C'est une photo qui circule depuis deux jours et qui divise l'opinion publique… Il s'agit d'une photo publiée sur les réseaux sociaux par une personne de la région, qui montre les habitants de Aïn Soltane en train de brûler des vêtements. « Ce sont les vêtements des aides, des aides qui font honte » raconte le commentaire qui accompagne la photo. Des vêtements déchirés et sales… « Venez vous promener dans la région, nous serons contents de vous accueillir, mais ne ramenez plus ce genre d'aides. D'ailleurs la pauvreté est partout, votre voisin en a peut-être plus besoin. Vous êtes les bienvenus… celui qui veut faire du bien, doit rester discret » ajoute l'auteur du commentaire. Depuis plusieurs années et à chaque vague de froid, les Tunisiens voulant faire preuve de solidarité, font des collectes de nourriture ou de vêtements usés à destination des régions les plus défavorisées et les plus touchées par le froid. Ces caravanes d'aide partent pour le NO ou le centre, font l'objet d'une sur médiatisation avec des quantités importantes de photos et de vidéos. Partant d'une bonne intention, ces dons sont supposés aider des gens vivant dans la précarité à combattre le froid. Toutefois ces aides sont ponctuelles Alors que la précarité dure. Des droits pour les pauvre et non de la pitié "Les personnes vivant dans la pauvreté n'ont pas besoin de pitié ou de promesse, a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d'Amnesty International. Elles ont besoin que leurs droits soient respectés. C'est la seule manière pour en finir avec les injustices, conséquences de violations des droits humains par les gouvernements et les entreprises". Cette déclaration a eu lieu en 2010 quand Amnesty International a entrepris de sensibiliser l'opinion publique à l'importance des droits sous le slogan : "PAS DE PITIE POUR LES PAUVRES, DES DROITS". En Tunisie, les citoyens se sont levés en 2010 contre les injustices, le népotisme et la corruption, le slogan porté alors était « Travail, liberté, dignité national ». Six ans plus tard le même slogan est toujours d'actualité et les régions marginalisées fragilisées, dénoncent toujours les conditions précaires, les inégalités sociales, le chômage et la continuité des politiques injustes envers elles. Le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions La volonté du Tunisien d'aider son proche, d'être solidaire, d'assister les personnes qui souffrent n'est pas à remettre en question. Mais ce proche a une dignité et des droits… les mêmes droits que ceux qui veulent l'aider. Et ces actions ne doivent en aucun cas se substituer aux mesures réelles et efficaces qui doivent être prises par les autorités en vue de réduire les écarts et d'éradiquer le pauvreté. Elles ne doivent pas ancrer une culture de l'injustice où chacun joue un rôle qui lui est attribué : les plus aisés donnent, les pauvres reçoivent... Car, ne l'oublions pas, actions d'aide contribuent parfois à creuser le sentiment d'injustice et quand elles sont accompagnées d'un show médiatique elles portent atteinte à la dignité des personnes. Quand l'action ressemble à un vide-grenier où l'on se débarrase d'un surplus de vêtement et d'objets inutiles, cela devient humiliant. Dans la constitution tunisienne, les citoyens sont tous égaux et ont droit à une vie digne sans discrimination. Alors, ne s'agissant nullement d'être indifférent et, en attendant que les gouvernements qui se succèdent daignent tenir leurs promesses, les actions de solidarité devraient veiller à ne pas porter un coup à la fierté des gens… Article 21 de la Constitution Tunisienne : Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination. L'Etat garantit aux citoyens les libertés et les droits individuels et collectifs. Il veille à leur assurer les conditions d'une vie digne.