Enfin, le tour est bouclé. Après avoir entendu les secrétaires généraux des syndicats enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur, on s'est tourné vers le syndicat des étudiants, l'UGET. Se contenter d'écouter les enseignants ne pourrait pas bien nous renseigner sur la réalité des choses et notre investigation serait tronquée, c'est pourquoi il est impératif de s'adresser, également, aux enseignés que personne ne pourrait représenter à part eux-mêmes, ils sont les seuls à connaître leurs vrais problèmes. Donc, cette fois, notre interlocuteur c'est le secrétaire général du syndicat des étudiants en attendant que les élèves, eux aussi, aient leur propre syndicat. C'est au tour du numéro 1 de l'UGET, le syndicat estudiantin le plus légitime et le plus représentatif, de nous faire part de ses impressions sur cette rentrée universitaire. Ses positions sont bien tranchées, il rejoint les autres secrétaires généraux dans leurs affirmations, lui aussi, oppose une image sombre au tableau idyllique du gouvernement.
Le Temps : Peut-on dire que cette première rentrée universitaire sous le premier gouvernement légitime enfile la robe révolutionnaire?
-Ezzeddine Zaâtour : Cette rentrée universitaire n'est pas isolée de ce que le peuple tunisien a connu au cours de cet été très troublé à tous égards, la famille tunisienne s'est préparée à cette échéance dans des conditions sociales trop lourdes en raison des prix élevés et la détérioration du pouvoir d'achat, ajouté à toutes ces difficultés la problématique des foyers universitaires qui n'a pas été réglée et dont on n'a même pas daigné débattre. Par conséquent, la plupart des étudiants tunisiens retrouvent l'université cette année pliés en deux sous le fardeau de l'exploitation des agents immobiliers. En outre, il ya la question de la réorientation où des dizaines voire des milliers d'étudiants qui n'ont pas obtenu les filières qu'ils ont choisies et l'opération s'est déroulée comme si on comblait des vacances et sans faire participer l'organisation estudiantine. L'infime augmentation de la bourse universitaire, qui sert tout simplement à jeter de la poudre aux yeux, a également été décidée unilatéralement et donc à notre exclusion. Le ministère se saisit de tous les dossiers de l'enseignement supérieur et met la partie estudiantine à l'écart et, par conséquent, à notre avis, cette rentrée universitaire est dominée par un assez grand flou pareil à celui qui règne sur l'avenir du pays. Cette rentrée intervient au milieu d'un flux de problèmes, des problèmes au niveau social et académique ainsi que sur le plan de la réforme de l'enseignement, c'est comme si on vivait encore à l'ère de la dictature, étant donné que rien n'a changé. Le ministère de l'Enseignement supérieur bloque la porte des négociations face à l'organisation syndicale et œuvre à marginaliser la jeunesse étudiante et à ne pas la faire participer à tout ce qui l'intéresse. Nous ne resterons pas les bras croisés, mais nous parierons sur notre énergie et nos moyens pour dénoncer et mettre à nu ces programmes parachutés et ces politiques antipatriotiques et antipopulaires, et nous compterons aussi sur les forces de notre peuple et de la société civile afin de poursuivre la lutte pour la réalisation de nos revendications légitimes. La police politique n'a pas quitté l'université même après le 14 Janvier
-Quel est votre commentaire sur les déclarations du ministre concernant le « niqab » et le retour des vigiles à l'enceinte universitaire ?
-Pour ce qui est du retour des vigiles à l'université annoncé par le ministre, que tout le monde sache que la police politique se promène au sein des institutions universitaires comme bon lui semble se munissant de la carte d'étudiant, elle est dans la salle de cours, à la bibliothèque et parmi les étudiants, elle est partout, c'est à dire que les mêmes officiers qui nous poursuivaient dans les années braises à la faculté des lettres de la Manouba, à la faculté de droit de Tunis et ailleurs dans tous les autres établissements de l'université tunisienne, continuent de surveiller les activistes politiques, les syndicalistes et toutes les activités au sein de l'université. Par conséquent, l'affirmation selon laquelle le dossier de la police politique est classé et qu'elle n'existe plus n'est pas vraie du tout, elle est toujours là et travaille avec de nouvelles méthodes se cachant parmi les étudiants de la l'université tunisienne; on va lutter contre le retour des vigiles à l'université avec tous les moyens légitimes. Il ya des tentatives de la part de parties trempés dans l'extrémisme pour provoquer le chaos et la confusion, perturber le fonctionnement normal dans certains établissements de l'enseignement supérieur, fomenter des conflits sous des étiquettes différentes et créer, ainsi, des climats tendus afin de justifier le retour des vigiles à l'université. Ils ne reviendront pas même pas autour des murs de l'université; nous concentrerons nos efforts sur le dialogue et nous exposerons les problèmes réels qui représentent les préoccupations des étudiants en Tunisie afin d'y remédier. En fin de compte je dis que la décision du ministre de l'enseignement supérieur permettant aux étudiantes partant le « niqab » est un défi à l'adresse des structures pédagogiques qui estiment que cette tenue constitue obstacle à la communication, en plus de cela, il ya des considérations de sécurité qui devraient être prises en compte et aussi et surtout la dignité de la femme qui doit être préservée parce que le « niqab » est, de toute évidence, l'expression du mépris de celle-ci. Tout pâlit devant l'intérêt, donc, ce qui importe en premier et dernier ressort c'est d'attirer et d'enrégimenter les « Salafistes » dans l'université tunisienne dans lesquelles les autorités voient une armée de réserve et des chiffres électoraux, par conséquent, la décision du ministre est politique par excellence.