«C'est un sujet délicat qui ne laisse personne indifférent», soulignait récemment M. Chakib Nouira, lors d'un Workshop organisé par l'Institut arabe des chefs d'entreprise (IACE) sur la rémunération des dirigeants sociaux. M. Abdelwaheb Ben Ayed semble quant à lui regretter presque de l'avoir fait (il a été parmi les rares dirigeants des entreprises cotées à la Bourse de Tunis à avoir déclaré sa rémunération au titre de l'année 2008), estimant que "la vrai transparence c'est rapporter la masse salariale aux bénéfices pour en tirer un ratio significatif". Depuis leur publication, ces nouvelles dispositions légales n'ont pas fini de secouer le monde des dirigeants des sociétés cotées, avec en prime des interprétations contradictoires. Certains considèrent, en effet, qu'il n'est pas obligatoire pour les dirigeants de divulguer leurs rémunérations et qu'ils n'encourent aucune sanction; alors que d'autres ont estimé que cette obligation n'est applicable que dans le cas de nouvelles décisions ou de modifications des rémunérations des principaux dirigeants. Ces nouvelles dispositions ont, par contre, sérieusement inquiété les Commissaires aux Comptes sur qui incombe la responsabilité de déclarer la rémunération des dirigeants de l'entreprise dont ils valident les comptes. Ils ne comprennent pas pourquoi on leur confie la charge de révéler les salaires des dirigeant, tout en soulignant que les textes arabes et la traduction française aboutissent à des lectures différentes du caractère obligatoire ou non de l'obligation de déclaration. L'Ordre des Experts Comptables de Tunisie (OECT) a finalement décidé de trancher et met ainsi fin à tous ces débats qui ont alimenté la place de Tunis depuis plusieurs mois et notamment ces derniers temps à la veille du démarrage des publications des rapports d'activités de l'exercice 2009, en prenant position et en publiant une note d'orientation sur les diligences du Commissaire aux Comptes en matière de rémunération des dirigeants. Cette note stipule clairement que "le commissaire aux comptes d'une société est invité à présenter à l'assemblée générale des actionnaires un rapport spécial dont le contenu doit donner une description des obligations et engagements pris par la société elle-même ou par une société qu'elle contrôle au sens de l'article 461 du Code des Sociétés Commerciales au profit de ses dirigeants au cours de l'exercice de leurs fonctions et non pas uniquement lors de la cessation ou de modification de leurs fonctions. La description doit porter sur toutes les catégories de rétributions". D'ailleurs, et à cette date, les premiers rapports d'activité publiés par les entreprises cotées à la Bourse de Tunis ont effectivement inclus dans les rapports spéciaux l'information sur les rémunérations de leurs principaux dirigeants. C'est notamment le cas de la société ADWYA ou de Modern Leasing, dont les rapports spéciaux de l'exercice 2009 comportaient ces informations sur les rémunérations ainsi que sur les avantages en nature accordés à leurs dirigeants. Ainsi, le directeur général de la société ADWYA a bénéficié au cours de l'exercice 2009 d'une rémunération nette annuelle de 65.000 dinars, d'une voiture de fonction et de 3.600 dinars en frais de carburant. Le président du conseil d'Administration d'ADWYA, dans le cadre d'une mission de consultant, d'une indemnité de 50.000 dinars par an hors taxe. Le total des rémunérations des dirigeants de la société ADWYA représente 2,18% de la masse salariale 2009 et 2,71% du résultat net de l'exercice ou encore 0,23% du total produits d'exploitation de cette même période. Pour Modern Leasing, le Directeur Général a bénéficié d'une rémunération brute totale de 65.180 dinars, d'une voiture de fonction et bénéficiera d'une prime d'intéressement fixée par le conseil d'administration. Le DGA, quant à lui, a bénéficié, au cours du même exercice, d'une rémunération brute totale de 49.067 dinars, ainsi que d'une voiture de fonction. Le total des rémunérations de ces deux dirigeants représente 11,07% de la masse salariale de l'entreprise, 4,55% du résultat net et 2,59% du total Produits Nets de Leasing. Des statistiques réalisées par M. Ahmed Ben Jemma et portant sur le secteur du leasing ont d'ailleurs montré que les salaires les plus importants dans les sept sociétés de leasing ayant lancé des emprunts représentent 2% en moyenne des produits nets de leasing, soit entre 100.000 et 370.000 dinars par an. La divulgation des salaires des dirigeants, selon certains experts, ne devrait pas être prise avec autant d'inquiétude, estimant que cette information participe au développement d'une culture de transparence et considèrent qu'à la longue cette information finira par se banaliser, tout en soulignant que la rémunération n'est pas la question posant problèmes.