Sommes-nous en présence d'un nouveau Hédi Nouira ! Tout semble le confirmer. A quelques décennies près feu Hédi Nouira, gouverneur de la Banque Centrale, celle que notre maître, feu Raymond Barre, professeur d'économie politique et de finances et ancien Premier ministre de France désignait par la « Banque des Banques », a été le sauveur de l'économie tunisienne totalement décapitée par la politique collectiviste, l'effondrement de la production agricole et l'assèchement de nos avoirs en devises. Devenu lui-même, Premier ministre, il promulgue deux lois importantes celles de 1972 et 1974, qui ont favorisé l'investissement extérieur, la sous-traitance en vue de l'exportation et surtout le développement industriel et touristique privé. De l'Etat « providence » où l'Etat était le principal agent de production et de promotion économique, la Tunisie est passée à l'âge du « libéralisme », mais avec une certaine prudence pour préserver l'industrie nationale locale dans les secteurs vitaux de l'énergie, du bâtiment et de l'agriculture. La remontée fut spectaculaire et la croissance a été plus que positive avec la création de dizaines de milliers de petites et moyennes entreprises générant des milliers de postes d'emploi dans tous les domaines surtout dans le textile, le tourisme et le secteur tertiaire et des services. Le « modèle tunisien » est devenu l'objet d'étude et même d'une certaine « jalousie » fraternelle du Maroc à l'Egypte, pour essayer de l'imiter et d'en faire profiter ces pays qui avaient pratiquement les mêmes problèmes que le nôtre avec une démographie galopante et peu de ressources naturelles et énergétiques. A l'époque, celui qui fut le premier doyen tunisien de la Faculté de droit et des sciences économiques de Tunis, après le professeur français, M. Aventure, faisait ses premières armes au gouvernement Nouira. D'abord, à l'Economie puis à l'Education nationale, Chedly Ayari, brillant professeur gravissait les échelons et prenait déjà du volume après un court passage à la Société Tunisienne de Banque (STB) pour rejoindre après la BADE, Banque afro-arabe de développement économique. Par conséquent celui qui a eu la bonne idée de le rappeler aux affaires de l'Etat et surtout à la tête de l'institut d'émission en ce moment même, ne s'est pas trompé surtout que le pays vit une certaine incertitude après la Révolution. Au fil des mois le doute, prenait la place de la ferveur des premiers jours de la Révolution avec toutes les conséquences prévisibles : fuite de capitaux, régression de l'investissement, décroissance des réserves en devises. Le tourisme était sinistré et l'industrie roulait au ralenti en attendant des jours meilleurs et surtout le rétablissement de la confiance et de la sécurité. Chedly Ayari avait tout pour être l'homme de la situation... Un peu providentiel je dirais, parce que tout au long de la dictature, il s'est isolé avec ses livres et partait de temps en temps du côté d'Aix Marseille, pour donner quelques cours universitaires et conférences très appréciés du côté de la rive nord de la Méditerranée. Ses apparitions publiques, étaient très limitées et ne dépassaient jamais le cadre universitaire et académique. Même son passage « obligé » à la Chambre des conseillers, était une sorte de « désignation d'office » par un régime aux abois qui voulait coûte que coûte impliquer les universitaires et les personnalités nationales d'envergure comme MM. Chedly Klibi, Hédi Baccouche ou Rachid Sfar, mais sans aucune conviction ni illusion de leur part. Aujourd'hui, et en si peu de temps, le professeur Ayari, à la tête de la Banque Centrale, a aidé énormément au rétablissement de la confiance générale dans le pays. Ses interventions mesurées mais claires, dopent le moral des Tunisiennes et des Tunisiens et encouragent les partenaires et amis de la Tunisie à investir et à revenir en Tunisie surtout avec l'amélioration de la sécurité et de la paix sociale. Nos avoirs en devises s'améliorent aussi, et la récession semble être derrière nous, du moins on l'espère, si la croissance se confirme déjà à 3% pour 2012. J'ai beaucoup réfléchi à mes heures sur la corrélation entre la politique et la technocratie et j'en suis arrivé à quelques constatations appuyées par l'Histoire et la pratique politique. La technocratie que les politiciens de race ont tendance à mépriser, joue un peu le rôle de l'ambulance pour sauver la dérive politicienne et son manque de savoir-faire économique. Mieux encore, les ministres technocrates avec un peu d'expérience politique finissent par devenir de véritables hommes d'Etat comme l'ont été Hédi Nouira pour la Tunisie ou Giscard d'Estain et Balladur pour la France. A méditer, car plus que jamais les Tunisiennes et les Tunisiens commencent à en avoir ras-le-bol de la politique politicienne qui démontre chaque jour son incapacité à résoudre les problèmes urgents et structurels du pays. Si Chedly Ayari regrette l'absence d'un plan de développement post-révolutionnaire comme ceux qui ont fait la Tunisie moderne. Alors, vivement : La technocratie !