Un monceau de bois vert a été lancé sur Mehrzia Labidi, vice-présidente de l'ANC, pour avoir rencontré une délégation de prostituées, représentant le bordel de Sousse que les autorités judiciaires ont fermé pour des raisons parait-il de sécurité, après actes de pillage et de saccage commis par des présumés salafistes, il y a 18 mois. Après avoir manifesté devant l'hémicycle, les femmes que le langage plutôt décent qualifie de petite vertu étaient venues remettre une lettre, signée par 120 prostituées, exposer leurs cas et faire part de leurs doléances et requêtes. Elles ont revendiqué notamment la réouverture de leur commerce à Sousse, signalant qu'après ladite fermeture, les femmes en question, évincées de leur lieu de travail et de leur source de revenu, sans contrôle sanitaire ni sécuritaire, ne mendient pas l'aumône mais réclament de retrouver leur gagne-pain. Mises au chômage technique contre leur gré, elles n'ont pas trouvé mieux que l'instance constituante pour demander à se rétablir dans leur quartier. Après tout, elles exercent sous la couverture de l'Etat et disposent d'une autorisation de s'adonner à ce type de commerce, elles paient certainement leurs impôts. Donc, si on situe la question sur le plan strictement légal, la fermeture de leur quartier de prostitution bafoue le droit, étant non réglementaire. Après tout, et quel qu'en soit le regard avec lequel la société les toise ou la levée de boucliers que les riverains ou les puritains préfèrent brandir, ces femmes, que les disparités d'ordre social, économique et éducatif, voire même culturel ont contraintes à faire le commerce de leurs corps, ont leur propre dignité et leur propre vision. La prostitution n'est donc pas un choix mais une contrainte, c'est le produit d'une société où la chose sexuelle est à la fois sujet de tabou et objet d'engouement. La course à la « bonne chair » existe depuis la nuit des temps. C'est le sempiternel combat entre l'instinct et l'intelligence, entre le besoin certes libidinal mais humain et l'ordre moral. Offrir son corps dans les maisons closes pour vivre ou se nourrir de vols, d'escroqueries et d'impostures ? Voilà le clou de la question. Quel acte est plus avilissant ?! Prostituée déclarée en plein jour ou pute de la république dans le noir ? Racoler sur les trottoirs ou prostituer le verbe et la plume ? Lequel assume et s'assume le plus ? En tout cas, il est plus respectable de vendre ses charmes devant tout le monde, sous l'œil superviseur de l'Etat, que de rivaliser de magouilles, en catimini, dans l'obscurité, pur faire main basse sur les portefeuilles publics ou privés. Certes c'est un point de vue, il vaut ce qu'il vaut, mais la respectabilité n'est pas donnée à n'importe qui. Abstraction morale faite, tout compte fait, elles gagnent leur vie à la sueur de leur front (pas exactement le front, mais bon !). Elles n'en sont pas moins être humains, citoyennes, électrices, disposant de leurs droits civiques et de leurs facultés de libre arbitre. Elles ont leur propre fierté et leur propre orgueil, n'en déplaise aux moralisateurs de tout bord et aux redresseurs de tort. Problème d'emploi ou couperet moral ?? Le plus vieux métier du monde, qu'aucune religion ou civilisation ou société n'a pu combattre ou enrayer, est dans l'œil du cyclone depuis la révolution. Bien qu'elle soit encadrée par l'Etat et suivi à la culotte (c'est le cas de le dire) par les services compétents du ministère de la Santé. Elles sont donc répertoriées, identifiées et localisées dans un périmètre bien connu. La prostitution est non seulement un corps de métier (ou corps tout court) qui nourrit de nombreuses familles et qui se targue de jongler avec un bon chiffre d'affaires, d'autant plus que le commerce est généralement plus florissant autour des quartiers. Sur un autre plan, la prostitution reste également un facteur d'apaisement social dans la mesure où elle permet le défoulement d'une bonne frange de la société, ravalée et réprimée dans sa sexualité, donc grandement frustrée sur le plan épicurien. Historiquement, la prostitution est une affaire juteuse de gros sous. Sans argent, il n'y a pas de prostitution. L'exemple de la cité grecque Sparte est très édifiante, ville où la prostitution n'a jamais pris racine car, selon l'historien romain, d'origine grecque, Plutarque, il n'y a ni monnaie d'échange ni métaux précieux à Sparte. Pour les pourfendeurs de la prostitution, la solution est toute prête, pour peu qu'ils consentent à sacrifier leurs sonnantes et trébuchantes. Pense-t-on ?! N'a-t-on pas réfléchi une orpheline seconde que, chassées de leurs quartiers de prostitution, les filles de joie (doux sobriquet sans péjoration) se recycleront ailleurs, à la rue, dans la clandestinité, sans contrôle, sans sécurité, sans soins sanitaires ni hygiéniques. Et là bonjour les MST (Maladies Sexuellement Transmissibles), bonjour les réseaux proxénètes. N'est-il pas inconséquent, voire irresponsable, de vouloir éradiquer un métier plus vieux que le monde en risquant, en connaissance de cause, d'exposer une frange de la population, la jeunesse surtout, à une contamination en chaine sinon à une large épidémie ? Au lieu de mieux organiser et encadrer ces lieux de prostitution pour mieux protéger tant les prestataires de services que les clients, les autorités compétentes, figées vraisemblablement derrière leur prisme moral et sécuritaire ont favorisé la solution la plus simple, et manifestement la plus insalubre et la moins Jusqu'à preuve du contraire, la prostitution a toujours vaincu ses détracteurs et ses adversaires, a accompagné l'histoire humaine. Si la prostitution a la peau dure c'est tout simplement parce qu'il y a eu toujours une forte demande à satisfaire. Rapport entre l'offre et la demande, loi économique oblige. Si un jour la demande faisait complètement défaut (utopie à deux balles), la prostitution s'autodétruirait d'elle-même. Mais il est pratiquement chimérique qu'un tel postulat soit un jour vérifié sur le terrain. De toute évide et toute logique, les lupanars fera long feu et de vieux os. Sa descente en enfer n'est pas pour demain. A moins que l'Etat, dans sa bonté charnelle, instaure, à grande échelle et d'une manière légale, la fameuse et hypothétique institution, d'obédience certes chiite, de « Jawaz El Motaa » (mariage éphémère conclu, d'un commun accord, juste pour le plaisir sexuel), auquel cas toutes les braguettes en mal de fièvre et en chaleur trouveraient leur compte. Toutefois, cette pratique, même légalisée et autorisée par le clergé, reste une forme déguisée de prostitution. Donc, cas de départ ! En conclusion, il y a lieu de préciser (pour les éventuels et non moins possibles esprits tordus) qu'il ne s'agit point là, loin s'en faut, de faire l'apologie de la prostitution, il est question de bon sens, de droit et de gagne pain. Comme manger ou boire, le sexe est un besoin naturel, un appel de la chair, on l'assouvit comme on peut. Ne pas oublier qu'en Tunisie la prostitution, en maisons closes, bénéficie d'un statut légal. Dans ces conditions, elle n'est pas interdite de droit. Par contre, toute autre déclinaison est prohibée, comme le racolage, la prostitution clandestine, le tapin, l'esclavage sexuel.