L'année 2015 aura expiré sans que les travailleurs du secteur privé aient eu droit à l'augmentation de leurs salaires. Les nidaïstes cherchent toujours un leader et les députés rechignent encore à s'astreindre aux avis de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois L'année 2015, première année de la coalition gouvernementale au pouvoir issue des législatives du 26 octobre 2014, tire à sa fin et l'on s'attend à aborder la prochaine année, 2016, avec des dossiers chauds et brûlants, les uns hérités de l'année s'écoulant et les autres imposés par l'agenda de l'année à venir ou supposés être inscrits dans le programme quinquennal (2016-2020) que Habib Essid, chef du gouvernement, nous a promis quand il a accédé à La Kasbah mais dont le contenu est toujours tenu au secret et dont personne ne connaît même les grandes lignes, y compris les responsables des partis qui ont remporté les élections et qui forment à l'heure actuelle l'alliance gouvernementale. Et au moment où les analystes et observateurs dressent le bilan d'une année d'un gouvernement dit de partenariat (Tacharouki), dirigé par une personnalité indépendante et soutenu par des partis dont les leaders lui mettent la pression quotidiennement, l'on se demande ce que Habib Essid prépare pour recomposer son équipe ministérielle et trouver les solutions qu'il faut à des problématiques comme la restructuration du gouvernement annoncée pour début 2016 mais qui risque de se transformer en un feuilleton interminable à la faveur des bouleversements traversant la scène politique nationale, la mise en œuvre de la loi de finances 2016 déclarée anticonstitutionnelle par l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois, la mise en place du Conseil supérieur de la magistrature dont la loi organique doit être revue pour la deuxième fois par le parlement, l'application de la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme avalisée par le Conseil des ministres mais qui est toujours théorique, l'adoption du nouveau code des investissements relégué aux calendes grecques et que les investisseurs tunisiens et étrangers attendent pour réactiver leur présence sur la destination Tunisie, l'adoption de la loi sur la réconciliation économique proposée par le chef de l'Etat mais dont on n'entend plus parler depuis quelques semaines, etc. Les nidaïstes bloquent tout D'abord, la restructuration par Habib Essid de son gouvernement dans le sens de la réduction du nombre des ministères et des secrétariats d'Etat et de la fusion de ministères aux attributions rapprochées. Le chef du gouvernement a déjà entamé ses consultations avec les partis formant la coalition qu'il préside, se contentant pour le moment d'écouter leurs propositions, tout en gardant au secret son approche personnelle de la nouvelle équipe ministérielle, du nombre des ministres qui y exerceront et surtout l'identité des ministres et secrétaires d'Etat qui seront révoqués. Et c'est la foire aux rumeurs les plus fantaisistes et aux indiscrétions filtrées par les partis consultés, chacun faisant de son côté pression, à travers les médias et les réseaux sociaux, sur Habib Essid pour imposer ses hommes et ses idées. En attendant que le chef du gouvernement ouvre la voie à la réception des CV des candidats que vont proposer les partis de la coalition, il se trouve face à une situation embarrassante: avec qui va-t-il discuter parmi les leaders de Nida Tounès, lequel parti risque d'être divisé en deux d'ici le 9 ou le 10 janvier prochain ? Ensuite, au niveau du parlement où certains députés mécontents des avis rendus par l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois ont choisi l'escalade avec l'Instance, n'hésitant pas à contester sa légitimité. Pas plus tard qu'hier, lundi 28 décembre, Khaled Chaouket, député nidaïste et membre du bureau de l'ARP chargé de la communication, développait, sur Radio Mosaïque, un discours le moins qu'on puisse dire inahabituel dans une démocratie qui se respecte. Il accuse, en effet, l'Instance de chercher la confrontation avec le Parlement en «déclarant anticonstitutionnelles les lois qu'il adopte et en voulant s'immiscer dans l'action législative en dictant aux députés la voie à suivre lors de l'examen des lois et de leur adoption, oubliant que les députés sont les véritables législateurs et qu'ils n'ont de leçons à recevoir de personne». Et pour clore son discours, Khaled Chaouket annonce que le bureau de l'Assemblée des représentants du peuple tient, demain, une réunion pour décider de la position à prendre à l'égard des avis rendus par l'Instance sur la loi de finances 2016 et sur le Conseil supérieur de la magistrature. En d'autres termes, Chaouket laisse entendre que le bureau de l'ARP peut, s'il le veut, récuser les avis de l'Instance et les considérer comme nulles et non avenues. Un discours qui nous rappelle les astuces auxquelles recourait Mustapha Ben Jaâfar, président de l'ANC défunte, quand le Tribunal administratif rendait des ordonnances mettant en cause les décisions que prenaient les constituants se comportant en législateurs qui avaient toujours raison, au prix de bafouer la petite constitution et le règlement intérieur de la Constituante qu'ils ont votés eux-mêmes. A quand le Code des investissements ? Ensuite, le dossier de la reprise de l'investissement étranger et national. Le gouvernement Essid peine toujours à faire redémarrer la machine économique et même les différentes mesures de promotion de développement des régions prises à un rythme soutenu lors des CMR tenus périodiquement dans les mêmes régions n'arrivent pas à enthousiasmer les bénéficiaires supposés de ces mêmes mesures. La cause de ce déchantement n'est un secert pour personne. Et même les ministres en charge de la concrétisation des programmes arrêtés reconnaissent que ceux-ci sont bloqués, tout simplement parce que le gouvernement actuel ou ceux qui l'ont précédé n'ont pas réussi à résoudre les problèmes fonciers relatifs à la mise en place des projets en question. Aujourd'hui, on se trouve face à une situation rocambolesque. Les crédits existent dans les caisses de l'Etat sauf qu'ils ne peuvent être débloqués, faute de terrains sur lesquels les projets choisis sont mis en œuvre. Quant au nouveau Code des investissements dont on attend la naissance depuis l'avènement de la révolution, il dort toujours dans les tiroirs du gouvernement au moment même où nos politiciens se mobilisent pour motiver les investisseurs tunisiens et étrangers et les pousser à réinvestir en Tunisie. Beaucoup d'observateurs se posent la question suivante : sur quelle base les investisseurs saoudiens qui ont promis à Béji Caïd Essebsi de retourner en Tunisie vont fonder leurs investissements ? Enfin, le dossier qui touche directement le citoyen dans sa vie quotidienne. Il s'agit du bras de fer auquel se livrent l'Ugtt et l'Utica sur les majorations salariales à servir aux travailleurs du secteur privé. La réunion d'arbitrage tenue, dimanche dernier, sous la supervision du chef du gouvernement, a lamentablement échoué faute de compromis, et le pays risque de retomber dans les grèves cycliques (interrégionales couronnées par une grève générale). Reste l'opposition qui peut se targuer d'avoir réussi deux bons coups en 2015 : faire déclarer anticonstitutionnelles la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature et la loi de finances 2016, sans oublier son succès aussi à pousser le parlement à différer à une date inconnue l'examen de la loi sur la réconciliation économique. Seulement, personne n'est en mesure de savoir si cette mobilisation va se poursuivre quand on sait que plusieurs parmi les partis de l'opposition vivent des crises internes attendant la moindre étincelle pour éclater publiquement. Et dans l'attente que le Front populaire règle ses dissensions internes et révise sa structuration, que les destouriens trouvent un leader qui les rassemble et que les partis se disant les représentants de la démocratie sociale dépassent leurs querelles de leadership et fusionnent en un parti unifié, Moncef Marzouki, le leader de «Harak Tounès Al Irada», reste à l'affût et se prépare à arracher sa place sur la scène politique nationale, à la faveur d'initiatives dont lui seul a le secret.