Certains veulent s'installer dans la région, d'autres pensent la quitter, s'il n'y a pas une solution définitive à leur situation. L'ex-camp de Choucha n'est plus ce qu'il était, son site sera retapé, rétabli, pour être désormais utilisé tel qu'il était avant 2011 L'on se rappelle bien ce qui s'est passé dans la journée du 19 juin dernier : une quarantaine de migrants furent évacués par la force du camp de Choucha, au sud de la Tunisie, une décision justifiée par l'expiration du délai officiel de leur séjour, depuis déjà quatre ans. Le représentant du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés en Tunisie, M. Mazin Abu Shanab, confirmait que ces personnes ne rentraient absolument pas sous la bannière de l'Unhcr et que son mandat se limitait essentiellement à prendre soin des réfugiés et demandeurs d'asile. L'homme faisait, alors, état d'une réalité qu'on ne doit pas négliger : le camp de Choucha, fermé depuis juin 2013, n'a plus la même légitimité qu'en 2011, lorsqu'il avait été ouvert pour accueillir un flux migratoire massif. Cela dit, il n'est plus question de laisser régner une telle anarchie. Ancien camp de Choucha, ce n'est que des souvenirs ! Dans cette logique, l'Unhcr a versé de l'argent, en guise d'aide au gouvernorat de Médenine pour contribuer à la remise en état du site sur lequel avait été dressé l'ancien camp de Choucha. Soit, un montant de 100 mille dinars destinés à engager, avant la fin de l'année, les travaux de réhabilitation nécessaires à cet effet. En clair, le rendre tel qu'il était avant 2011. Ainsi annonçait, dernièrement, M. Abu Shanab, lors de sa toute récente visite périodique à Médenine, afin de s'enquérir de la situation, outre celle des migrants, celle des réfugiés résidant au «Dortoir Ibn Khaldoun» dans la région. C'est un centre qui abrite une trentaine de pensionnaires, auxquels le Haut Commissariat fait de son mieux pour leur fournir des conditions d'accueil et d'hébergement décentes. On y trouve également des demandeurs d'asile dont certains dossiers sont encore à l'étude, d'autres en cours de parachèvement. Certifiés, ils peuvent bénéficier du statut de réfugié. Mais, que pensent-ils de leur situation actuelle ? Comment voient-ils leur séjour en Tunisie, reconnue, plus souvent, comme pays de transit ? Et quel sort leur sera-t-il réservé, dans un proche avenir ? Autant de questions que La Presse a posées aux intéressés pour recueillir leurs proposs et leurs réactions. Nombreux parmi eux n'ont pas voulu nous répondre. D'autres, déjà bien soutenus sur place par le personnel du HCR et celui de «Adra-Tunisie» (Agence de développement et de secours adventiste), ont bien voulu, non sans réserve, accepter de vider leur sac. «J'ai pris le large du Kenya, via la Libye, pour me trouver, enfin, sur les côtes tunisiennes», raconte, à demi-mot, Osmane, jeune Somalien qui s'est aventuré, en 2015, dans une odyssée maritime très risquée. Ce trentenaire, semble-t-il, est un immigrant clandestin qui, après s'être soumis, a priori, aux enquêtes du HCR, avait, alors, regagné le «Dortoir Ibn-Khaldoun» à Médenine. Trois ans déjà ou presque, il mène une vie ordinaire, en tant que réfugié ayant droit aux différentes prestations sociales et de santé. «Je me sens très bien ici, d'autant plus que je bénéficie d'une assistance financière à hauteur de 90 dinars par mois», déclare-t-il. Sans emploi, mais bien vêtu, Osmane, jeune costaud, avec son chapeau à l'américaine, montre une bonne mine. Pourtant, visiblement satisfait, l'homme souffre dans sa chair : «Je veux quitter pour rejoindre ma famille, elle aussi ayant fui les conflits en Somalie, pour s'installer en Suède». Un réfugié, une histoire ! Divorcée, son mari sfaxien l'a lâchée, sans scrupule, après une bonne période de mariage. Le cas d'Awatef, quadragénaire syrienne, est différent. Pensionnaire du centre précité, cette réfugiée est devenue presque tunisienne, puisqu'elle vit, dans nos murs, depuis longtemps. «Je vis ici toute seule, et j'essaie de m'adapter à ce nouveau milieu», dit-elle. Il est vrai, admet-elle, qu'elle jouit de ses droits les plus élémentaires (achat des produits alimentaires, soins, prise en charge sociale...), mais elle n'a pas trouvé un emploi dans la région. «Je compte m'installer à mon propre compte, en créant un petit projet dans la gastronomie plutôt orientale (machaouis) », souhaite-t-elle. Du côté du HCR et ses partenaires, il y a, quand même, des promesses. La bonne idée serait, peut-être, de partager avec son compatriote Souhaïb un projet de restauration sur les rivages de Zarzis, où ce dernier vit avec sa femme Nagham et ses deux enfants, entend-on ainsi parler. Ce jeune couple syrien, également réfugié, veut investir dans la région. D'ailleurs, son épouse, Nagham, a été, financièrement, appuyée par le Centre italien pour les réfugiés (CIR) — partenaire du HCR — pour parvenir, il y a quelques mois, à lancer un projet de coiffure pour dames. «Je gagne bien ma vie, Dieu merci !», révèle-t-elle, souriante. Emue jusqu'aux larmes, Awatef languit sa famille, déjà réfugiée dans un pays européen. Autre réfugié, autre histoire d'un père de famille syrien vivant, depuis cinq ans, à Médenine. Adra n'a pas manqué de lui tendre la main pour qu'il puisse subvenir à ses besoins. Mourad a pu, alors, créer un projet d'élevage ovin, totalisant 13 brebis pleines et un bélier, avec un budget de 5 mille dinars. Avec, bien entendu, une prise en charge des soins vétérinaires et un complément pour pouvoir acquérir du fourrage pendant les six premiers mois. Pourtant, l'homme, qui avait perdu toute sa fortune à cause de la guerre en Syrie, ne semble guère content : «Cela me permet à peine de survivre. Je n'arrive plus à joindre les deux bouts, alors que je pouvais mieux faire, si j'avais eu ma carte de résident», grogne-t-il, souhaitant rentrer chez lui pour se rassurer de ses deux enfants, coincés en Syrie. De même, il compte récupérer ses biens et avoirs bloqués là-bas afin d'investir à Médenine. Il voudrait, à ses dires, mettre le paquet dans les jeux d'attraction, son domaine d'activité bien avant 2011. De son côté, Adra, en concertation avec le HCR, s'évertue, par tous les moyens, à lui trouver une solution. Mourad pense, sérieusement, à quitter la Tunisie, s'il n'y a pas espoir. Car, un tel titre de séjour qu'il attend depuis toujours lui faciliterait, à l'en croire, sa mobilité de et vers la Tunisie pour faire de l'import-export. «Réaliser une Cité des jeux d'attraction dans la région permettrait, croyez- moi, d'ouvrir une centaine de postes d'emploi», nous confie- t-il, en conclusion. De l'assistance psychosociale aussi A noter, ici, que tous les pensionnaires dudit dortoir bénéficient, entre autres, d'un accompagnement psychosocial assuré par l'agence Adra, qui y élit domicile. Mme Olfa Mkadmini, assistante psychosociale, travaille d'arrache-pied pour leur cicatriser des souvenirs assez traumatisants. Etre réfugié, loin de sa patrie, c'est une véritable souffrance. «Ici, le besoin d'oubli se fait de plus en plus sentir, pour mieux se rétablir. Toutefois, on ne doit pas s'introduire brutalement auprès des réfugiés», déclare-t-elle. Et d'ajouter, «celui qui en a besoin vient à nous de son plein gré». Perdre sa famille, subir une agression ou abus sexuel, voir ses enfants périr en mer, être abusivement exploité, ce sont autant de problèmes et troubles psychiques auxquels tout réfugié pourrait ainsi faire face. «Nous, nous devons leur donner suite de traitement. Jusqu'ici, trois cas furent déjà suivis dans l'hôpital de Sfax», a-t-elle, encore, cité. Pour le moment, tout va bien.