L'intitulé est assez abscons. Que signifient ces boucliers ethno-zen? Boucliers, on comprend, cela induit bien sûr au cercle emblématique du travail d'Insaf Saâda, le cercle obsessionnel, toujours renouvelé, espace parfait, fermé, tourné sur lui-même, se suffisant de sa propre certitude. Ethno s'inscrit dans la référence ethnique du bouclier, élément du répertoire guerrier, mais aussi objet d'art décoratif traditionnel. C'est le Zen qui étonne et surprend, mais qui s'éclaire à la visite : l'atmosphère japonisante créée autour de l'exposition, l'accrochage sur fond de laque et de feuille d'or, le pont couleur sang de bœuf installé dans un petit jardin japonais illustrent ce parti pris et le justifient. L'espace Musk and Amber s'offre, pour cette exposition, un parfum de l'Empire du soleil levant. Et les créations d'Insaf Saâda s'y intègrent parfaitement. «Hors des modes et des tendances, Insaf Saâda trace son chemin esthétique, têtu, circulaire, éternel recommencement. On l'aura compris, entre Insaf et le cercle, c'est une histoire qui dure. Et comme toutes les histoires qui durent, elle évolue et se transforme», écrit Aïcha Filali. Il est, en effet, étonnant de voir combien le cercle peut avoir d'expressions, de représentations, de variations. Cercle inscrit sur une toile, découpé en relief, gravé dans la masse, ciselé dans la feuille d'or, ajouré dans la céramique, effeuillé, centré sur un œil, détourné en spirale, il est toujours différent, et pourtant le même. Mais le cercle n'est pas innocent, et son sens va au-delà du simple choix esthétique. Le cercle est équilibre, éternel renouvellement, choix mystique, symbole, spiritualité. Au fil des cimaises se glissent clins d'œil et références à la cosmogonie, à la quadrature du cercle, au soufisme, que Aïcha Filali glisse sans en avoir l'air, et qu'il nous faut décoder. «La multiplicité des clins d'œil vers toutes ces références d'ordre mystique semble témoigner, de la part de l'artiste, d'un désir de lévitation au-dessus du monde matériel... Cette ascèse, l'artiste la réalise surtout en empruntant le chemin de l'épure esthétique. Car pour qui connaît le travail d'Insaf Saâda et son parcours, le présent projet témoigne, malgré l'apparente profusion des matériaux et des textures, d'un sens de la retenue et de l'économie des formes et des couleurs qui est le signe de la maturité et de l'avènement d'un langage plastique spécifique qui gagne en dépouillement et qui fait la singularité de son univers», conclut Aïcha Filali.