Après un long et pénible combat contre une vilaine maladie et la mort, le grand poète, Sghaïer Ouled Ahmed a quitté, hier mardi 5 avril 2016, ce monde à l'âge de 61 ans. Il faut souligner qu'il a dû lutter plus d'un an durant contre un cancer qui avait nécessité un traitement lourd, long et pénible exigeant des radiothérapies et des chimiothérapies. Mais le mal était irréversible malgré quelques « éclaircies » dont il profitait pour écrire et... écrire jusqu'au dernier soupir. Et le dernier séjour à l'hôpital militaire de Tunis a été l'ultime en dépit de tout le courage habituel faisant, ainsi, son dernier départ laissant derrière lui une fille, Kalimat, et un garçon, Nadhem. Mais il a aussi et surtout, laissé, une œuvre abondante de poèmes et une grande réputation d'intellectuel libre et anticonformiste tout en étant un opposant farouche et auteur de nombreux combats contre la dictature et contre l'intégrisme islamiste. Dans un dernier message qu'il a écrit, lundi 4 avril peu avant 15 heures, sur sa page officielle facebook, il a fait une sorte d'adieu : «J'abandonne le monde ». Atteint d'un cancer découvert il y a un peu plus d'un an, il a subi plusieurs radiothérapies et chimiothérapies mais son état a continué à se dégrader. Il a eu des courts moments de rémission durant lesquels il a écrit et publié des livres et assisté à des hommages qui lui étaient rendus, notamment par le ministère de la Culture. On se rappellera que pendant l'été dernier et suite aux rumeurs faisant état de son présumé décès alors qu'il était dans un état très critique avant une nouvelle rémission, Sghaïer Ouled Ahmed a eu une réaction avec une re-publication d'un poème écrit en 2009, mais qui reflétait exactement son état sanitaire et psychique du moment Le poème était tellement d'actualité qu'il avait connue une large audience et fait le buzz sur la toile. Un poème émouvant écrit avec les « tripes » -et c'est le cas de le dire- et avec la flamme qu'on lui connaît et, surtout, dans son style remarquablement satirique ... Un poème qui a fait et fera date et qui donnera la chair de poule à toutes celles et à tous ceux qui le liront... Un poème écrit avec une lucidité étonnante à un moment où le virulent et subtil poète est, justement, conscient de la gravité de l'heure et de la lutte qu'il livrait pour la vie... Un poème où l'on ressent les regrets et l'amertume chez Sghaier Ouled Ahmed, mais où on retrouve l'approche philosophique bien propre au poète qui s'est toujours illustré par son originalité et son anticonformisme... Un poème qui fait plaisir par la verve du verbe, mais fait terriblement mal par la tristesse qu'il dégage... Un poème étonnant par la créativité intacte de son auteur et par cette fierté à la limite de l'arrogance qui, venant de « Ouled Hmed » est appréciée et acceptée... Un poème qui nous fait vivre un moment surréel, un moment de projection dans l'au-delà, déjà !... Un poème où le poète fait ses adieux à tout le monde avec toutes ses contradictions... Un poème qui fait dégager l'émotion dans toute sa splendeur... Un poème avec une chute à donner des frissons tellement elle est super géniale... Un poème où la chute vaut, à elle seule, mille et un poèmes avec un jeu de mots d'une finesse exceptionnelle sur le thème et le terme autour desquels tourne tout le poème : l'Adieu !... Voici, par ailleurs, une traduction intégrale de ce poème mais probablement pas tout à fait fidèle, tellement le texte original en arabe, était si imagé et jouait sur le second degré : Je fais mes adieux à l'antérieur et à l'ultérieur Je faix mes adieux au plus bas (vil) et au plus haut dans les cimes Je fais mes adieux aux origines et aux conséquences Je fais mes adieux aux manières et aux approches Je fais mes adieux aux cerfs et aux larves Je fais mes adieux embryons, aux individus et aux groupes Je fais mes adieux aux pays et aux patries Je fais mes adieux aux religions ...... Je fais mes adieux à mes plumes et à mes montres Je fais mes adieux à mes livres et à mes cahiers Je fais mes adieux aux petits délits et aux gros péchés Je fais mes adieux aux cigarettes Je fais mes adieux aux chaînes et aux restrictions Je fais mes adieux aux soldats et aux frontières ...... Je fais mes adieux au mouchoir Qui fait ses adieux aux mouchoirs Qui font leurs adieux Aux larmes qui me font leurs adieux Je fais mes adieux à...l'Adieu