«Depuis une semaine, les événements et les incidents violents se succèdent à la Faculté de la Manouba à une allure démentielle et le chaos s'installe petit à petit après une courte accalmie observée pendant les deux premières semaines du mois de février », signale le Professeur Habib Mellakh, universitaire et syndicaliste dans cet établissement lequel n'arrive pas à retrouver son calme depuis déjà des mois. Les événements se succèdent à la faculté pour prendre une tournure dangereuse. Aujourd'hui, ce n'est plus la stabilité de l'Université tunisienne qui est en jeu. C'est plutôt la sacralité du pays qui est bafouée par les salafistes, supporters des étudiantes ayant saccagé le bureau du Doyen mardi après-midi. Ils se sont présentés hier matin, devant le portail de la faculté, brandissant des drapeaux noirs et scandant des slogans hostiles au Professeur Habib Khazdaghli, le Doyen. C'est le symbole de la patrie qui est « piétiné » par ces intégristes. A cet effet, M. Kazdaghli annonce que les salafistes ont déchiré le drapeau national pour en brandir un autre noir à l'entrée de la faculté. « Il a fallu que les étudiants interviennent pour lever haut le drapeau de la Tunisie », se désole le Doyen tout en annonçant qu'il est ciblé directement et que le fameux slogan « Dégage » a été prononcé contre lui. Mais, pour quel objectif ? Qui est derrière cette bataille organisée qui risque de faire sombrer les étudiants -à n'importe quel moment- dans la violence voire dans un bain de sang ? Pourquoi le gouvernement provisoire et le ministère de tutelle restent-ils sourds à ce qui se passe ? A quand de vraies réactions contre la montée de la violence et l'intégrisme dans la faculté de la Manouba ? Ces questions ainsi que d'autres restent sans réponses et ouvrent la voie à des interprétations qui ternissent davantage l'image du gouvernement provisoire, lequel refuse de trancher dans cette question ou de réagir par rapport à ce qui se passe. Ce constat se confirme d'un jour à l'autre. «Réaction faible » du gouvernement Plusieurs analystes dont le Professeur Sadok Belaïd ont déjà parlé de la réaction du gouvernement. Réaction qualifiée de « faible » pour ne pas dire absente carrément. En faisant une lecture dans la situation par laquelle passe la faculté de la Manouba, le Professeur Belaïd s'est montré pessimiste mais réaliste. Il a annoncé, il y a presque un mois au sein même de la faculté, que « la crise persiste et que tout est possible ». Il a même parlé d'un éventuel retour à la violence pour se retourner à la case départ. Le Professeur Belaïd a annoncé que « l'année universitaire est en danger, car il y a le risque d'une année blanche », a-t-il déclaré. Mais quel est le sort des étudiants et des enseignants ? Personne ne le sait pour l'instant. Ils sont dans le même bateau. « Le bateau ivre », fait remarquer le Professeur Belaïd et « nul ne sait dans quelle direction le vent va les mener ». Mais « en bonne logique, une fois les sanctions prises contre les étudiantes ont été entérinées et publiées par l'autorité de tutelle, le ministère aurait dû prendre les mesures d'accompagnement nécessaires pour calmer l'atmosphère et empêcher les étudiants renvoyés de la faculté d'y accéder pour qu'ils ne nuisent plus », critique le Professeur Mellakh. Sauf que rien de cela ne s'est produit et « les défenseurs du Niqàb en ont profité à nouveau pour empêcher le déroulement des cours ». Malheureusement « le sentiment d'insécurité s'empare de plus en plus du personnel enseignant, administratif et ouvrier », annonce-t-il. « Pourront-ils continuer à être stoïques alors qu'une menace réelle plane désormais sur leur intégrité physique et qu'ils essuient continuellement les humiliations depuis maintenant plus de trois mois sans que personne ne songe à les protéger ? », s'interroge le Professeur Mellakh. Une question qui reste sans réponse au vu et su du gouvernement provisoire. Sana FARHAT
Le ministère condamne, mais tire son épingle du jeu Hatem Kattou chargé de l'information au sein du ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique précise que « le ministère condamne fortement toute atteinte au symbole national », il indique que « toute personne impliquée dans cette action sera poursuivie selon les textes en vigueur et qu'il n'est pas permis de hisser toute autre bannière que le drapeau national ». Il ajoute que « aussi tôt informé, le ministère a effectué les contacts appropriés avec les autorités sécuritaires pour prévoir les décisions qui s'imposent ». « Pour ce qui est de l'interdiction du Niqab, la prise de décision et son application relève des compétences du responsable de l'établissement universitaire », considère-t-il tout en précisant qu'il s'agit dans «le cas échant du Doyen de la faculté, et ce après concertation avec le président de l'Université ». Il rappelle dans ce cadre la loi et le règlement en vigueur (loi de 2008 relative à l'enseignement supérieur). Dès lors, « le doyen a toute la latitude pour contacter les autorités sécuritaires et ester en justice afin d'appliquer la loi et garantir le déroulement normal des cours », toujours d'après M. Kattou. Commentant les actes de violence qui ont eu lieu entre les étudiants, le responsable de l'information signale que « le ministère est contre l'usage de la violence verbale ou physique quelle que soit sa source et appelle pour détendre l'atmosphère ». Mais quelle est sa position de la présence des salafistes qui perturbent le bon déroulement des cours ? « L'établissement doit gérer par ses propres moyens la présence des salafistes », repond M. Kattou. «Ces structures sont indépendantes et ont toutes les prérogatives pour prendre toutes les décisions nécessaires », fait-remarquer le responsable. « Il faut bien lire les textes », juge-t-il. Il est clair que le ministère se désengage totalement de cette affaire. Reste au Doyen de bien gérer la crise pour sauver l'année universitaire. S.F
Armes blanches au sein de la faculté Les affrontements qui ont eu lieu, hier à la faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba, entre des étudiants salafistes qui portaient des armes blanches et d'autres étudiants dont certains appartiennent à l'Union générale des étudiants tunisiens (UGET) ont provoqué une nouvelle interruption des cours. Suite à ces accrochages, cinq étudiants ont été victimes d'actes de violence dont deux ont reçu les premiers secours sur place et trois autres ont été transportés d'urgence à l'hôpital Mohamed Kassab, a indiqué une source de la protection civile au correspondant de l'agence TAP. «Ce mouvement de protestation intervient, selon des étudiants salafistes, en réponse à l'agression, mardi, de deux étudiantes portant le niqab par le doyen de la faculté». De leur côté, des étudiants de l'UGET dont certains ont pris refuge à l'Institut de presse et des sciences de l'information à la Manouba pour demander du secours, ont indiqué qu'ils organiseront une marche en direction du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique pour dénoncer le silence du gouvernement et revendiquer des solutions urgentes à la poursuite de la violence à la faculté. Les agents de l'ordre sont intervenus pour faire sortir les étudiants de l'UGET bloqués à l'IPSI et des renforts sécuritaires sont arrivés.
Et la loi ? Il convient de noter que l'article 129 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement, quiconque par paroles, écrits, gestes ou tout autre moyen, porte atteinte publiquement au drapeau tunisien.
Réaction de la société civile Plusieurs avocats, professeurs universitaires et étudiants ont observé un sit-in sur la route de Oued Ellil menant au rectorat de La Manouba pour dénoncer l'outrage au drapeau tunisien et revendiquer l'intervention immédiate du gouvernement pour mettre fin à la violation de l'intégrité de l'université tunisienne et à la souveraineté nationale. yasmine kamel khabith zarzour cool 63 Hésa