Béji Caïd Essebsi n'a pas été faire un show à Washington. Il n'a pas été quémander quoi que ce soit non plus. Il est vrai que les Américains ont succombé à son charme. Ils savaient, aussi, à qui ils avaient affaire : un politicien d'une autre dimension et qu'ils recevaient le plus vieux jeune homme de la Révolution tunisienne. Mais, au-delà des poignées de mains chaleureuses – et sincèrement chaleureuses – Béji Caïd Essebsi et les Américains ont traité serré. Car, le mysticisme messianique qu'inspire la Révolution tunisienne aux Américains pourrait bien leur suffire à eux, mais pas à nous. Que le Président Obama dise que la Tunisie est, désormais, « une source d'inspiration » pour son pays, cela cultive en nous ce nombrilisme, aujourd'hui, légitimé et authentifié parce que, jadis, fabriqué et fallacieux. Très bien, merci Messieurs de l'Occident de reconnaître que le « Printemps arabe » est né à Tunis, que la transition démocratique a toutes les chances de réussir. Sauf que cela a un prix. La facture d'un demi-siècle de centralisme étatique, cache-misère des disparités régionales et sociales ; facture, par ailleurs, alourdie par la dévotion des Occidentaux à « la stabilité tunisienne » - fixisme ayant servi à la fois de mobile et d'alibi – eh bien, il est temps qu'elle soit allégée, réajustée et débarrassée des fioritures politiciennes. Il est vrai que l'Amérique ne s'est pas directement impliquée en Libye. Il est tout aussi vrai que, comme à son habitude, elle épouse l'air du temps, quitte à laisser tomber ses ex-amis : le Shah d'Iran, Saddam et la liste est longue… Mais, nous sommes, quand même, en mesure d'exiger un meilleur appui ; un meilleur apport d'investissements américains en Tunisie. Car la France continue, certes, de dire qu'elle reste notre premier partenaire. Mais elle est en Libye. Et alors, si la Tunisie ne tempère pas ses dépendances chroniques ou qu'au moins elle les multiplie et les diversifie, les Occidentaux continueront d'admirer notre « miracle » croyant que le miracle permet de vivre d'amour et d'eau fraîche. Caïd Essebsi le leur a dit. Avec sa superbe mordante. Et surtout avec son air excentrique et anti-conformiste. La nouvelle diplomatie mondiale va dans ce sens. Raouf KHALSI kerim [email protected]