Le nom de Djerba n'est aujourd'hui cité ou évoqué que pour être associé à la grave crise environnementale liée à la gestion des déchets ménagers et hôteliers qui a fini, admettons-le, par ternir l'image reluisante de cette île, Beaucoup de concitoyens, hors de l'île, pensent que cette crise des déchets n'est plus à l'ordre du jour à Djerba, du moment que plus personne n'en parle depuis la veille des élections. Elle a pour longtemps occupé le devant de la scène, mais compte tenu de l'avènement des deux échéances électorales du 26 octobre et du 23 novembre que toutes les parties dans l'île, la cellule de crise en tête, ont tenu à honorer pour lui assurer les meilleures conditions de réussite, plus personne n'a osé prendre la peine de la soulever ou de perturber le bon déroulement de l'événement, tant au cours de la campagne électorale que le jour du scrutin, tous mus par le même sens de la responsabilité et du devoir à accomplir vis-à-vis de notre pays dans un besoin pressant de ces élections pour sortir du gouffre du transitoire. Mais, à vrai dire, la situation n'a pas évolué d'un iota, et on ne vit encore qu'au rythme des déchets aux proportions alarmantes. L'amoncellement pêle-mêle des tonnes de détritus partout où le regard peut mener, croissant de volume jour après jour, et la fumée qui se dégage des nombreux foyers de déchets auxquels on a mis le feu pour parer aux puanteurs constituent le spectacle quotidien auquel ont droit les habitants. Excédée par la persistance de la crise, désemparée face à l'absence d'issue en perspective, la population revient à la rescousse pour remettre la question au devant des préoccupations. De nouveau, la crise est sur toutes les lèvres, tous sont aux aguets, guettant la moindre nouvelle à même de soulager ou de donner à espérer. La cellule de crise n'a pas connu de répit, ayant à composer et à se concerter continument avec tous les acteurs, locaux et régionaux, en vue d'aboutir à une solution d'urgence, à une alternative au recours désormais désespéré à la décharge régionale contrôlée de Bouhamed après l'échec des contacts et des tentatives de persuasion des quelques habitants du village El Ghrabat qui s'entêtaient sans motifs objectifs convaincants, à s'opposer à toute tentative d'acheminement des ordures provenant de Djerba vers cette décharge contrôlée, emboîtant ainsi le pas à ceux de Guellala qui ont fini par mettre le feu à la décharge suite à l'intervention ratée des forces de l'ordre. La cellule de crise, née dans un contexte de dispersion et de confusion pour rassembler les forces vives, pour unifier les voix disparates et se constituer comme un sérieux vis-à-vis aux responsables, continue de maintenir le contact avec qui de devoir, et la pression aussi sur les décideurs, pour contribuer à la résolution de la crise et au soulagement d'une population locale exténuée, exacerbé et au pic du désespoir. Il était question de doter l'île d'un incinérateur ; c'est du moins ce qu'avait annoncé M.Abderrazak Ben Khlifa, secrétaire d'Etat chargé des collectivités locales et régionales, en guise de solution provisoire d'urgence. Annoncée la semaine du 13 octobre, elle devait être mise en place et opérationnelle la semaine d'après, mais comme rien de tel ne s'est produit, il ne restait plus à la cellule de crise que de voir ailleurs une solution qui s'imposait, mais qui tarde encore à venir. Le bassin étanche en attendant mieux Toutes les cartes ont été épuisées, et l'espoir d'avoir accès aux décharges contrôlées de Guellala et de Bouhamed et de conclure un compromis avec la population n'est plus permis ; l'heure n'était plus donc à l'attente. De concert avec la direction de l'environnement au sein de la commune de Houmt-Souk et la commission de gestion constituée en remplacement de la délégation spéciale démissionnaire, il était question pour la cellule de crise, depuis quelques jours, de négocier avec la tutelle le recours à la technique du bassin étanche vue comme l'unique solution en perspective, à même de débloquer la situation, et réalisable par ricochet dans l'immédiat. La tutelle ayant consenti à prendre en charge la fourniture de la géo membrane étanche et de la logistique indispensable pour sa pose, il n'a pas été facile de convaincre de la pertinence d'une telle option, intervenant dans un contexte de refus généralisé, de suspicion , d'égoïsme réducteur, d'allégeances partisanes malsaines et de diabolisation gratuite et infondée, devenus désormais monnaie courante, et de coutume à Djerba et ailleurs malheureusement. Les négociations avec les riverains du terrain municipal à Sidi Salem initialement désigné pour abriter le bassin ont buté sur une farouche opposition, malheureusement, mais l'acte généreux et citoyen d'un habitant à l'intérieur de l'île, ayant cédé une partie de sa propriété pour la besogne, a redonné l'espoir, et ce n'est qu'une question de jours pour passer à l'exécution des travaux de mise en place. Contrairement au dépotoir anarchique, le mérite de cette technique provisoire d'urgence, ayant fait ses preuves ailleurs, réside dans la mise en décharge des ordures, traitées au quotidien, dans une excavation de deux à trois mètres de profondeur et de 1000 m2 de superficie, toute revêtue de la géo membrane étanche qui, une fois parvenue à saturation sera fermée d'une manière étanche, sans nuisance aucune, jusqu'au jour où sera mise en place un centre de gestion durable des déchets vers lequel les ordures enfouies seront acheminées pour traitement. Quand on a attendu deux longues années et demie une sortie de crise devenue utopique ; quand, pendant tout ce temps-là, on voyait, impuissant, le mal sévir, les ordures s'amonceler en croissance pour transformer notre vécu quotidien en un cauchemar, et la laideur se généraliser ; quand on a vu comment certaines forces qui se disent vives, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'île, ont instrumentalisé la crise, manipulé les masses et fait des siennes ; quand, enfin, on voit ces visages d'enfants indignés du sort injuste que leur réservent les adultes, de femmes inquiètes et désemparées, de personnes âgées inquiètes pour le devenir de cette île qu'elles n'ont jamais vue ainsi diminuée et dévalorisée, comment peut-on ne pas se résoudre à ignorer son égo réducteur, à renoncer aux tractations futiles, aux calculs malsains et opportunistes, et à faire montre de bon sens, d'altruisme et de solidarité pour alléger les souffrances, devenues intenables, des uns et des autres?