A l'entrée de la « haute saison » touristique, après une « basse saison » plutôt morose, on devrait tout faire pour que le pays se présente sous son meilleur jour surtout dans le Cap Bon qui est indéniablement avec Jerba et le Sahel, l'une des régions touristiques par excellence. On constate pourtant bien des aspects négatifs encore. PROLOGUE Vite, au sortir de l'aéroport ou de la zone portuaire, faisons traverser, aux étrangers, les faubourgs de Tunis dont les chaussées sont jalonnées de monticules d'ordures. Ceux qui atterriraient à l'aéroport d'Enfidha ne seraient pas mieux lotis. Heureusement, ils arrivent rapidement à l'autoroute menant à Hammamet. Aux premiers, on offre le spectacle désolant d'un Bou Kornine – la montagne sacrée des Carthaginois sur laquelle s'étend un parc naturel national ! – éventré sans que personne n'ait essayé de réhabiliter, un peu, le site. Puis, que ce soit par la bretelle « Hammamet Nord » ou à l'arrivée par « Hammamet Sud », les déchets, les déchets toujours, jusque dans les branches des arbres, voltigeant avec la poussière, les jours de vent, accueillent nos visiteurs, dès leur entrée au Cap Bon. LA PROMENADE Allons-nous leur dire que Hammamet pourrait avoir été Pupput antique ? Peut-être, mais surtout ne les conduisons pas au tout petit bout de site qui a échappé à la « fureur » de bâtir. Il dépérit, complètement à l'abandon, envahi par les herbes folles, comme le dernier vestige de la nécropole voisine dont les tombeaux s'effritent. Elle ressemble de plus en plus à un épandage de matériaux de démolition ! Et, évidemment, il n'y a personne pour les présenter. Pourtant, il existe, paraît-il, de nombreux diplômés de l'Université, chômeurs. Aucun ne pourrait-il servir de « guide » ? Continuons notre promenade. En l'absence de plan et de guide, bien malin l'Etranger ou le Tunisien capable de se rendre au site de Néapolis. Une activité l'intense s'y est déroulée, l'automne dernier. Aucun des responsables de cette fête n'a pris la peine de rédiger un tout petit dépliant – une seule feuille ! – que le gardien pourrait distribuer aux visiteurs en l'absence – encore ! – d'un guide. Nabeul est, pourtant, une grande ville ! Quant aux autres curiosités de Nabeul et d'Hammamet, il faudra se fier aux passants ou aux chauffeurs de taxi pour les découvrir. Pourtant, bâtiments prestigieux, musées, ateliers de broderie ou de poterie, distillerie de parfums subtils existent. Mais que dire de leur « promotion » ? Et dès la sortie de Nabeul, on est confronté à ce laisser-aller général : les ordures tapissent les bas-côtés des routes, les bords des plages et l'orée des bois. En arrivant sur la plage de la Maamoura, on découvre, les vestiges d'une barrière en petits troncs d'arbre. « C'est, nous dit-on, la limite d'une zone ornithologique classée, faisant partie d'une réalisation internationale : le « Med Wet Coast ». Allons voir l'écomusée et la lagune principale de Korba. On a découvert, au bout d'une contre-allée, non balisée, un petit écomusée, desservi par un personnel charmant et compétent, qui nous a déconseillé de nous rendre sur les lagunes : les pontons d'accès en bois sont en ruines, une partie des dunes séparant les lagunes de la mer, zone extrêmement fragile, a été transformée en parc de loisir parcouru par les quads, les chevaux et les véhicules 4x4. Tant pis pour la faune et la flore protégées ! Tant pis pour l'Environnement ! Un peu plus loin, nous nous sommes arrêtés près des tombeaux puniques de Ksar Essaad. L'opuscule rédigé par deux universitaires : Samir Aounallah et Mounir Fantar, nous avait appris qu'ils sont décorés de peintures murales. Cet ouvrage est intitulé : « A la découverte du Cap Bon » et nous l'avions acheté pour pallier l'absence de guide. Eh bien, les tombeaux sont d'infâmes cloaques puants, remplis d'ordures baignant dans « l'eau » des dernières pluies où pullulent les moustiques. Tant pis pour les peintures pourtant uniques au monde : elles ont certainement disparu ! Désenchantés par ce premier « contact », nous n'avons fait qu'une courte halte à proximité du sanctuaire de Sidi Salem à Menzel Témime. La nécropole punique proche était environnée de détritus jonchant le sol. Nous avions, en plus, subi les visions du dépotoir bordant la route et du mausolée dédié à Sidi Othman détruit par … ?? Ils « ornent » les embouchures de l'Oued Lobna et Chiba ! Notre fascicule nous ayant signalé la grande nécropole à haouanet du hameau d'El Harouri, nous y sommes allés. Une véritable punition ! La petite route partant de l'entrée de Kélibia, au pied d'une pancarte indiquant « Oued Kratef » est bordée de « décharges sauvages ». Les abords et le site à haouanet sont tapissés d'ordures. Les tombeaux berbères servent d'incinérateurs ! C'en était trop ! Nous étions saturés de tourisme « culturel ». Nous avons acheté des poissons frais au marché de Kélibia et le « Chef » d'une guinguette accueillante et agréable nous les a parfaitement cuisinés. C'est un autre aspect, pas désagréable du tout, du tourisme tunisien ! Mais après une visite, façon de parler : nous n'avions aucun renseignement à leur sujet, des vestiges d'époque romaine situés au pied de la citadelle et une longue promenade sur le grand fort dominant la ville d'où l'on découvre un immense panorama, nous avons dégusté des thés aux pignons ou à la menthe dans un établissement taillé dans la pente de la colline dominant Kélibia et la plage. Enfin, un panorama agréable ! Mais nous n'avons eu ni l'envie ni le courage de poursuivre notre visite du Cap Bon, vers Dar chichou et Kerkouane. PLAIDOYER POUR L'ENVIRONNEMENT L'incendie criminel de Dar Chichou illustre parfaitement notre théorie. Une économie qui ne tient pas compte de l'environnement tue l'Homme avec ses pollutions. Un respect de l'Environnement qui ne prend pas en compte les exigences économiques tue l'Homme qui va mourir de pauvreté. La forêt de Dar Chichou a été plantée sur des terres privées non indemnisées, d'une part pour fixer le sable éolien ; d'autre part pour assécher les marais qui abritaient des moustiques porteurs de paludisme. L'incendie de la forêt, pour récupérer des terres, laissera le sable recouvrir les terrains cultivés actuellement. Puis, il permettra aux marais de se reformer et aux moustiques de revenir infecter les incendiaires ! Au moment où le monde entier se préoccupe – un peu – d'environnement, nous trouvons curieux que son ministère disparaisse. Il est pourtant partout question, dans plusieurs pays, de mettre en place, dans les établissements scolaires, un enseignement, une éducation environnementale. Préoccupation de pays riches, de peuples « favorisés » ? Nous ne le pensons pas. Quand toutes les plages du pays seront « bétonnées », où est-ce que la bonne moitié de la population vivant dans l'Ouest, loin de la mer, ira se baigner ? Quelle sera la « qualité » de l'eau dans laquelle se déversera – se déverse déjà – une bonne partie des eaux « usées » des agglomérations du littoral ? Qui peut nous certifier que nos fruits ne sont pas « farcis », comme en Europe, de pesticides et d'insecticides et que nos nappes phréatiques ne sont pas polluées ? Nous avons écrit à différents ministères en août 2012 et … rien n'a changé … personne ne nous a répondu ! Quelle véritable politique d'élimination réelle des déchets toxiques, un Secrétariat d'Etat pourra-t-il mettre en place ? N'est-il pas plus que temps de prendre conscience qu'il n'y a pas antinomie entre protection de l'Environnement et développement économique parce que l'avenir de l'Homme est économique et environnemental ?