Tenu hier au cinéma Le Mondial à Tunis, le congrès du Parti socialiste de gauche, que dirige Mohamed Kilani, a su exprimer, à travers le discours et le programme, la volonté d'une certaine gauche pragmatique de se défaire de son ancien carcan idéologique au profit d'une ouverture sur la société réelle. S'agissant du deuxième congrès de parti depuis la révolution, et dans la mesure où il s'agit d'une formation qui vient d'obtenir sa légalisation, la manifestation a drainé une multitude de figures de la gauche et de l'extrême gauche, et de militants de divers bords, en plus des journalistes et des associatifs. Un document de huit pages frappé du logo du PSG, une étoile rouge asymétrique, a été distribué exposant l'essentiel du programme à court terme du parti. Son intitulé : «Pour un contrat républicain» donne d'emblée la mesure du consensus national qui y est proposé en cette transition démocratique appelée à bâtir le nouveau système politique de pluralisme partisan. Ce que propose le PSG, c'est une charte républicaine qui se présente sous la forme d'un contrat social «qu'aucun pouvoir législatif ou exécutif ou même constituant n'aura le droit de remettre en cause dans le sens de sa réduction» et qui devra, au contraire, être constamment développé et étendu. Le contrat républicain soumis aux autres composantes de la société politique comporte dix clauses. Premièrement que la souveraineté nationale revient au peuple, avec comme moyen le suffrage universel pour décider et pour choisir qui le représente et qui le dirige. La citoyenneté est la base de la République, sachant que l'égalité totale entre tous et toutes représente l'un des principes démocratiques fondamentaux. Troisième condition : les libertés publiques et individuelles dont la liberté de conscience et les droits de l'homme, que garantit et protège l'Etat. Autre clause, la neutralité politique de l'administration vis-à-vis des citoyens, et celle de l'Etat vis-à-vis de la croyance, avec «séparation de la religion et de la politique», étant bien entendu que les lieux de culte ne doivent pas être utilisés pour la propagande politique, et que les imams sont des fonctionnaires de l'Etat. L'autonomie totale de la société civile est une autre condition du pacte proposé, et en sa qualité d'espace de citoyenneté, de liberté et d'entente contractuelle, et de l'un des leviers du contre-pouvoir. L'information et la communication sont bien évidemment également de la partie, en leur qualité de quatrième pouvoir. La séparation des pouvoirs et l'indépendance de la justice, ainsi que l'équilibre devant prévaloir entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, et le respect de l'alternance pacifique constituent la 8e clause du contrat républicain, laquelle insiste également sur le droit des minorités en tant que composantes du système politique. Le rejet de la violence dans les rapports des différentes composantes de la société civile et de la société politique, et le respect de la vie privée de chaque citoyen représentent le neuvième engagement proposé. Enfin s'impose un modèle de développement social et solidaire, garantissant une juste répartition des biens, l'équilibre entre les régions et le droit du peuple à l'enseignement, à la culture, à la santé et au travail. Le congrès du PSG, qui a démarré vers 11h30 par l'allocution de Mohamed Kilani (autrefois connu comme «El Ki», au sein du mouvement étudiant), a ensuite donné la parole aux personnalités invitées et aux représentants des partis et de la société civile, M. Mohamed Harmel, président honoraire du mouvement Ettajdid, ayant été le premier à s'adresser au congrès. Un débat en séance plénière a suivi dans l'après-midi. Les congressistes représentent 20 régions du pays et deux sections de l'étranger : Paris et Marseille. Aujourd'hui même, ils sont appelés à élire les 41 membres du comité central du parti, en ayant à l'esprit le mot d'ordre si cher à Nawfel Ziadi, ex-secrétaire général de l'Uget et deuxième personnalité du bureau provisoire : favoriser les régions, les femmes et les jeunes. Sachant que le congrès se propose de mandater deux comités préparatoires, celui de la jeunesse socialiste et celui de l'organisation féminine. Un mot sur le positionnement de ce parti atypique qui a réussi à dépasser le marxisme de jeunesse de ses leaders : il s'inscrit aujourd'hui dans la logique de la complémentarité entre un Etat assumant un rôle dans le développement et la planification démocratique, l'impératif d'un équilibre économique et régional par la redistribution des richesses et la solidarité, et un secteur d'initiative privée qui ne soit pas exclusivement animé par la maximisation du profit, mais guidé par un souci de responsabilité sociétale, comme vecteur principal de développement. Le PSG préconise notamment la mise sur pied d'un secteur coopératif et mutualiste dont l'exigence sera de contribuer aux transferts sociaux et culturels. Afin que l'édifice social permette de «faire vivre au concret un engagement civique qui soit la représentation de la citoyenneté dans toutes ses dimensions : économique, politique, culturelle, sociale et civilisationnelle». Une République démocratique solidaire.