La loi de finances 2017 prend forme avec l'annonce de mesures douloureuses pour tout le monde, salariés et non salariés, personnes physiques et entreprises, pour faire comprendre aux Tunisiennes et aux Tunisiens que l'ère que nous vivons, après six ans de chants de cigales, est bien celle du partage et de la « gestion de la pauvreté » et non pas celle de l'aisance ou des excédents de croissance. 32 mille millions de dinars, dont une vingtaine ira à la masse salariale (soit 13700 MD) et aux dépenses publiques combinées (soit 6500 MD) ! Les 12000 MD restants iront fifty-fifty aux budgets de développement et à la couverture de la dette dont le taux a atteint le seuil critique de 62% du PIB et dont il va falloir mobiliser d'autres emprunts extérieurs pour consolider les échéances qui pointent à nos portes. Voilà où nous en sommes arrivés et voilà le prix de la « fête » révolutionnaire que nous nous sommes payée, avec ses cortèges de grèves et ses manques à gagner, rien que pour les phosphates, de 5000 MD qui auraient pu couvrir en grande partie la dette, ainsi que les sit-in, les arrêts de travail, la fuite des capitaux et l'émigration des entreprises vers d'autres cieux et d'autres contrées moins agitées ou plutôt moins excitées ! Tout cela se paie cash et nous allons le payer en partie en 2017 ! Le gouvernement a-t-il d'autres choix que de se plier aux exigences accumulées du fait de l'indiscipline généralisée et des défis de la mobilisation excessive, aussi bien politique que sociale, où la gauche comme la droite s'en sont donnés à cœur joie pour gripper les rouages de l'Etat, qui a perdu au fil des jours, sa transcendance et ses outils de puissance publique. Le pays est passé de la « dictature » d'une oligarchie qui s'est appropriée le système politique hérité de Bourguiba, et quelques rouages essentiels de l'économie, à la tutelle des syndicats et des partis messianiques et religieux. Tout le monde en a eu pour son compte en termes de « ghanima », ou tribut de la « guerre » sociale et religieuse ! Des milliers de milliards sont allées compenser l'érosion des salaires avec des augmentations « anticipées » avant termes, puisque le gouvernement les syndicats ouvriers, et patronaux, négocient 2017-2018 et pourquoi pas 2019, ainsi que l'indemnisation de « militants » politiques ayant subi des répressions du temps de l'ancien régime, pour « hauts faits » (sic) de déstabilisation du système politique et des valeurs identitaires de ce pays. Il s'en est suivi, d'ailleurs, une prolifération par centaines de partis « d'opposition » et par milliers d'associatins de la « société civile », seules activités rentables du pays, ou comme le dirait feu ma mère « Dakhil fir rebha kharej mil khsara », puisqu'ils n'ont rien à prendre, ne payent pas d'impôts et charges et reçoivent même des subventions généreuses de l'Etat pour martyriser davantage le pays et culpabiliser ses élites, ses hommes d'affaires, ses juges, ses policiers et tous ceux qui travaillent silencieux et stoïques dans ce pays ! Le gouvernement n'a plus le choix des « bonnes armes » ni des « bonnes lois », comme le prescrit Nicolas Machiavel et sa seule « machine à sous » dont il peut actionner la mise en marche à volonté... c'est la pression fiscale... alors que les rapports mondiaux certifiés, placent la Tunisie parmi les 20 pays les plus soumis à l'impôt dans le monde. Maintenant que le mal est fait, il va falloir y aller en élargissant l'assiette de l'impôt à certaines catégories sociales réticentes depuis des décennies. Mais, il faut éviter à tout prix de faire de l'impôt une « punition collective » pour les entreprises, les professions libérales et les services. Tout est affaire de dosage positif et juste. Encore une fois, l'adage populaire : « Ne tuons pas les vaches laitières, nous risquons de ne plus avoir de lait » ! L'Etat peut reprendre par étapes son ascendant sur les corps réticents à l'impôt dans la société, surtout ceux qui vivent une certaine aisance superflue ou même arrogante. Mais, l'objectif c'est de récupérer à l'Etat sa transcendance vis-à-vis des syndicats et des « partis-Etats » qui l'ont affaibli au plus haut point. Ceci est une affaire de temps... mais surtout de tempérament. Le président de la République Béji Caïd Essebsi en sait quelque chose, lui, qui a côtoyé pendant de longues années Bourguiba. Il est vrai aussi que cette récupération de la «légitimité» suprême de l'Etat, n'est pas possible, alors que la «Démocratie» nouvelle est fragile. Dans les pays occidentaux l'Etat est soumis à la volonté démocratique des citoyens et des électeurs, mais ces mêmes citoyens et ces mêmes électeurs et leurs représentants sont soumis aux lois qu'ils doivent respecter. Or, dans notre pays, tout le monde veut le beurre et l'argent du beurre... les libertés, politiques, syndicales et religieuses, mais pas la discipline et le respect des lois. On exige des augmentations de salaires et on débraye à volonté, mais on ne respecte pas la liberté du travail et le droit des entreprises. On exige la liberté du culte, pour diffuser la culture «obscurantiste» d'un certain Islam politique, mais on refuse les mesures coercitives de protection de la société de la dérive totalitaire au nom de la «Chariaâ» et de l'Islam politisé ! Alors, après tout cela... bon appétit à tout le monde... La loi des finances de 2017 est servie... Mais, attention aux aigreurs d'estomac ! K.G