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Rached Khiari, là où la cavale s'arrête, la justice commence
Publié dans Business News le 04 - 08 - 2022

Très joli coup de filet de la brigade judiciaire de la Garde nationale qui a procédé, hier mercredi 3 août, à l'arrestation du plus célèbre fugitif, le député islamiste radical Rached Khiari. Condamné à deux ans de prison et faisant l'objet de quatre mandats de recherche, il a été attrapé dans un café de l'Aouina (banlieue nord de Tunis) en compagnie de sa collaboratrice. Avec cette arrestation, la Garde nationale met fin à une cavale qui dure depuis plus d'un an.
Que reproche-t-on à Rached Khiari, quel est son parcours ? Pourquoi y a-t-il très peu de voix pour le défendre ?

Né le 3 avril 1983 et résidant dans le quartier de classe moyenne de la Manouba, Rached Khiari était totalement méconnu avant la révolution de 2011. Il gagnait sa vie en nocturne grâce à sa troupe de Soulamiya (chants religieux). Il n'a de parcours académique connu et on ne lui connait aucun militantisme sous l'UGET (gauche) ou l'UGTE (islamiste) les deux organisations syndicales estudiantines en Tunisie. Parfois, il prétend être diplômé de la faculté des sciences juridiques (d'après sa page officielle sur Facebook), parfois il prétend être diplômé en études islamiques (d'après sa page Wikipédia et ses propres propos sur Zitouna TV).
Ce n'est qu'après la révolution que son nom est sorti au grand jour avec le lancement de son journal en ligne Essada, un titre plagié sur le bihebdomadaire trentenaire de Dar Assabah, disparu juste au lendemain de la révolution. Son média connut un rapide succès, avec plusieurs dizaines de milliers de visiteurs quotidiennement, grâce à une ligne éditoriale très claire : le site est ouvertement islamiste, farouchement anti-laïcs, anti destouriens, anti nationalistes arabes, antisémite et anti chiites.
Autodidacte par excellence, Rached Khiari n'a aucun diplôme ou expérience journalistique antérieure à Essada. Cela ne l'a pas empêché pour autant de se prétendre journaliste, bien qu'il n'ait jamais obtenu la carte de presse officielle (l'unique qui permet à son détenteur de se déclarer journaliste), ni même celle du syndicat national des journalistes tunisiens.

Les grandes télés lui offrent une véritable tribune
N'empêche, il crie être journaliste sur tous les toits et c'est à ce titre qu'il a pu accéder aux émissions télé et radio, invité par les animateurs qui font les plus grandes audiences du pays, notamment Naoufel Ouertani, Samir El Wafi ou encore Zouhaïer El Jiss. Sa chaîne préférée demeure cependant la Zitouna TV, chaîne islamiste pirate, où il s'exprime librement chaque fois qu'il le désire.
Rached Khiari profite de cette audience pour se tailler une image d'un islamiste radical qui prône une politique ferme et d'exclusion à l'encontre de tout ce qui n'est pas islamiste. Pour lui, la Tunisie est un pays musulman et tous les citoyens doivent se soumettre aux lois de la chariâa. Pour lui, il ne saurait y avoir de place dans « sa » Tunisie pour les chiites, les laïcs, les francophones, les corrompus, les contre-révolutionnaires, ceux qui veulent normaliser avec Israël, les bourguibistes, les azlem (figures de l'ancien régime de Ben Ali) et, en général, tous ceux qui ne lui ressemblent pas.
En 2014, avec les Yassine Ayari, Imed Deghij, Recoba, Maher Zid et plusieurs autres jeunes figures autoproclamées révolutionnaires, il se mouille la chemise pour le président sortant Moncef Marzouki. Avec elles, il a multiplié les publications abjectes contre le candidat laïc de l'opposition républicaine Béji Caïd Essebsi en usant des moyens les plus vils et les injures les plus basses.
Ce discours radical, transmis sur des chaînes à grande audience et autorisé par des animateurs les plus célèbres, a permis à Rached Khiari de se faire une grande popularité chez les islamistes, notamment les jeunes et les radicaux. De quoi cultiver, chez lui, un grand ego au point qu'il s'est cru des destinées d'une grande figure politique nationale.
Son modèle est incontestablement Recep Tayyip Erdoğan qui a su reprendre la Turquie aux laïcs et l'islamiser. Sans vergogne, il s'est drapé de l'étendard turc pour aller crier victoire devant l'ambassade de Turquie en Tunisie après l'échec du putsch contre Erdoğan en 2016.

Pour l'entame de sa carrière politique, il se verrait bien chez Ennahdha, mais Ennahdha le voyait mieux chez la coalition Al Karama menée par l'autre islamiste radical Seïf Eddine Makhlouf. Cette entité a été fabriquée de toutes pièces par Noureddine Bhiri avant les législatives de 2019 pour être un véritable pare-chocs aux islamistes. Al Karama devait servir à attaquer les adversaires d'Ennahdha en usant de moyens radicaux. Ainsi, Ennahdha parait comme un parti islamiste modéré comparativement à Al Karama.
L'entité créée par Seïf Eddine Makhlouf a rassemblé des dizaines de personnes, fort connues pour leur radicalité et/ou leur indécence sur les réseaux sociaux ou dans les mosquées, à l'instar de Maher Zid, Zied El Hachemi, Abdellatif El Aloui, Imed Deghij, etc. Il y en a même qui prêchaient ouvertement pour l'envoi de Tunisiens en Syrie pour faire le djihad, à l'instar de Mohamed Affes ou Ridha Jaouadi. C'est donc le plus naturellement possible que Rached Khiari trouva place dans cette famille politique et il s'est ainsi présenté comme candidat d'Al Karama pour la Manouba.
Pour sa campagne, il a dessiné le tableau avec de multiples déclarations de ce type : « Je suis prêt à condamner à mort Abir Moussi et tous ceux qui portent son idéologie criminelle, si jamais j'arrive au pouvoir ».
Noureddine Bhiri et Seïf Eddine Makhlouf ont vu juste, le discours radical a porté, El Karama a réussi à attirer quelque 169.651 électeurs et 21 sièges (sur 217) au parlement aux législatives d'octobre 2019.
Dès le premier jour, à l'assemblée, le manège commence avec les députés d'El Karama. Rached Khiari quitte son siège pour empêcher El Wataniya de filmer en direct Mme Moussi. Il joue la provocation en opposant le signe de « rabaa » devant la caméra.

Electron libre
L'alliance avec Al Karama ne dura cependant pas longtemps. Rached Khiari n'était pas très d'accord avec la « discipline » imposée par son président Seïf Eddine Makhlouf dans le groupe. Il a toujours été électron libre et il tient à le rester. En dépit d'un engagement ferme signé sur un document rendu public durant la campagne, Rached Khiari a démissionné du groupe parlementaire d'Al Karama, moins de deux mois après son élection.
Mains libres, il s'est de nouveau lâché dans le discours haineux légendaire. Commentant les funérailles de la militante Lina Ben Mhenni, il déclara souhaiter la mort à ces femmes présentes aux obsèques pour porter le cercueil.
Il crée un véritable tollé en octobre 2020 après l'assassinat crapuleux de Samuel Paty, enseignant français tué par un extrémiste islamiste parce qu'il a montré, à ses élèves, des caricatures du prophète Mohamed. « Porter atteinte au prophète est l'un des plus grands crimes et celui qui l'ose doit assumer ses conséquences, qu'il soit Etat, individu ou groupe » a écrit l'«élu » du peuple, dans un post sur les réseaux sociaux.
Depuis, il ne se passait quasiment pas un jour sans que Rached Khiari ne publie un post Facebook injurieux ou un article tendancieux et diffamatoire à l'encontre de ses très nombreux adversaires politiques. Être à la solde de la France ou de l'Iran demeure, cependant, son accusation préférée. Elle est valable à toutes les sauces.
En mars 2021, ne se suffisant plus des simples écrits polémiques et provocants, il s'autoproclama député-journaliste d'investigation se spécialisant dans les fuites. C'est ainsi qu'il enregistra à son insu le député d'Attayar Mohamed Ammar dans le domicile de ce dernier. M. Ammar cherchait alors à collecter des signatures pour faire tomber le président de l'assemblée Rached Ghannouchi. Il en a fait carrément un feuilleton quotidien avec, chaque jour, la publication de courts extraits subtilement montés. Il a fallu qu'un juge d'instruction prononce l'interdiction ferme des publications pour que Khiari arrête son manège. C'était tellement bas que l'écrasante majorité des médias s'est refusé de diffuser ces enregistrements, voire même d'en parler.
Après Mohamed Ammar, Rached Khiari s'en est pris au député islamiste d'Ennahdha Imed Hammami, qu'il accusait de corruption ou encore au député Fayçal Tebbini avec un véritable harcèlement sur les réseaux sociaux. Quotidiennement, voire plus d'une fois par jour, il diffuse des posts Facebook ou des vidéos montrant le président de la Voix des agriculteurs dans la peau d'un prédateur sexuel. Il lui est même arrivé de diffuser une vidéo montrant nu le député.
Le manège a duré plusieurs semaines et, ici aussi, les médias respectables ont refusé de relayer les bassesses de Khiari.

Grisé par le « succès » de ces vidéos et par les acclamations de son public facebookien, Rached Khiari a décidé de franchir une étape supérieure en avril 2021 en s'en prenant au président de la République.
Dans un premier temps, il l'accuse d'avoir obtenu des financements américains pour sa campagne par l'intermédiaire d'un responsable sécuritaire à l'ambassade des Etats-Unis en France.
Il publie, ensuite, des dizaines de posts Facebook s'en prenant à Kaïs Saïed et à sa cheffe de cabinet Nadia Akacha.
Ce n'est qu'alors que le parquet se décide enfin de réagir et de le convoquer ! Précision, le parquet militaire et non le parquet civil qui continuait à considérer Rached Khiari bénéficiant de l'immunité parlementaire totale, alors que cette immunité ne couvrait que le travail parlementaire légalement.
Après cette convocation, se sentant en danger, Rached Khiari prit la poudre d'escampette et disparut dans la nature. Il faut dire que le parquet militaire lui a concocté de très lourds chefs d'accusation.
En dépit du mandat d'amener lancé à son encontre, Khiari n'a pas été vraiment dérangé dans sa période de clandestinité et ce grâce à la complicité du chef du gouvernement de l'époque, et également ministre de l'Intérieur, Hichem Mechichi. « Techniquement, on est allé le chercher et on n'a pas réussi à le trouver », répondit alors M. Mechichi à Business News. En off, il dit ne pas admettre qu'un élu de la République soit arrêté et menotté devant les caméras.
Rassuré, Rached Khiari a continué à poster sur sa page Facebook des publications incendiaires, des posts injurieux. Kaïs Saïed et Nadia Akacha étaient ses préférés en cette période, sans aucun sens de la mesure, allant jusqu'à comparer Kaïs Saïed à Hitler et son ami président égyptien Abdelfattah Sissi de tueur. Il s'est même permis de donner une interview radiophonique à El Jiss, alors qu'il était fugitif. Son autre dada, c'est la France qu'il met à toutes les sauces. Francophones, politiques, opposants, tous sont à la solde de la France. À ses yeux, la France est, systématiquement, la cause de tous les maux de la Tunisie. C'est elle (avec l'Iran) qui a porté Saïed au pouvoir…
La cavale n'a pas duré longtemps, cependant, il revient au parlement comme si de rien n'était le 15 juillet 2021. Quid de ses mandats d'amener ? Que fait le parquet ? Que fait la justice ? Aucune réponse n'a été donnée. Ce que l'on voit, c'est que les islamistes se bousculaient pour se prendre en photo à ses côtés, comme s'il était le grand militant qui a osé défier le pouvoir.
Retour de très courte durée, Rached Khiari a repris le chemin de la clandestinité le 26 juillet 2021 après le putsch de Kaïs Saïed. Comme par magie, les forces de l'ordre se sont rappelé qu'il y avait un mandat d'amener contre lui et ont décidé de l'exécuter ! Trop tard !
Durant cette deuxième période de clandestinité, il s'est plus ou moins tenu à carreau, sans pour autant totalement abandonner l'invective. Après avoir déclaré être à l'étranger et après avoir participé à la réunion virtuelle de l'assemblée en février dernier, Il continuait, quand même à tacler les adversaires politiques des islamistes. Parfois c'est Maya Ksouri, d'autres c'est Lamine Nahdi, comme c'était le cas au début de cette semaine.

Il a fallu attendre le 3 août 2022 pour que la police tunisienne retrouve son efficacité d'antan et mette enfin la main sur lui dans un café public.
Que risque-t-il maintenant ? Outre les recours déposés par la présidence de la République suite à son accusation de haute trahison, Rached Khiari devrait enfin affronter les multiples affaires judiciaires qui dorment dans les tiroirs depuis des années. Les plaintes contre lui sont nombreuses et très peu, d'entre elles, ont connu une véritable suite judiciaire.
On cite notamment celles déposées par Fayçal Tebbini et Mohamed Ammar ou encore celles déposées depuis 2019 par le journaliste Hamza Belloumi qui a fait l'objet, durant des années, d'un véritable harcèlement et d'accusations multiples de takfir de la part de Khiari.
Les accusations les plus lourdes demeurent cependant celles où il s'en prend à l'armée et au président de la République, ainsi que celle où il admet lui-même, dans une vidéo, avoir été en contact avec des parties américaines pour rassembler les preuves des accusations qu'il porte contre le financement de Kaïs Saïed par l'administration de Donald Trump.
Rached Khiari a répété à plusieurs reprises qu'il détient toutes les preuves de ses propos, qu'il était prêt à affronter le président de la République avec ces preuves et qu'il était prêt à renoncer à son immunité parlementaire. Maintenant qu'il est face aux juges, il n'a qu'à livrer ce qu'il possède dans sa joôba (besace en arabe), terme qui lui est cher.
Curieusement, et contrairement aux habitudes, les grands avocats islamistes habitués à réagir au quart de tour après l'arrestation de l'un des leurs, sont tous muets depuis hier à son propos. C'est notamment le cas de Samir Dilou, Ines Harrath et même son ancien camarade Seïf Eddine Makhlouf et du groupe islamiste très réactif « avocats pour défendre les droits et les libertés ».


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