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Rachida Ennaïfer, ancienne conseillère en communication à la présidence de la République, à La Presse : «Ennahdha est devenu l'ennemi politique de Kaïs Saïed dans la mesure où ce parti était l'ennemi du peuple»
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 08 - 2021

Amie, collègue puis conseillère du Président de la République, Rachida Ennaïfer a côtoyé le Chef de l'Etat pendant plusieurs années à l'Université, mais aussi au Palais de Carthage. Si elle le connaît mieux que quiconque, elle pourrait même prédire ses décisions, ses réactions, voire sa vision des choses. «Kaïs Saïed, le professeur de droit constitutionnel, et Kaïs Saïed le Président de la République sont une même personne», Rachida Ennaïfer dévoile quelques faces cachées du Président de la République. Sa personnalité, ses relations avec Ennahdha, son projet politique et autres. Interview.
Commençons par l'actualité, en tant qu'ancienne conseillère en communication au Palais, comment suivez-vous les derniers rebondissements politiques du côté de Carthage ?
Je les suis avec grand intérêt en tant que citoyenne amoureuse de son pays et convaincue que le peuple tunisien ne méritait pas la maltraitance qu'il avait endurée, tout d'abord sous Ben Ali, ensuite sous les nouveaux «bénalistes» convertis en «révolutionnaires». Je les suis aussi avec plein d'espoir. Car j'ai confiance en les Tunisiens qui n'ont jamais désespéré de gagner la bataille de la liberté et de la dignité. Tel le roseau de Pascal, ils peuvent plier mais ne cassent pas. J'ai également confiance dans cette synergie qui refait surface, chaque fois que les Tunisiens identifient un objectif qui les rapproche du but. Je crois beaucoup dans l'intelligence collective, et, en ce moment, elle peut accomplir des miracles en Tunisie pour peu que nous nous libérions de nos suspicions et de nos petits ego. J'ai aussi confiance en Kaïs Saïed qui, avec son intelligence intuitive, sa modestie charismatique, incarne un nouveau modèle de dirigeant, déroutant certes pour ceux qui veulent continuer à pratiquer les sentiers battus, mais non pour de larges franges de Tunisiens, les plus jeunes surtout. Et d'ailleurs, ce sont ces derniers qui sont aujourd'hui la boussole du pays.
La prise spectaculaire de tous les pouvoirs opérée par Kaïs Saïed a eu l'effet d'un séisme dans l'échiquier politique. Pour certains, il s'agit d'une rectification du processus démocratique confisqué par une classe politique corrompue et inapte et, pour d'autres, c'est un coup d'Etat en bonne et due forme. Quelle est votre propre estimation ?
L'effet séisme a déjà été ressenti le soir du 13 octobre 2019. Non pas à cause du profil atypique du nouveau locataire de Carthage, mais de la majorité (72,3%) recueillie autour de lui. La volonté du peuple qui a été confisquée avec la levée du sit-in de Kasbah 2 reprenait son envol et l'oiseau sortait de la cage, en promettant de ne jamais y retourner. Malheureusement, la classe politique n'a pas saisi le message et a continué à chercher à duper le peuple. Ceci s'est traduit par une partie de cache-cache, dont l'enjeu était l'éjection du locataire de Carthage et pour cela tous les moyens étaient bons. Certains ont qualifié à chaud le recours aux mesures exceptionnelles comme un coup d'Etat, d'autres sont allés même jusqu'à dire qu'il était prémédité depuis 2019. Depuis, les qualifications se sont multipliées : coup d'Etat constitutionnel, coup de force, coup de maître. Ceci nous rappelle les difficultés à qualifier le mouvement du 17 décembre 2010-14 janvier 2011, révolution, soulèvement, conspiration étrangère. Moi je pense qu'il appartient aux historiens de trancher. Ce qui importe aujourd'hui, c'est tout d'abord que les mesures exceptionnelles auxquelles a recouru le Président de la République sont des mesures constitutionnelles, prévues par l'article 80 de la Constitution de 2014. Ces mesures sont destinées à faire face à un péril imminent, entravant le fonctionnement des pouvoirs publics, ce qui est bel et bien le cas. L'Etat lui-même était menacé dans son existence et le peuple tunisien dans sa vie. Je rappelle que le recours à l'article 80 a déjà été revendiqué depuis plus d'une année par des politiques, des activistes, des universitaires pour faire face au blocage des institutions. Le Président a écarté cette éventualité pensant donner à la classe politique la possibilité de se ressaisir. Finalement, la décision s'est imposée d'elle-même face à la détermination du mouvement du 25 juillet.
Vous qui connaissez de près Kaïs Saïed en tant que président, mais aussi que collègue à l'université, quelle suite donnera-t-il à sa manœuvre politique ? A quoi doit-on s'attendre ? Y aura-t-il un nouveau fait accompli comme une éventuelle suspension de la Constitution ?
Pour ma part, je considère que le 25 juillet est un point de non-retour et en cela le Président de la République a été le traducteur fidèle de la volonté du peuple en ce moment précis. Bien entendu, cette rupture suppose une série de mesures dans les jours à venir qui vont s'ajouter à celles déjà prises, toujours dans le cadre de l'état d'exception qui est appelé à être prorogé, le temps de rétablir le bon fonctionnement des pouvoirs publics. Pour ce qui est de la Constitution y a-t-il lieu de la suspendre ? L'expérience de 2011 est assez édifiante en la matière. Le décret 2011-14 du 23 mars 2011 portant organisation provisoire des pouvoirs publics s'est référé à l'impossibilité de l'application de la Constitution dans sa totalité. Aujourd'hui encore, c'est le cas. C'est la partie concernant le régime politique qui est inapplicable, car elle a été le fruit de compromis et de marchandages qui ont échappé au contrôle de la société civile, contrairement au chapitre concernant les libertés. Donc, il va falloir réviser la Constitution et la soumettre à un référendum et sur cette question il me semble qu'il existe presque un consensus.
Pourquoi ce retard dans la prise de décision ?
Où voyez-vous le retard ? Un mois c'est rien par rapport à l'état de délabrement dans lequel s'est retrouvée la Tunisie, après toutes ces années de pouvoir népotique. L'Etat a été gangréné par tant de lobbies au point qu'il allait périr, si ce n'était le sursaut du 25 juillet. Bien sûr, il y a une inquiétude pour la feuille de route et pour la formation du gouvernement. Concernant la feuille de route, elle ne peut être que dynamique et évolutive, car elle doit répondre aux exigences du mouvement du 25 juillet. Quant au gouvernement, il existe déjà un gouvernement de gestion des affaires courantes et d'ailleurs il fonctionne normalement (pour preuve, les acquis en matière de lutte contre la pandémie, les préparatifs pour la rentrée scolaire et universitaire, les mesures en faveur des couches les plus défavorisées, etc.) sur la base de la concertation avec le Président de la République. La nomination d'un chef de gouvernement sous peu ne changera pas la donne, à mon avis. Car le Président doit continuer à être le chef de l'exécutif, le chef du Gouvernement est une sorte de Premier ministre; la cohabitation politique instituée par la Constitution de 2014 ayant bel et bien échoué. Concernant les dossiers brûlants et qui ont justifié le recours à l'état d'exception, il y a une nette amélioration sur le plan social et notamment la santé. L'économique devrait suivre, mais là où le bât blesse, c'est en matière de lutte contre la corruption et contre l'impunité. Ceci est lié au pouvoir judiciaire, derrière lequel se cache une mafia qui a détourné à son profit une indépendance mal comprise.
Peut-on reprocher à Kaïs Saïed les prémices d'un projet autoritaire ?
Je pense que notre histoire constitutionnelle est assez riche et il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Le plus important aujourd'hui, c'est de pouvoir avancer sûrement grâce à ce nouveau pacte de confiance établi le 25 juillet. Une confiance dans un Président de la République qui fait l'objet pour sa mi-mandat d'un réel plébiscite (il n'y a qu'à voir les résultats des derniers sondages d'opinion). Je sais que certains craignent que cela nourrisse des instincts de despotisme chez le locataire de Carthage, mais lorsqu'on connaît l'homme de près et depuis longtemps et lorsqu'on voit qu'il est resté toujours aussi humble, on ne peut qu'être rassuré que Ben Ali n'est pas en train de rôder dans les parages. Non, le 25 juillet n'est pas le 7 novembre et Kaïs Saïed n'est pas Ben Ali. Les faiseurs de dictateurs essaieront toujours, mais ils se heurteront aux montagnes de l'Atlas. Et puis j'ai confiance dans le peuple tunisien qui ne se laissera plus prendre. Contrairement à tout ce qu'on peut penser, il a goûté à la liberté et il ne laisserait personne la lui confisquer. Kaïs Saïed le sait et il ne cesse de donner des assurances dans ce sens.
Y a-t-il des faces cachées dans la personnalité du Président de la République que les Tunisiens doivent connaître ?
Je peux vous assurer que Kaïs Saïed, le professeur de droit constitutionnel et Kaïs Saïed le Président de la République sont une même personne. Pour l'avoir côtoyé pendant plus de vingt ans à la faculté des Sciences juridiques mais aussi au Palais de Carthage, il prend beaucoup de temps pour faire mûrir ses décisions, mais une fois la décision prise, il ne revient jamais sur ses pas.
Au début de son mandat à Carthage, quelles étaient les ambitions politiques de Kaïs Saïed, quel est son véritable projet politique qu'il voulait et qu'il veut toujours mettre en place ?
Avant 2018, Kaïs Saïed n'a jamais pensé à briguer un poste politique. C'est vrai que depuis 2011, le constitutionnaliste s'est doublé d'une vocation de politique. Mais c'était la politique dans son sens noble, liée à la vie de la cité. De La Kasbah à Menzel Bouzaïane, il était toujours présent pour participer à cette vie de la cité, pour apprendre et échanger. Il n'était jamais avare ni en conseils ni en propositions, mais la classe politique lui était restée sourde, tout autant qu'à d'autres initiatives visant l'intérêt général du pays. Lorsqu'il a décidé de présenter sa candidature à la magistrature suprême, c'était dans le but de remédier à cette situation. Bien sûr que pas mal de projets auraient pu voir le jour, mais le blocage était total, notamment au niveau du Parlement qui, il ne faut pas l'oublier, est une concentration de pouvoir au profit précisément d'un tiers bloquant, qu'étaient Ennahdha et ses satellites.
Selon vous, Ennahdha est-il le principal ennemi politique du Président ? Quel regard porte-t-il sur ce mouvement islamiste ?
Le parti Ennahdha était devenu un ennemi politique de Kaïs Saïed dans la mesure où celui-ci était l'ennemi du peuple. En tant que Président de la République, il a essayé de lutter contre le travail de sape d'Ennahdha et de ses alliés visant les intérêts vitaux du peuple tunisien. On en était arrivé au crime de non-assistance à peuple en danger de mort, par un travail d'obstruction des efforts de lutte contre la pandémie de Covd-19 !
Le palais de Carthage opte pour l'effet surprise dans sa stratégie de communication. Comment évaluez-vous cette stratégie à laquelle vous avez contribué pendant plus d'une année ?
Personne ne pourrait nier le déficit en matière de communication politique en Tunisie. Et d'ailleurs, cela remonte à très loin, du temps où les PAD (prêt à diffuser) étaient de mise avec tout ce que cela suppose comme favoritisme et autres contreparties. Depuis 2011, toutes les tentatives de changement ont malheureusement dégénéré. Entre la «tartourisation» et la déification, nul juste milieu n'a pu exister. Avec l'arrivée du Président Kaïs Saïed à Carthage, il y avait une volonté de changer le mode de communication politique. Mettre fin au clientélisme, d'une part, et aux consignes, d'autre part. Le rôle de la présidence était de fournir l'information sur la page de la présidence, sur le terrain, lorsque le président s'y rendait et aussi en off. Cet effort a été combattu farouchement par les anciens habitués du Palais, ainsi que par les réseaux médiatiques entretenus par les lobbies politiques et financiers. Une véritable guerre médiatique était livrée contre le Président. Les uns cherchaient par-là à exercer une sorte de chantage, les autres servant les intérêts des anti-Kaïs Saïed. Bien sûr, il y avait parmi les journalistes des voix honnêtes qui faisaient leur travail conformément à l'éthique professionnelle, mais leur voix était étouffée par d'autres qui ont réussi à devenir dominant. Il aurait fallu entreprendre une véritable réforme du secteur des médias publics et privés confondus pour que la liberté de la presse ne dégénère pas pour devenir finalement un outil de sape du processus démocratique. A ce niveau, aussi bien les gouvernements Chahed que Mechichi ont refusé de jouer un rôle dans ce sens, préférant consolider l'ancien système. Le scandale de la nomination d'un PDG à la TAP en est une des illustrations. Pour me résumer et regarder davantage vers l'avenir, la réorganisation de la communication politique est une urgence. Mais il faut l'appréhender dans sa globalité, c'est-à-dire réorganiser la communication institutionnelle en opérant une mise à niveau des services de communication de la présidence, ainsi que du gouvernement avec ses différentes divisions. Mais aussi procéder à une réforme du secteur des médias qui tarde à venir, car la communication politique ne saurait exister sans les relais que sont des journalistes capables d'expliquer, d'analyser et d'anticiper. Ceci nous amène à reconsidérer les études de sciences politiques en Tunisie qui ont été bannies sous Ben Ali et qui, depuis 2011, ont repris droit de cité mais de façon très timorée.
Vous cachez toujours des secrets concernant votre départ de Carthage. Voudriez-vous raconter les coulisses de votre démission aux lecteurs de La Presse? S'agit-il d'un conflit avec la cheffe du cabinet présidentiel ?
Les causes de mon départ de la présidence ne sont un secret pour personne. Mais il ne faut pas non plus en faire une affaire d'Etat. Les problèmes de dysfonctionnement existent dans la plupart des administrations. L'essentiel c'est de pouvoir en tirer les leçons pour avancer. Certes, l'accumulation d'expériences peut y remédier. Mais aussi, il faudrait penser à instituer des programmes d'éducation aux médias pour certaines catégories professionnelles, y compris les hauts cadres de l'administration. Car la rétention de l'information n'est pas forcément due à une mauvaise volonté, mais parfois à l'ignorance.


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