Faux problème ou fond du problème? Telle est la question qui nous vient à l'esprit en ces moments où le débat sur les contours de la nouvelle république a tendance à se réduire à la problématique de la laïcité. On parle de moins en moins du mode institutionnel à mettre en place et de la nature du régime politique à concevoir, pour axer sur la reformulation de l'article 1er de la constitution qui dans ses dispositions actuelles prévoit que la Tunisie est un pays indépendant, sa religion est l'islam, sa langue est l'arabe. Seulement, certains se déclarant de la gauche progressiste préconisent de reprendre ces dispositions en y incluant la laïcité. Et depuis, la préoccupation majeure dans les milieux sociopolitiques a été de débattre de cette question qui divise l'opinion publique en deux clans. Entre les partisans de la laïcité qui revendiquent avec force l'adoption dans toute sa dimension du principe de la liberté du culte et les hostiles à cette idée parmi les islamistes qui dénoncent des tentatives d'atteinte à l'identité nationale, la question, d'un côté comme de l'autre, prend l'allure d'un débat philosophique sur les fondements et l'étendue de la problématique sans faire avancer d'un cran le projet démocratique en cours de conception.
Pour les premiers, la laïcité ne signifie pas négation de l'identité arabo-musulmane mais constitue une consécration des valeurs de la tolérance et de l'ouverture auxquelles appelle l'Islam et ce, à travers la dissociation entre l'Etat et la religion. Pour les autres, il n y a pas lieu à cacher le soleil par le trou du tamis ; la laïcité est synonyme d'athéisme et de permissivité excessive.
Entre temps, le RCD par le biais de ses ex-dirigeants et des partis de figuration est en train de profiter pour se frayer un positionnement dans le nouveau paysage politique et peut –être parvenir un jour à accaparer la vie politique comme il a pu le faire pendant plus de 50 ans de son existence.
La sonnette d'alarme est tirée lorsque le jour même où ce parti scélérat a été dissous par décision judiciaire pour appel et recours à la violence, on nous a annoncé la création du parti de la nation fondée par le dernier ministre de l'intérieur de ZABA* . Dès cette annonce, le parti de la nation est devenu le rassemblement des anciens du rassemblement constitutionnels démocratique venus de tous les coins de la Tunisie pour reprendre leurs activités d'avant le 14 janvier.
Qui nous garantit que ce parti ne sera pas le prolongement du RCD dans ses choix et ses pratiques ? Qui nous garantit qu'il n'aura pas sa milice sachant que tous ceux qui ont appartenu au RCD sont au fait des perversités qui ont été à l'origine de sa dissolution et dont grand nombre d'entre eux ont été au cœur de cet appareil de répression ?
Certains au nom de la non exclusion , y compris ceux qui en ont été victimes, ne voient aucun mal à ce que le RCD soit maintenu sur la scène politique et l'ont même exprimé . D'autres au nom de la même logique ne trouvent aucun inconvénient à ce que les anciens du RCD créent des partis politiques et se lancent dans des alliances avec d'autres partis pour prendre part à la vie publique. Ils n'imaginent pas les dangers que peut représenter le RCD et tous ceux qui y ont occupé des responsabilités. Ils ont appris à changer de camp et d'allégeance pour être tout le temps au service de celui qui est à la tête du pouvoir fut-il le diable. Pour le manifester, ils sont prêts à tout et à n'importe quoi . Surveillance des citoyens, délation et violences contre les opposants. En contrepartie, ils se contentent de peu .Quelques largesses et quelques faveurs pour les moins ambitieux. Immunité et impunité pour les adeptes du délit et de la corruption.. Et pour les gros calibres, l'appartenance au RCD procure l'avantage d'être récompensé autrement que par le mérite, d'occuper des responsabilités de premier ordre, autrement que par la compétence et de gérer des deniers publics nonobstant la probité.
Ceux qui signent et persistent pensent que l'entrée en compétition du RCD et de ses cadres ne leur donne aucune chance d'arriver à leurs fins puisqu'ils ont été déjà rejetés par le peuple .Mais ils ne peuvent pas réaliser que le RCD sous le déguisement d'autres appellations et ses ex-dirigeants avec l'appui de certains partis nostalgiques à l'ère dictatoriale, pourra renaître de ses cendres pour se venger. Car jusque là les ex du parti pensent que ce n'est qu'une bataille et que la guerre n'est pas encore terminée. Peut-on admettre qu'ils se soient rendus à l'évidence lorsque quelques uns parmi eux annoncent ouvertement que « les tunisiens ne méritent pas la démocratie » (sic) ?
Ces dangers et ces appréhensions doivent inciter à réfléchir sérieusement sur la meilleure façon de neutraliser ce monstre qui n'est pas totalement achevé plutôt que dilapider les facultés de concertation sur une question qui n'aurait pas due être posée en ces moments cruciaux. Du reste, question qui a heurté la susceptibilité de la majorité des tunisiens pour qui l'authenticité arabo-musulmane et l'identité culturelle sont des valeurs immuables autant que les libertés et les droits de l'homme.
Comment faire en sorte que le RCD soit hors d'état de nuire ? Comment assurer l'assainissement de la place publique en la débarrassant de cet intrus ? La solution n'est pas sorcière, elle puise son fondement dans la règle de l'inéligibilité, l'inaccessibilité et l'irrecevabilité.
Politiquement tout le monde l'espère, juridiquement rien ne s'y oppose et techniquement ce sera l'affaire de l'instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution.