janvier, on savait au moins quelque chose sur la réalité politique en Tunisie, sur ce qui se passe sur la scène économique. Après le 14 janvier on ne sait rien. Personne n'est en mesure de définir actuellement la carte politique de la Tunisie, même pas le ministère de l'Intérieur. Personne n'est en mesure de rassurer les investisseurs, les entrepreneurs ou même les consommateurs.
Le Premier ministre ou gouvernement est-donc appelé à se prononcer pour rassurer les Tunisiens ?
Je pense que dans la conjoncture actuelle ce n'est pas le Premier ministre qui doit se prononcer parce qu'il est partant. Mais plutôt les formations politiques doivent rassurer les Tunisiens, se prononcer. Il faut qu'il y ait un pacte de citoyenneté. Un pacte citoyen qui rassure les Tunisiens d'une manière générale et les acteurs politiques ainsi que les entrepreneurs.
Il s'agit là d'un renversement des rôles
Le politique est en danger, il n'a pas assez d'immunité pour se défendre du vandalisme. Notre révolution est une Révolution citoyenne et elle doit donc développer une solidarité citoyenne, laquelle peut mettre fin à toutes les formes de détresse ou d'inquiétude et de peur. Les gens s'inquiètent, ils essayent par tous les moyens de se protéger.
D'où cette affluence qui explique la précarité psychosociologique que vous avez évoquée au début.
-Effectivement.
Et comment explique-t-on cette précarité psychosociologique ?
Tout d'abord, il faut préciser que c'est une précarité psychosociologique et non pas psychologique et ce parce que c'est un phénomène global qui a rapport avec le comportement collectif. Le Tunisien est plutôt préoccupé par la gestion du quotidien. Dans des situations pareilles, certains se comportent de manière sectaire. Ils essayent par tous les moyens de profiter au maximum, soit au niveau de l'approvisionnement, pour acheter ou vendre, soit pour bâtir. Rien qu'à ces niveaux il faut voir la morphologie même des quartiers résidentiels, comment elle s'est transformée après le 14 janvier par la construction anarchique. Il n'y aucun respect de l'espace ou du voisinage, du goût ou de l'esthétique.
Et c'est dû à quoi ?
Le Tunisien s'est trouvé sans contrôle et il s'est permis tout, en fonction de ses moyens.
Donc le Tunisien n'est pas immunisé psycho-sociologiquement ?
Il est prématuré de poser cette question. Nous n'avons pas une société civile. Nous avons l'embryon d'une société civile. Voyez à titre d'exemple l'ODC qui n'était qu'un instrument au service du pouvoir en place. Elle n'avait aucun poids sur le contrôle effectif et réel du comportement du consommateur. Elle était plutôt une organisation au service des entrepreneurs et des producteurs. Il importe de citer l'exemple des organisations de défense des consommateurs en Amérique du Nord (USA et le Canada), où ces organisations pèsent et orientent le comportement du consommateur. C'est le contrepoids. Ici en Tunisie nous n'avons pas cette culture. Y-a-t-il un parti politique qui s'est prononcé sur cette question, sur la pénurie ? Aucune association ne s'est prononcée également. Ca ne fait que développer les rumeurs et donc l'inquiétude des Tunisiens d'où la précarité psychosociologique avec des médias qui ne font qu'enflammer le problème.
Pourquoi le Tunisien, est-il incapable d'adopter des comportements modérés en termes de consommation ou de boycotter carrément quelques aliments ?
Nous n'avons pas un référentiel. C'est-à-dire on manque de tradition dans le domaine. D'autre part, pratiquement tous les Tunisiens revendiquent un nouveau comportement, mais personne ne peut définir c'est quoi ce comportement. On ne connaît pas les vrais acteurs dans le circuit de distribution. Plus du tiers du marché est composé de commerce parallèle. Et vous parlez d'un nouveau comportement ? Il faut tout d'abord assainir le marché des parasitaires et des trafiquants. Il faut également, redéfinir le comportement des acteurs économiques, imposer la loi et la faire respecter et développer surtout des médias spécialisés dans ce domaine. Lorsqu'il y a eu une crise aux Etats-Unis d'Amérique au cours de la 2ème guerre mondiale, il y a eu une pénurie de viande. Les Américains ne mangeaient pas des abats. Voyez l'expérience de Kurt Lewin, un des fondateurs du Focus Groupe et comment il a développé un nouveau référentiel dans la consommation et comment enfin les Américains ont adopté un nouveau comportement en fonction de leurs besoins et de la conjoncture par laquelle ils passent. Malgré notre culture arabo-musulmane, nous continuons à jeter dans les poubelles le pain alors qu'auparavant c'est considéré comme un blasphème.
Le Tunisien doit donc changer de comportement pour aider le gouvernement à faire face aux trafiquants qui ne cessent d'imposer leur dictat sur le marché ?
D'abord qui doit être au secours de l'autre. Le citoyen ou les structures ? En fait, c'est un ensemble qui peut œuvrer dans le cadre du pacte citoyen. Les institutions doivent être transparentes et le comportement du citoyen doit être conséquent. Vous avez parlé du Tunisien. Le Tunisien est pluriel : les enfants, sont des consommateurs, les jeunes, les adultes, les vieux, les femmes, les hommes, les citadins, les ruraux, ceux qui habitent dans les quartiers populaires et ceux qui habitent dans les quartiers chics. En fait, nous avons plusieurs comportements. Est-ce qu'on peut conclure que les mêmes comportements que vous avez enregistrés ces derniers jours sont les mêmes à l'intérieur du pays ? Est-ce que le même comportement est partagé par tous les Tunisiens sachant que 24,7 % de la population sous le seuil de la pauvreté.
Ce sont alors les grands consommateurs qui posent problème aujourd'hui ?
C'est plutôt les citadins, là où la classe moyenne est ancrée et présente.
En tant que spécialiste, que recommandez-vous aux Tunisiens ?
Il ne faut pas tout d'abord avoir peur du 23 octobre, et que la société politique se prononce ensuite. Enfin, la société civile doit rassurer quant à elle le citoyen, lequel doit avoir un comportement civique. C'est un défi et c'est une expérience merveilleuse. Nous avons tant rêvé de démocratie. Nous pouvons espérer, nous sommes modernistes et nous sommes capables de surmonter les défis. Le 23 octobre est un petit repère dans le processus démocratique tunisien. Un processus qui marquera sans doute le devenir de la société tunisienne et de la région.
Interview réalisée par Sana FARHAT
amad salem [email protected]


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