La stabilité politique dépend de plusieurs facteurs et de mécanismes qui touchent l'environnement sociétal aussi bien interne qu'externe. De plus en plus les politistes développent plusieurs thérapies sur la permanence des systèmes et comment leur assurer en quelque sorte la longévité et la survie. C'est l'objet de « l'analyse systémique » où les systèmes politiques ne sont plus perçus comme « autonomes » du fait de la sacro-sainte souveraineté nationale et qui se confond le plus souvent avec la « souveraineté » des gouvernants, mais comme dépendants des exigences de l'environnement intra-sociétal et de l'environnement extra-sociétal,, et de tester la capacité du système politique à réagir à cette demande persistante.
Le phénomène s'accentue en temps de crises et un auteur majeur comme l'américain David Easton, va jusqu'à comparer les crises à des vagues de plus en plus ravageuses à défaut de «réponses » calmantes du système. Il arrive qu'on atteigne le point de rupture d'un système quand il est incapable de convaincre la société par les « valeurs » qu'il diffuse ou par les décisions inefficaces qui ne peuvent atténuer l'accumulation des vagues de revendication sociale.
Le système peut alors pérécliter comme ce fut le cas avec Ben Ali.
En effet, les valeurs qu'il diffusait, n'étaient plus perçues comme obligatoires et la société n'y adhérait plus. En plus, les décisions et programmes de développement étaient très en deçà des attentes, ce à quoi il faut ajouter la corruption et la mainmise de la « famille sur le patrimoine » national et les sources de sa richesse.
La Révolution a fait éclater tout cela et l'exigence était « la liberté et la dignité », ce qu'il faut traduire par la nécessité d'établir une fois pour toute dans ce pays un système politique démocratique, et évolué aux normes universelles d'une part, et d'autre part, d'éradiquer les poches de pauvreté, réduire le chômage des jeunes et remettre à niveau le développement régional.
Voyons, maintenant comment les choses ont évolué après la Révolution du 14 janvier.
Premièrement, nous en sommes à notre 3ème transition malgré les élections de la Constituante qui se sont déroulées de manière plutôt satisfaisante et acceptable.
La seconde transition menée par M. Béji Caïd Essebsi est de loin la plus marquante au niveau de la première exigence de la Révolution, à savoir mettre les bases d'un système politique pluraliste avec la séparation des pouvoirs, l'autonomie des commissions supérieures des élections et de la presse et organiser le changement politique ou l'alternance, pacifiquement par des élections et sans aucune trace de manipulation ou de truquage de la part de l'exécutif.
D'ailleurs, les nouveaux locataires de Carthage, de la Kasbah et du Bardo, ont applaudi cette réussite.
C'est une première que l'Histoire retiendra à l'actif de ce vieux routard, si décrié aujourd'hui, injustement, par ses concurrents politiques. On l'accuse d'avoir monté « Nida Tounès » pour en faire une sorte de « camp de recyclage» pour les ex-Rcédistes et remettre en selle l'ancien despotisme du « parti-Etat » et ses méthodes de truquage des élections et... Mais ce genre d'allégations ne convainc plus personne. Tout le monde sait à l'intérieur comme à l'extérieur du pays que les adversaires de « Nida Tounès » au pouvoir, veulent tout simplement « dégraisser » ce parti qui progresse à vue d'œil, de ses troupes, dont la plupart n'ont rien à voir avec l'ex-RCD. Les observateurs impartiaux vont même jusqu'à dire que la volonté d'empêcher par une loi, plus d'un million de citoyens tunisiens d'exercer leur droit au suffrage, équivaut à les priver de leur droit de « citoyenneté » au sens grec et antique du terme.
Il faut revenir au père de la science politique Aristote pour remettre à jour après plus de 2300 ans, le concept de « citoyenneté ». Le Stagirite grec et précepteur d'Alexandre, nous dit presque texto : « La population d'un pays se compose de trois catégories, les « Esclaves » (ce que nous étions du temps de Ben Ali) les « Habitants » (ce que nous sommes aujourd'hui), et les « Citoyens » (ce à quoi nous aspirons d'être) dans le futur proche.
Et il ajoute : « Les citoyens sont ceux que la nature a honoré de la liberté et cet honneur c'est le droit au suffrage à savoir celui « d'élire » et « d'être élu ». Cela veut dire que le citoyen a le droit de voter et de choisir ses gouvernants et le droit de se présenter aux suffrages de ses compatriotes pour accéder aux charges de l'Etat.
Or, priver un homme ou une femme de ce droit « d'élire et d'être élu » équivaut à le priver de son statut de « citoyen » !
Cette orientation, si elle est retenue par les gouvernants actuels et l'Assemblée constituante, où ils sont majoritaires, risque d'emporter l'exigence démocratique de notre peuple exprimée lors de la Révolution et de diviser encore plus une société fragilisée par 23 ans de dictature et de presque deux ans de transition interminable !
D'ailleurs, le droit tunisien est celui de « l'allégeance perpétuelle » et on ne peut priver quelqu'un de sa citoyenneté même quand il commet des actes abominables. Seuls les juges sont souverains ! C'est dire où nous allons si le processus n'est pas stoppé à temps et préventivement, c'est quand même, triste de voir le nombre de questions « parallèles » qui bloquent notre système politique actuellement, alors que la sagesse aurait été de renoncer à la ruse et de faire prévaloir la vertu ! (A suivre...)