La violence est un mot qui est appréhendé comme étant synonyme de la force physique ou psychique dans le but de contraindre ou de dominer en causant des dommages ou même la mort. Pourtant certains parlent de violence légitime, avec l'usage d'une force mesurée par opposition à la violence sauvage par la force déréglée aux conséquences néfastes, ne pouvant que porter atteinte à autrui. Max Weber parle de la violence légitime revendiquée par l'Etat pour combattre la violence sauvage,celle des hors-la-loi par exemple. Il y a donc plusieurs formes de violence, selon le but escompté et le contexte dans lequel elle est employée. C'est ce qui est désigné par le sociologue français Pierre Bourdieu par « Violence symbolique » qui commence par l'usage de la violence verbale pour prendre d'autres formes, matérielles et morales selon le contexte et la conjoncture dans telle ou telle société. C'est autour de ce thème qu'un débat a été organisé par le Réseau Tunisien des Droits, des Libertés et de la Dignité, et auquel ont pris part plusieurs représentants des partis politiques, ceux des médias écrits et audiovisuels, ainsi que des juristes et des universitaires. Il est capital que le fondement des nouvelles institutions de la Tunisie postrévolutionnaire soit dénué de tout esprit de violence ou d'exclusion. Certes c'est par la violence qu'on est parvenu à déboulonner un régime dictatorial qui a sévi durant 23 ans. Mais c'était la conséquence logique de la violence politique qui a été exercée par le dictateur et ses hommes. En effet, il est admis en sociologie politique et selon les règles générales des droits de l'homme que l'usage de la violence dans ce cas est une sorte de légitime défense, lorsque d'autres solutions ne sont plus possibles. Depuis le 27 décembre 2010, la réponse à la tyrannie ne s'est pas fait attendre, pour aboutir aux évènements du 14 janvier où la violence a atteint son paroxysme : une réponse à la violence par la violence, par état de nécessité. A l'issue de la Révolution, la violence a continué pour prendre une autre tournure, car elle est utilisée depuis, pour d'autres fins. Fethi Triki, universitaire et philosophe, a estimé que la violence est un phénomène naturel qui est la conséquence de cet instinct de survie, qui se transforme par celui de domination. Dans une société où les droits de l'Homme sont respectés et où la paix publique est instaurée, l'usage de la violence n'a plus de raison d'être. Hamma Hammami a expliqué que la violence qui a aidé à la libération du pays du joug de la dictature, a continué après la Révolution, pour d'autres fins. C'est une violence nécessitée par une contre-révolution, où sont impliquées des tribus et même des personnes qui ont commencé à s'affronter, pour leurs opinions ou pour leurs appartenances politiques ou ethniques. Il y a eu de ce fait une violence dont la cause essentielle est la différence dans la conception des préceptes de l'Islam. Certains se sont érigés en prédicateurs pour attiser le feu de la discorde, traitant tous ceux qui n'adhèrent pas à leurs idées de mécréants. Ce qui constitue une atteinte à la liberté d'opinion et aux droits de l'Homme en général. Sous le régime de Ben Ali la violence exercée par la police politique était légitimée par la « trahison à la Nation. »Après la Révolution, elle a été légitimée par la lutte contre les «Kafirs» (mécréants). Dans les deux cas c'est une atteinte à la liberté. Celle-ci doit être consacrée dans la nouvelle constitution, afin de ne légitimer aucune violence quelle qu'elle soit. Hamma Hammami a insisté sur la nécessité d'instaurer le principe de l'égalité entre tous les citoyens, dans la nouvelle constitution également. Sans l'égalité entre les citoyens il n'y aura ni indépendance de la Justice ni démocratie. Par ailleurs Hamma Hammami a évoqué le dossier des réformes politiques, afin de dédommager aussi bien les victimes torturées par la police politique, avant la Révolution, que les blessés et tous ceux qui sont tombés sous les balles de la police au cours des évènements du 14 janvier 2010. Il a conclu que pour mettre fin à toute forme de violence, il faut une refonte totale de toutes les institutions de l'Etat sur une base démocratique. Chokri Belaïd secrétaire général du Mouvement des Patriotes Démocrates, a quant à lui, affirmé que la violence est due à la mésentente entre les différentes tendances dans une société donnée. Il a fait remarquer que la pire des violences est celle pratiquée au nom de la religion. Cela aboutit toujours à la discorde causant des troubles de toutes sortes. Mais en réalité, la cause fondamentale est politique. Le danger vient du fait que chaque tendance religieuse veut s'imposer pour tenir les rênes du pouvoir. Il faut une concertation entre toutes les tendances de la société, afin que règnent la démocratie et la paix entre tous. Abdelwahab El Héni, du parti El Majd, a évoqué les évènements du tramway en 1911, où il y a eu plusieurs morts parmi les Tunisiens alors que les exactions étaient perpétrées quotidiennement par les autorités coloniales, pour démontrer que les Tunisiens ont toujours été solidaires, pour dénoncer et combattre toutes les formes d'injustice et d'exaction. Il ne faut pas qu'après la Révolution, cette solidarité perde de sa vigueur. Les affrontements au nom de la religion n'ont plus leur raison d'être. La violence doit céder la place au dialogue et à la concertation pour mieux parvenir à assurer les objectifs de la Révolution. Rached Ghannouchi, chef du parti Ennahdha, qui a assisté au colloque , a quitté la salle, pour des raisons de santé, en se faisant remplacer par M.Nouri, membre du parti, lequel a globalement adhéré à la thèse de la majorité des participants, à savoir que la violence n'a pas de place dans une société où liberté démocratie et droits de l'Homme sont garantis. En fait, c'est sur ces trois éléments que sont fondés les objectifs de la Révolution et ils doivent pour cette raison être consacrés par la nouvelle Constitution. Ahmed NEMLAGHI Hésa sat44 daassi aghioul