A l'approche du Nouvel an, de nombreuses galeries proposent expositions individuelles, rétrospectives ou expositions de groupe. Chacun innove à sa manière en invitant des artistes iconoclastes ou bien en misant sur des valeurs sûres de la scéne picturale. Le week end dernier a ainsi été l'occasion de plusieurs rendez-vous plastiques qui ont drainé un public nombreux et souligné qu'il existe bel et bien un marché de l'art et que ce dernier connaissait en général une embellie en fin d'année. Bady Chouchéne à Ain Vendredi 5 décembre, ils étaient nombreux à retrouver le chemin de la galerie Ain, animée par Mohamed Ayeb. L'artiste Bady Chouchéne y présentait sa nouvelle collection dont les oeuvres sont dans la lignée du style de cet amoureux du patrimoine tunisien. Scénes de marché, tableaux contrastés et équilibre chromatique caractérisent ce retour de Chouchéne qui continue à sublimer le quotidien par sa technique qui emprunte aussi bien à l'impressionnisme qu'au répertoire traditionnel. L'exposition se poursuivra jusqu'au 20 décembre. «Bond à part» Grand retour pour l'artiste David Bond qui s'est fait connaître grâce à un trait reconnaissable entre tous. C'est une nouvelle fois à l'Espace Imagin que Bond expose ses dessins et collages sous l'intitulé " Bond à part". La galerie carthaginoise accueillait samedi 6 décembre plusieurs collectionneurs passionnés par le travail plastique de cet artiste écossais qui a choisi la Tunisie comme source d'inspiration. Les oeuvres de Bond sont à nulles autres pareilles. Il a une nette prédilection pour les espaces urbains qu'il parvient à transcender grâce à un trait fuyant et une profusion de détails. Ses oeuvres reprennent plusieurs aspects de nos médinas qui renaissent dans un fouillis que traversent des oiseaux ou bien des taches de couleur. Décidement inclassable, David Bond sillonne Tunis et, de sa rêverie, naissent des dessins énigmatiques, vacillants, toujours attachants. L'exposition se poursuit jusqu'au 11 janvier. Millefeuilles à la puissance six Pour son exposition de fin d'année, la galerie Millefeuilles va réunir une belle brochette de talents que tout sépare en termes de choix artistiques mais que réunit leur vision de l'art. C'est le 12 décembre qu'aura lieu le vernissage de cette exposition qui conjugue l'onirisme d'un Henri Ducoli avec l'éclectisme militant d'un Mohamed Ali Belkadhi, le retour de Dominique Médard et l'éclosion de Leila Shili, l'univers subtil de Anne Latreille-Ladoux et les fulgurances de Othmane Taleb. Belle juxtaposition qui accouche d'interactions fécondes et ouvre de belles perspectives artistiques. Les animateurs de la galerie, Amina Hamrouni et Lotfi El Haffi, continuent ainsi à creuser dans le même sillon, débusquer des talents nouveaux et les mettre en regard avec des valeurs confirmées. Laboratoires artistiques en banlieue nord De fait, les espaces artistiques de la banlieue nord savent se saisir de l'originalité, multiplient les initiatives et font preuve d'un incontestable talent. Du côté de la Marsa, la Soukra et Sidi Bou Said, les galeries ont non seulement une vocation marchande mais aussi une identité de laboratoires artistiques dont la profusion met à l'ordre du jour bien des projets. Par exemple, Efesto, le salon des artistes de la Marsa accueille depuis dimanche 7 décembre une exposition collective sur le thème "Troufsgh'art", un probable éloge au petit format. A Sidi Bou Said, Selma Feriani abrite dans sa galerie la nouvelle exposition de Nicéne Kossentini qui revisite le mythe d'Icare en s'inspirant de l'envol d'un papillon. Pour sa part, Samia Achour offre ses cimaises de la Soukra aux nébuleuses chromatiques de Alia Kateb, une révélation de ces dernières années. Enfin, l'espace Sadika, à Gammarth, poursuit son travail de fond en mettant en exergue ce qui bouge dans le paysage pictural. Jusqu'au 22 décembre, c'est Mouna Jmal Siala qui y expose ses nouvelles oeuvres. Interprétations Sous le titre "Interprétations", une autre exposition devrait avoir un caractére d'événement en ce qu'elle permet de découvrir une triple approche placée sous le signe du métissage. L'Américaine Jo Ann Morning y signe son retour avec des oeuvres subtiles qui évoquent des réminiscences du Paul Klee de 1914. Avec elle, une autre artiste américaine, Rebecca Mann, propose ses tableaux qui croisent avec bonheur les univers de Alfons Mucha et Andy Warhol. Ces travaux surprenants sont un véritable tissage de références servi par une belle technique. Troisième "interpréte" de cette partition à six mains, Nahla Weslati puise sa palette d'inspirations qui la font évoluer dans un univers proche de Abdelmajid Bekri, Brahim Dhahak ou Mahmoud Sehili. Ces trois artistes exposeront du 20 décembre au 15 janvier à la galerie Saladin qui accueille en ce moment un autre ténor du répertoire traditionnel en la personne de Ahmed Souabni dont le vernissage de la nouvelle exposition a eu lieu samedi 6 decembre. L'activisme des galeries Il est clair que l'hiver inspire nos galeristes. Et si le pionnier Hamadi Cherif nous manque cruellement, ses nombreux émules ont imposé la banlieue nord de Tunis comme épicentre de la vie artistique. Ce fait se vérifie amplement cette semaine et augure de belles promesses créatives. La multiplication des galeries a ceci de positif : elle favorise l'éclosion de talents, crée les conditions d'un essor du marché de l'art et permet aux artistes de se regrouper selon leurs affinités. Cela crée une nouvelle donne dans le domaine de l'art et l'activisme de toutes ces galeries mériterait un soutien du secteur public et plus d'attention de la part de mécénes qui restent encore frileux lorsqu'il s'agit d'appuyer les innovateurs.