J'avoue avoir pour M. Ben Abbes, secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères chargé des Affaires de l'Amérique et de l'Asie et membre du bureau politique du CPR, un respect certain pour ses qualités apparentes d'homme serein, amical et rationnel. Sans doute bien rôdé aux comportements civilisés où il se mouvait pour la gestion de ses affaires parisiennes. On raconte qu'un jour la petite histoire l'avait mis sur le chemin de Moncef Marzouki, ou c'est peut-être l'inverse. L'après janvier 2011 s'est chargé après de transformer la petite histoire en un événement de la Grande Histoire, faisant de M. Ben Abbes ce qu'il est et, pour sûr, ce n'est démérité ni pour la Tunisie ni pour le secrétaire d'Etat. Depuis qu'il est au bureau central du CPR, M. Ben Abbes s'est souvent trouvé dans sa logique de parti, parfois contraire à toute logique. Ainsi font les partis de leurs cadres les plus crédibles. C'est dans l'ordre des choses et ni M. Ben Abbes ni le CPR ne sont étrangers à cette logique, apparemment structurelle dans tous les partis politiques. Là où on a un certain regret, c'est quand un tel cadre qui peut donner un surplus de crédibilité à son parti, se laisse voiler les yeux, par animosité peut-être, sur certains éléments qu'il ne prend même pas la peine de vérifier. C'est en tout cas le sentiment que j'ai eu à l'écouter sur Mosaïque FM répondre à une question se rapportant aux sondages plaçant Béji Caïd Essebsi en tête de leurs résultats. D'abord Ben Abbes s'est tout de suite fixé sur la question d'une candidature de BCE à l'élection présidentielle, ce qui, à ma connaissance, n'a jamais été donné comme éventualité par le concerné lui-même ni par son parti. Mais là n'est pas la question ! Le vrai problème, c'est quand M. Ben Abbès trouve ses arguments dans « la Constitution » qui limite à 75 ans l'âge des candidats à la présidentielle. Là, on se demande si l'éminent cadre du gouvernement et d'un parti au pouvoir sait que l'ancienne constitution est suspendue et que nous avons une assemblée constituante qui s'applique à nous en fabriquer une autre, si Dieu veut ! Par son argumentation, M. Ben Abbès a fait table rase des élections du 23 octobre 2011, de l'ANC et de toutes ces personnes qui s'exténuent à hausser la voix pour qu'on n'oublie pas qu'ils sont là. Il a peut-être aussi, indirectement, fait abstraction de la « révolution » elle-même. Elle est bien pernicieuse la logique des partis ; quand on y est, on finit par perdre une bonne part de ce qu'on est.