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" Dès qu'il s'est mis en place, le gouvernement nous a tourné le dos et repoussé toute tentative de communication " Controverses : Kamel Jendoubi parle de l'Instance supérieure Indépendante des Elections
A l'occasion d'une table ronde organisée par le président de l'IRIE Tunis I, M. Abdeljawad Harazi, une journée porte ouverte au public et aux hommes politiques a eu lieu récemment au siège de l'Instance Régionale de Tunis I. La table ronde a été l'occasion pour les présents de connaître les diverses étapes du processus électoral et le bilan du travail de l'ISIE. Pour ce faire, une foire a été installée au sein du local de l'IRIE, aussi bien qu'un débat animé entre plusieurs intervenants politiques et participants. Après avoir entrevu le Chef du gouvernement, M. Hammadi Jebali, le matin-même de la table ronde, le président de l'Instance Supérieure Indépendante des Elections, M. Kamel Jendoubi a exposé le travail de l'ISIE et a rappelé l'importance de maintenir cette instance comme garante d'élections libres et démocrates. Au terme de cette journée, Le Temps s'est entretenu avec le président de l'ISIE qui est à la fois un fervent militant politique et président, depuis 2003, du Réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme. Le Temps : Pourriez-vous nous parler de l'objectif de la table ronde, au sein du local de l'IRIE Tunis I ? Kamel Jendoubi : C'est une journée portes ouvertes afin de rappeler les acquis et les résultats de l'opération électorale qui a eu lieu dans un contexte de débats, de dialogues et de recherches sur l'institutionnalisation du processus électoral, sur le cadre des élections à venir et sur la constitution d'une nouvelle Instance Indépendante Supérieure pour les Elections, un des sujets qui préoccupent les citoyens de l'ANC. On a tenu à rappeler le travail de l'ISIE jugé comme une expérience fructueuse et exceptionnelle avec quelques spécificités propres au contexte tunisien actuel. Les résultats ont été appréciés à l'unanimité, indépendamment des différentes lectures qui ont été faites autour de cela. Par ailleurs, on a tenu à rappeler que l'un des critères irréfutables à la réussite du processus électoral, est le pacte de confiance moral signé avec les électeurs et électrices. On tient à conserver cette confiance sur le long terme. Ce dont on est fiers, aujourd'hui, c'est que malgré la brièveté du temps qui nous était donné, malgré la délicatesse et la précarité du contexte, nous avons pu relever ce défi, à deux niveaux. Le premier, c'est que l'on a pu obtenir la confiance du citoyen quant au choix des élections comme moyen et outil de processus démocratique pour choisir les décideurs politiques dans la reconstitution du pays. Le second c'est que durant le processus électoral, les électeurs ont pu faire confiance à cette instance en sa qualité d'organisme indépendant et neutre. La question de la confiance est assez importante dans le sens que c'est un critère assez délicat à conserver et qu'un rien peut altérer. Au sein de l'ISIE, on tient à la conserver. Toute notre crédibilité en dépend. Qu'en est-il de votre relation avec le gouvernement ? C'est le second critère pour que l'instance puisse travailler dans la pérennité. Outre le pacte de confiance avec le citoyen, une relation spécifique devra lier l'instance avec les pouvoirs publics et le gouvernement. Une relation qui se doit d'être claire et transparente vis-à-vis de l'opinion publique. Une relation réglementée par un texte de loi qui régulerait le statut de l'instance en matière de neutralité, professionnalisme et indépendance. Après le résultat des élections, une fois que le gouvernement aura été mis en place, toutes nos tentatives de communication ont échoué. Six mois après le résultat des premières élections libres et démocrates en Tunisie, quel est le bilan de cette première expérience ? Quelles en sont les failles et comment faut-il procéder pour y remédier dans l'avenir ? Pour commencer le contexte a complètement changé. On a travaillé, durant la première campagne électorale avec un gouvernement complètement désintéressé des résultats vu que les ministres de l'époque n'avaient aucune aspiration politique et surtout dans un contexte assez difficile où il fallait donner vie à des entités administratives vite fait bien fait. Effectivement, nous avons un grand handicap sur le plan administratif. Il est impératif qu'il y ait cette prise de conscience quant au devoir patriotique, sacré, démocratique et primordial de l'institutionnalisation de l'administration. La mise en place d'une administration centrale et régionale avec des tâches administratives et professionnelles s'avère être une grande nécessité. C'est un travail de longue haleine et qui demandera des années. N'empêche ! Il faut bien le commencer avec la mentalité de fonder une vraie administration ! On n'avait ni répertoire électoral, ni un peuple habitué aux élections, mis à part le texte juridique en lui-même qui se rapporte à l'instance, et qui nous a créé des obstacles. Aujourd'hui, nous sommes face à un nouveau contexte, et avons aussi une expérience. Nous avons fait de grands pas même si c'est encore un chantier ouvert, cette jeune expérience demeure un acquis à enrichir et sur lequel nous devons travailler encore plus. «Tout notre souci est de garder intact ce pacte de confiance durement acquis avec les électeurs.» Quels sont les défis auxquels vous faites face aujourd'hui ? Plusieurs défis se profilent, en effet. On a, d'abord, une administration à composer avec un organigramme précis et clair, capable d'instaurer au court, moyen et long terme l'Instance. Si dans passé, on a été obligés de travailler dans l'urgence, il est temps, aujourd'hui, de construire une administration électorale avec une administration centrale ayant des filières régionales qui travailleront dans une totale neutralité. Cette administration électorale devra être indépendante professionnelle et répondant aux critères internationaux connus. Par ailleurs, contrairement aux premières élections, maintenant nous avons un gouvernement qui est au cœur même de la lutte politique. La donne a changé ! C'est un gouvernement de partis qui ont des aspirations politiques. Il est, donc, tout à fait normal qu'ils aient leurs propres lectures et visions électorales. N'y aurait-il pas de danger sur la neutralité et l'indépendance de l'Instance et du déroulement des prochaines élections ? A vrai dire, le fait que le gouvernement actuel ait des aspirations politiques, chose qui est tout à fait légitime, constitue effectivement une complication de plus pour le travail de l'ISIE. Or, comment peut-on garantir la neutralité de l'Instance, de son travail, de la composante de son administration et le processus électoral ? Là est la grande question ! Certes, ce n'est pas infranchissable, mais, il y a une complexité à saisir dans sa richesse et à diagnostiquer sérieusement. Personne ne détient une réponse toute prête. Tout notre souci est de garder intact ce pacte de confiance durement acquis avec les électeurs dans le processus démocratique et l'Instance Indépendante. Je récuse et réfute toute tentative qui lèserait cette relation de confiance établie avec les citoyens ! Il est hors de question pour moi que l'on touche à la neutralité et l'indépendance de l'ISIE ! Il s'agit de l'intérêt de la nation et de son avenir et non pas uniquement des prochaines élections. On regarde à long terme. Si auparavant, il s'agissait d'élections pour élire un gouvernement provisoire et dont les tâches sont limitées dans le temps, on est en train de construire, aujourd'hui, le processus, les mécanismes institutionnels pour l'avenir des Tunisiens. L'enjeu est plus grand. La neutralité devra s'appliquer sur tout le monde. Du gardien au président. «Nous avons contacté le gouvernement à deux reprises, pour régulariser la situation de l'ISIE, depuis silence radio !» Parlons maintenant des membres de l'Instance et du personnel. Il va y avoir sûrement des changements. Basons-nous sur votre vision optimiste, quand et comment recruterez-vous le staff de l'Instance ? Serait-ce pour le long terme ? On va se baser sur les critères habituels de recrutement d'agents administratifs. Et auxquels les candidats devront répondre. Rajoutons à cela certaines spécificités au travail électoral indépendant. Nous allons, bien évidemment, donner la priorité à nos anciens collaborateurs à condition qu'ils répondent aux critères que l'on va établir de manière objective et professionnelle. Quant aux dates ! Logiquement, il faut attendre la promulgation du texte de loi. Je ne suis pas de cet avis, il faut déjà commencer à le faire ! Pourquoi vouloir agir toujours dans l'urgence ? Avez-vous contacté les membres de l'Assemblée Constituante pour faire activer les choses ? Surtout que les citoyens commencent à se poser des questions sur le devenir de l'ISIE. Depuis la constitution du gouvernement, c'est-à-dire, le 22 décembre, on n'a pas cessé de les contacter. Notre première missive date du 28 du même mois, soit une semaine après qu'ils se soient mis en place. Il s'agissait d'une liste de rappel quant à la primordialité du statut de l'ISIE dans le texte de la nouvelle Constitution. Aucune réponse. On les a recontactés le 18 janvier 2012, attendant qu'ils aient reçu d'abord tous les dossiers en attente. On leur a envoyé notre feuille de route avec un plan détaillé du travail à venir de l'ISIE. Et depuis, silence radio de leur part. Alors qu'on s'attendait à ce qu'il soit parmi nous durant la journée portes ouvertes, organisée par IRIE Tunis I, le Chef du gouvernement provisoire, M. Hammadi Jebali, s'est entretenu avec vous le matin-même. Qu'en est-il de cette entrevue ? On s'est vus ce matin, avant le lancement de la journée portes ouvertes, effectivement. On s'est mis d'accord sur plusieurs points. A commencer par l'urgence d'une mise en place d'un texte de loi, avec la participation de l'Instance, bien évidemment. C'est surtout pour garantir certaines caractéristiques fondamentales comme l'indépendance et la neutralité de l'Instance. On a aussi parlé des problèmes qui sont toujours en instance, comme ceux de la gestion. Sur ce point-là, on s'est mis d'accord pour créer une commission technique. D'un autre côté, en attendant ce texte de loi, il faudrait clarifier le statut de l'Instance pour l'instant. Légalement, le travail de l'ISIE n'a plus de raison d'être, elle a achevé ses tâches, même si l'Instance est encore existante par une loi. Les travaux de l'instance s'arrêteront définitivement le 17 avril 2012, une fois que le rapport financier et le bilan final soient promulgués. Aujourd'hui, comment allez-vous garantir la pérennité de l'ISIE ? On va devoir la garantir doublement. Premièrement, de manière provisoire, c'est-à-dire, vu que l'on est encore dans une période de transition, il y a le texte relatif aux pouvoirs publics qui stipule la création de l'instance. Par contre, maintenant, on travaille sur la constitutionnalisation de l'Instance. Voilà comment on peut garantir sa pérennité, son indépendance et sa neutralité.