«Non. Cette crise ne doit pas être interprétée comme la faillite du libéralisme économique ni des politiques libérales ou néolibérales menées un peu partout dans le monde, au début des années quatre-vingt-dix, à la faveur de la déconfiture idéologique du rideau de fer et de la décomposition de l'idéal égalitariste chez les élites socialisantes, sonnées, à l'époque, de constater la fin des repères traditionnels, issus, pour la plupart, des conséquences de la 2ème Guerre mondiale», nous dit Monsieur Hamadi Ben Sedrine, membre du bureau exécutif de l'organisation patronale(l'UTICA), chargé du volet social, en marge des journées de partenariat tuniso-saoudiennes, organisées le 22 décembre 2008, dans l'un des hôtels de la banlieue nord de Tunis, à l'initiative du Centre des Jeunes Dirigeants d'Entreprise, pour qui, cette débâcle du système capitalistique, témoignage des excès périodiques des acteurs mondiaux de la finance, offre un magnifique cadeau aux populistes de tous bords, aux tenants du recours obsessif à l'Etat mamma et aux pourfendeurs de l'économie de marché dont l'histoire millénaire, insiste notre interlocuteur, est une série ininterrompue de réajustements internes, d'adaptations continues au service de la productivité, de la croissance et de la liberté de l'homme. Tous les hommes d'affaires tunisiens ou saoudiens, apostrophés pendant la pause café, ont unanimement stigmatisé les opérations spéculatives, l'avidité des traders et le délire euphorique d'un capitalisme dévoyé, responsable, à leurs yeux, de l'émergence, à l'échelle planétaire, d'une économie de casino qui va certainement, insistent-ils, creuser, pendant quelques temps, ses gouffres, ses misères et ses cohortes de citoyens sinistrés. Critique de longue date d'un système financier d'inspiration anglo-saxonne, proliférant, excessif, illimité, permettant aux banques de s'endetter au-delà du raisonnable, un membre du Centre des Jeunes Dirigeants d'Entreprise, apparemment familier des milieux d'intermédiation du Nord, ne s'étonne guère des derniers rebondissements mondiaux et considère les faillites comme faisant partie d'un processus économique naturel qui permettra, dans un premier temps, prédit-il, d'assainir la situation, puis de redimensionner le marché boursier et de replacer le secteur industriel au cur de l'ordre marchand international et non pas l'inverse, comme c'est le cas outre-Atlantique. Finalement, tous s'accordent à faire le procès de la spéculation et ses incidences dramatiques sur l'économie réelle, mais en Tunisie, déjà, des franges non négligeables de l'intelligentsia, des syndicats de base et de l'opinion publique en général, devant le spectacle d'une ingénierie financière internationale prédatrice, perverse, nombriliste, vedettisée à l'extrême, mettant en péril la croissance mondiale et la paix sociale dans les régions précarisées de la planète, réclament un retour en force de l'Etat dans le processus de développement du pays, rendent le modèle libéral, en vogue depuis des décennies, responsable de la précarité de l'emploi (30 mille postes de travail sont menacés dans le secteur de l'off shore à cause de la crise financière), de la persistance du chômage et appellent les dirigeants du pays à prioriser, plus que jamais, la coopération sud-sud afin d'éviter les dictats marchands du Nord, à hiérarchiser les priorités en investissant dans les grands chantiers d'infrastructures et d'aborder par la réforme une version désamiantée, restaurée d'un modèle de croissance alternatif, fondé sur le souci du long terme et la valorisation de la réussite collective.