Le tribunal militaire du Kef poursuivit depuis lundi dernier les débats dans l'affaire des martyrs de Thala , Kasserine, Tajerouine et Kairouan, dans laquelle sont accusés, outre le président déchu, des ministres et responsables de l'ancien régime dont notamment, Rafik Belhaj Kacem ex ministre de l'Intérieur, tous impliqués suite aux évènements du 7 janvier 2011 dans les régions précitées, ayant enregistré plusieurs morts et blessés. Les accusations vont de la voie de fait jusqu'à l'homicide volontaire. Les avocats de la partie civile ont surtout affirmé que beaucoup d'éléments ont été soit négligés soit occultés que ce soit au niveau de l'instruction, de la chambre d'accusation ou du tribunal. Certains avocats déplorent en effet que certains documents aient été détruits, tels que ceux des archives téléphoniques des chefs de sécurité ayant exercé pendant la Révolution. Dissimulation de documents pour détourner le cours de l'affaire ? Me Abdessatar Ben Moussa président de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme, est intervenu au nom de la partie civile représentant le peuple en tant qu'entité, étant donné l'importance historique de l'affaire, bien qu'il ait été contesté par Me Abada Kéfi l'un des avocats des accusés, qui estime que cette intervention du représentant de la LTDH est aussi inopportune qu'irrégulière. Me Ben Moussa a déploré le fait que la possibilité de transmettre cette affaire en direct, n'ait pas été donnée aux médias audiovisuels. Me Chokri Belaïd a reproché pour sa part la dissimulation de certains documents au cours de l'instruction, outre l'inégalité entre les accusés devant la justice militaire, en citant pour étayer son argumentation, l'exemple du « colonel Laâjimi, qui est resté en liberté, et a gardé ses fonctions au ministère de l'Intérieur, malgré son arrogance et son attitude provocante et menaçante envers les témoins et même envers les avocats de la partie civile. » Corrélativement avec ses confrères, Me Ayadi a pu conclure que « la Justice militaire, est une utopie, le juge étant encore soumis à des directives de ses supérieurs. » Les avocats de la partie civile sont unanimes à affirmer que tel que se présente cette affaire, il reste encore à faire pour réaliser l'indépendance de la Justice, les vieux instincts étant encore ancrés chez tous les ennemis de la démocratie et par là même de la Révolution.
La peine de mort pour Ben Ali : dilemme et imbroglio juridique
Le ministère public qui a requis la peine de mort pour Ben Ali, n'a fait que demander l'application de la loi, l'intéressé étant accusé d'homicide volontaire. Cela pourrait compliquer les choses, la peine de mort étant considérée par la Cour internationale de Justice comme une torture, constituant un motif de refus de toute extradition, quelle que soit la personne concernée. Il est de jurisprudence constante que toute personne craignant pour sa vie, voire pour son intégrité physique, ne peut en aucun cas être extradé. Cependant, le fait que Ben Ali soit jugé par défaut, ne peut lui permettre de bénéficier des circonstances atténuantes, et bien souvent le juge prononce dans de pareils cas la peine maximale, lorsque la culpabilité est établie. Est-ce à dire que les chances de l'extradition de Ben Ali ne font que s'amenuiser ? On ne peut répondre de manière affirmative à une telle question, car on ne peut préjuger de la décision à intervenir, qui appartient au seul pouvoir souverain du juge, fondé sur la loi et son intime conviction, deux éléments essentiels pour la consolidation de l'indépendance de la Justice.