Lundi dernier, les riverains et les usagers de la rue de Bab Benat durent pendant un bout de temps emprunter d'autres voies pour circuler dans la zone. Motif : d'après des témoins oculaires, c'était pour assurer des mouvements de sécurité autour de l'administration des examens nationaux relevant du Ministère de l'Education. Assurément, la mesure concernait les sujets de baccalauréat. Les épreuves commencent aujourd'hui, mercredi 5 juin, et se poursuivront jusqu'à mercredi prochain. Nous n'avons pas le moindre doute que M. Salem Labiedh et les fonctionnaires de son département gardent bien en tête le souvenir de la « fuite » déplorée l'année dernière et qui (entre autres facteurs) coûta son portefeuille de ministre à M.Abdellatif Abid. Il n'est donc pas de l'intérêt de son successeur que le triste scénario se reproduise. Cette année, sauver le bac des fuites potentielles c'est, pour le nouveau ministre, une manière de sauver son propre poste. Déjà, le dernier accord que ce dernier a réussi à conclure avec le syndicat du secondaire est perçu comme l'une de ses victoires éclatantes. La grève administrative a été évitée de justesse, ce qui n'est pas rien en cette fin d'année scolaire et en cette période d'examens nationaux. Une défaillance du genre de celle qu'on enregistra l'année dernière au deuxième jour de la session principale ternirait le tableau pour Si Salem que d'aucuns attendent au tournant. Une « fuite » fatale ! Mais au-delà des visées personnelles de l'actuel Ministre de l'Education, qui passe lui-même un test capital à l'occasion des épreuves du baccalauréat, nous devons reconnaître que cet examen national ne supporte plus la moindre remise en question. Une fuite supplémentaire condamnerait peut-être irrémédiablement le diplôme tunisien. Rappelons par ailleurs que, dans l'esprit de nombreux compatriotes, notre bac est considérablement dévalué en raison notamment des 25 % concédés, dans la moyenne finale, aux notes obtenues en cours d'année. L'autre jour, un ami professeur nous assurait qu'avec un 3 / 20 obtenu à l'examen de philo, le candidat pouvait réussir. Autrement dit, ce qui autrefois constituait une note éliminatoire n'est plus un obstacle à la réussite de l'élève. On estime aussi que la correction des épreuves est de plus en plus indulgente. Les barèmes retenus favorisent souvent les candidats médiocres et très moyens. Donc, une nouvelle « fuite » serait fatale pour la crédibilité du certificat et aussi pour tous les diplômes qu'obtiendra l'étudiant plus tard à l'Université. Le bac du gouvernement Cela dit, pour « sauver » vraiment notre bac, il ne suffira pas d'annuler les généreux 25 %, ni de se montrer plus scrupuleux dans le contrôle du déroulement des épreuves. C'est tout un système d'enseignement qu'il faudrait revoir depuis le primaire jusqu'au Supérieur. Le contenu des programmes doit viser la formation d'un futur cadre (ou employé) maître de son sujet, capable d'honorer la profession ou la charge pour laquelle il a été formé. On ne peut concevoir un programme d'études sans avoir au préalable une idée claire sur le profil de l'homme qu'on veut former. Il importe également de voir loin et de créer bien à l'avance les conditions favorables à l'embauche du diplômé. Le bac d'aujourd'hui n'ouvre aucun horizon d'emploi, les diplômés du Supérieur ne sont pas non plus assurés de trouver du travail avec leurs licences ou leurs mastères. La situation risque de s'assombrir encore avec l'actuelle récession économique à l'échelle nationale et internationale. De plus, le recours au FMI pour redresser la barre peut nous coûter de nouvelles concessions au niveau du système éducatif. On voit bien que ça se complique un peu plus pour nos dirigeants, peut-être plus soucieux en ce moment de «sauver» la balance économique du pays bien plus que de « sauver » le bac ! Comme nous l'avons dit à propos de Salem Labiedh, l'actuel gouvernement ainsi que tous ceux qui lui succèderont auront un bac, peut-être même des bacs plus durs à passer les prochains jours et les prochains mois !