C'est le cas de ceux qui viennent d'être «dégagés» du pouvoir en Tunisie et qui ont échafaudé un système de corruption, inouï, un méga-racket aux proportions infinies. Il faut faire en sorte que notre avenir en soit débarrassé! Le grand écrivain américain, Ernest Hemingway avait l'habitude de dire que quand il donnait un pourboire royal à un garçon de café, il gagnait son cœur pour le restant de ses jours. Il était en quelque sorte assuré de bénéficier du meilleur service quand il s'attablait. Mais au fond à quoi renvoie un tel geste? A une démarche destinée à corrompre le serveur, car, après tout, ce dernier est payé pour ce travail par son patron. (Ici il faut exclure le cas de ceux qui ne perçoivent aucun émolument, ne vivant que des pourboires offerts par les clients, et qui peuvent, au demeurant, dépasser les salaires). C'est là un exemple de corruption, une corruption choisie et non subie, parce que le client peut bien se contenter de payer sa consommation sans y ajouter quoi que ce soit. Bien entendu, cet exemple ne porte pas à conséquence. Il appartient au registre du plaisant. Mais quand même il permet de lever un coin du voile sur un phénomène qui gangrène la société, toutes les sociétés qu'elles soient démocratiques ou dictariales, à savoir la corruption. Avec cette différente majeure que quand il s'agit d'un pays en voie de développement, la corruption peut porter préjudice à la dynamique de développement et donc au pouvoir d'achat du citoyen. Ce qui n'est pas le cas pour les grandes démocraties occidentales qui établissent des mécanismes de contrôle limitant les effets de ce fléau, mais, bien sûr, sans en venir complètement à bout, tant les circuits et les canaux empruntés sont d'une opaque complexité.
Une différence de degré Le lecteur aura compris que si nous évoquons ce thème de la corruption c'est que la Tunisie s'y est taillée un rang qui fait pâlir d'envie d'autres pays atteints de ce mal, la Tunisie de Ben Ali s'entend. Le 14 janvier nous a révélé les proportions énormes pris par ce fléau et l'ampleur des dégâts qui en ont découlé. Mais avant d'arriver au sommet de la pyramide socio-économique-politique du pays où la corruption a connu son âge d'or dans notre pays, il y a lieu de relever que souvent le Tunisien est appelé à rendre service à quelqu'un dans l'espoir, conscient ou inconscient, qu'il lui rendra la pareille quand l'occasion en présente. Souvent une intervention auprès d'une personnalité agissante au profit d'une connaissance dans une mauvaise passe peut valoir des espèces sonnantes et trébuchantes ou bien un cadeau d'une certaine valeur. N'est-ce pas là une forme de corruption, une corruption que nous avons des scrupules à la nommer comme telle? Dans le milieu scolaire, un coup de pouce accordé au passage d'un gamin d'une année à une autre peut procurer quelque satisfaction matérielle. Dans le domaine commercial ou administratif faciliter par exemple l'obtention d'un document nécessaire ou même écourter la période de sa remise, etc. Peut s'accompagner d'une petite somme rondelette que le bénéficiaire glisse discrètement dans la poche de son «bienfaiteur». Ce sont là de petites formes de corruption qui sont tolérées dans les pratiques courantes et qui ne suscitent pas chez le citoyen des drames de conscience. Et pourtant, il n'y a qu'une différence de degré entre ces pratiques et les formes qui brassent des milliards. Elles obéissent toutes à la même définition à savoir que la corruption consiste à soudoyer quelqu'un pour qu'il agisse contre son devoir, c'est-à-dire contre sa conscience. La corruption c'est en définitive l'achat de la conscience de l'Autre. Pour les gens simples le corrupteur est un suppôt du Diable, lequel est le corrupteur suprême. Et en même temps on met dans le même sac le corrompu, aussi condamnable que l'autre.
Les 50% dus au chef de l'Etat Ce genre de considérations morales étaient-elles présentes à l'esprit du président déchu, de son épouse et de leur parentèle quand ils ont fait de la corruption un redoutable système qui agit à tous les niveaux de la vie du pays? Pour eux est en effet, permis de spolier, de déposséder, d'appauvrir de mettre sur la paille quand on détient la puissance et l'argent. Pour eux, un tel comportement relève de l'ordre naturel des choses. Pour peu ils se sentiraient investis d'une mission divine comme l'a été le brave Bush qui, disait-il, recevait les injonctions du Ciel. Et c'est ainsi que, par le biais de la corruption, ils nous ont légué un pays exsangue, incapable de réagir sainement aux coups du sort. Cette œuvre de destruction, ils l'ont entreprise en grand. Je ne sais s'ils connaissaient les thèses de certains économistes qui affirment qu'une pinte de corruption ne ferait pas de mal à l'économie d'un pays. Elle permettrait d'huiler certains mécanismes, hâter la réalisation d'accords et de contrats et gagner ainsi un temps précieux. Mais de là à faire de la corruption un méga-racket, passant outre tout entendement, cela ne peut être que mortel pour l'économie et, par un juste retour de manivelle, fatal pour eux. Méditent-ils ces vérités maintenant qu'ils s'apprêtent à affronter la justice des hommes? Quand on voit un chef d'Etat exiger sur toute transaction, tout projet juteux, 50% des bénéfices on se dit que le Tunisien est vraiment un damné des dieux pour être logé dans cette planète de tous les excès, de tous les dangers. En fait, les Ben Ali et les Trabelsi ont peaufiné un système qui repose sur ce que l'on peut appeler la culture de la corruption. Et qui existe, comme nous l'avons vu plus haut, au niveau de tous les rouages de la société. Il est difficile à éradiquer mais pas impossible. La Tunisie nouvelle aura désormais à œuvrer pour que cet agent pathogène soit peu à peu extirpé de la conscience des gens par l'exemple, la persuasion et aussi par le châtiment. Certaines voix laissent entendre que ce système continue actuellement à fonctionner et qu'il urge donc de prendre les mesures qui s'imposent afin que l'avenir de notre pays soit débarrassé de cette noirceur. Peut-être pas d'une façon radicale mais au moins pour une grande part.