Avant le dernier remaniement du gouvernement, nous étions parmi les premiers et les plus soucieux à déplorer le rôle et l'importance vraiment précaires du ministère à la charge de M. Kamel Jendoubi, un homme d'une expérience certaine de la vie associative et des questions liées à la société civile. Cela nous désolait tellement qu'on avait l'impression, à la veille du remaniement, que le ministre avait plus la charge d'un pan de la communication de la présidence du gouvernement que celle de l'objet propre à son portefeuille. On était donc heureux de le voir reconduit à la tête d'un ministère à la mesure des attentes de la société civile et des ambitions de la Tunisie à développer vite et bien la dynamique de démocratie citoyenne. Cette mission fondatrice, comme il nous a été donné de la souligner auparavant, devrait commencer par le dossier des associations pour tout l'apport que celles-ci peuvent avoir à cette dynamique de démocratisation de la société, mais aussi pour tous les dangers que le moindre dérapage occasionné par les associations ou contre elles peut amener, avec un impact et des incidences des plus déplorables. Ainsi, lors de la première année du gouvernement Essid, nous n'avons pas manqué de rappeler la promesse de M. Béji Caïd Essebsi, quand il n'était que candidat à la Présidence, de réviser de près la question des rapports aux associations et à leur financement public, surtout les associations culturelles et scientifiques largement lésées sur ce plan depuis 2011. En effet, alors que des associations à objets sociaux, sur leurs statuts fondateurs, profitaient à flots d'un argent suspect, les associations culturelles et scientifiques étaient – sont encore – soumises à des contraintes administratives et à l'obligation de fournir régulièrement une masse de documents à tous vents pour une petite pacotille ne pouvant couvrir parfois même pas leur gestion courante, que dire alors de leurs activités diverses. C'est dire que l'institution du nouveau portefeuille attribué à K. Jendoubi était une idée pertinente ; restait alors à voir ce ministère s'organiser convenablement autour des priorités civilisationnelles qu'il est appelé à favoriser et à conforter. Autant le dire tout de suite, la mission fondamentale de ce ministère est de mettre en place les mécanismes efficients permettant de démocratiser, au vrai sens du mot, la société tunisienne. La démocratiser, c'est inscrire sa conscience démocratique dans sa culture et dans son mode de vie ; c'est aussi l'enraciner dans l'intelligence interrogative et dans la relativisation des vérités ; c'est donc aider à l'épanouissement intellectuel et à la quête et la communication du savoir et de la connaissance, toujours dans le sens de la relativisation des choses. C'est pourquoi les associations de cette nature sont à privilégier (discrimination positive !) au détriment même de certaines actions à couverture sociale ne cherchant au fond que la manipulation politique et l'embrigadement des citoyens. Non qu'il faille se détourner des actions sociales de solidarité, mais celles-ci doivent plus que toutes autres se réaliser sous le contrôle strict de l'Etat et, au besoin, en partenariat avec lui, dans l'esprit d'une politique sociale ne perdant pas sa cohérence au profit de l'anarchie des actions spécifiques (Une grande réflexion est à engager à ce propos). Ce matin du mardi 2 février 2016, je me suis réveillé sur une information lue sur la page facebook de « mon ami » Kamel Jendoubi. On y annonce une rencontre autour du financement public des associations. J'en étais heureux et je me suis dit qu'il faut y aller avec un dossier conséquent, au vu au moins de mon expérience de la vie associative depuis un tiers de siècle. Grande déception ! L'action se déroule le jour-même à 9 heures du matin. Vous imaginez ma réaction, comme celle de certains commentateurs du statut du ministre sur sa page ! Pour l'essentiel, on se demande s'il y a un mode concret de communication avec le ministère en question et l'on regrette que l'information n'ait pas circulé assez à l'avance. Sincèrement, à lire le programme, on se demande si on est vraiment sorti de la petite logique des salons privés et des interventions de complaisance ou de restriction des perspectives au nom de spécialités pour le moins discutables. S'il s'agit d'une petite réception du ministère en l'honneur de quelques amis ou partenaires spécifiques, on le comprend et il aurait fallu lui donner le nom qu'il fallait. Mais s'il s'agit d'un projet allant engager le destin de milliers d'associations, on est désolé de souligner à l'attention de M. le Ministre : «Non M. Jendoubi, on travaille autrement pour/avec les associations ! ».