Parfois, les situations cocasses qu'ont dû affronter les hommes en noir dépassent les fractures dogmatiques. La vidéo ne doit donc pas être un alibi à la médiocrité ! Plusieurs situations litigieuses n'ont pas manqué d'alimenter un peu plus le débat autour du recours à la technologie dans le domaine de l'arbitrage. Il faut dire que les puristes sont lassés de crier régulièrement à l'injustice. Sauf qu'il peut y avoir un autre son de cloche, sorte de revers de la médaille dans ce cas d'espèce précis. Déjà testé par la Fifa et l'Uefa, l'arbitrage vidéo peut aussi déchaîner les passions. L'on se rappelle de ces filets qui ont tremblé, de ce stade qui s'est enflammé... Enfin, pas tout à fait ! Sur ce, les visiteurs encerclent l'arbitre, les joueurs adverses stoppent leur célébration, le stade se tait, le regard suspendu sur l'homme en noir qui, plus d'une minute après le but, mime avec ses mains le fameux rectangle signifiant l'appel à l'assistance vidéo. Il se dirige au bord du terrain pour se faire le replay de l'action devant un écran à sa disposition, tergiverse un peu et prend son courage à deux mains, deux minutes trente trop tard: la sanction tombe comme un couperet, le but est annulé ! Des lustres qu'on vous le dit : la justice est trop lente ! Et maintenant, c'est au tour du Chan d'adopter l'arbitrage vidéo. Qu'en sera-t-il lors des situations analogues à celle précitée ci-haut ? On le saura le jour, vérité du terrain ou plutôt de la lucarne oblige ! La tentation de l'indécision Justice a été rendue, diront les pro-vidéo. Et ils auront raison. Pendant que les anti-vidéo bondiront sur le ridicule de la situation et brandiront l'argument de la sacro-sainte émotion bafouée et corrompue. Et ils n'auront pas tort non plus ! Ce sont là deux visions du football qui s'opposent et qui ne seront pas réconciliées de sitôt. Celle qui ne veut rien laisser au hasard, focalisée sur les enjeux et celle qui s'accroche aux mythes qui ont participé à l'histoire de ce jeu, de la main de Dieu à celle de Thierry Henry, en passant par celle de Michael Eneramo et Suarez... Ce faisant, pour les défenseurs de cette dernière thèse, il n'a jamais été question de dire « vive l'injustice » . Il s'agit de savoir vivre l'injustice. Car elle nourrit chaque jour un sport qui accepte qu'un joueur coûte plus cher qu'une équipe et permet pourtant que le petit accroche parfois le scalp du géant. Elle nourrit mille légendes où une expulsion imméritée a galvanisé dix coéquipiers, mille autres où elle n'a pas été réparée. C'est donc l'essence même de ce sport que de ressentir l'injustice, qu'elle soit réelle ou fantasmée, à chaque élément contraire. Mais parfois, les situations cocasses qu'ont dû affronter les hommes en noir dépassent les fractures dogmatiques. Il ne s'agit pas là pour les romantiques de faire leur plaidoyer habituel sur les incohérences techniques de l'arbitrage vidéo ou les raisons qui font de celui-ci le fossoyeur d'une certaine idée du football. Non, c'est encore autre chose. Aussi insolite qu'anecdotique, il est même arrivé qu'un arbitre démissionne en plein match ! Et pour cause, la vidéo a remis en cause sa clairvoyance ! Cela pose une question fondamentale : la vidéo est-elle là pour aider l'arbitre ou pour le déresponsabilisant ? Assistance ou assistés ? Elle a en tout cas poussé plusieurs arbitres à s'effacer pour ensuite se donner en spectacle. Si plusieurs cas ont déjà démontré que la pratique n'est pas infaillible, celui-ci pouvait faire office d'exemple du bien-fondé de sa mise en place. Mais la vidéo a-t-elle aidé l'arbitre à prendre la bonne décision ou l'a t-elle avant tout poussé à ne pas en prendre ? Exemple : le penalty semble clair à vitesse réelle et l'arbitre est très bien placé. Pourquoi ne siffle-t-il pas de suite ? Deux explications possibles : soit il est mauvais, soit il refuse de prendre un risque, aussi minime soit-il. La première explication pointe un problème qui devrait et pourrait être résolu en dehors du cadre de l'assistance vidéo. Celle-ci ne devant pas être un alibi à la médiocrité. La seconde semble la plus logique au vu du contexte et soulève la problématique du filet de sécurité déresponsabilisant qu'offre l'assistance technique. Elle ouvre en effet le champ à une nouvelle forme d'arbitrage qui pousserait l'homme en noir, paralysé par la peur de se tromper, à ne plus arbitrer à chaud. Comme si un joueur demandait la permission à son entraîneur avant de tenter un dribble, de peur de le rater ! Emotions différées ! Au-delà même des émotions, bientôt condamnées à être contenues voire différées, c'est aussi le courage des arbitres qui est pris en otage. Ils n'ont déjà pas le droit de parler, ni d'incarner leur fonction en privilégiant l'esprit à la lettre sous peine de sanction. Et ils seraient désormais incités à effacer toute prise de risque dans leur manière d'arbitrer ? Ça ne doit pas arriver. Trompez-vous, interprétez, sifflez ! On vous en voudra quelques minutes, quelques jours voire quelques mois pour les plus rancuniers. Mais ne cessez pas de décider, par pitié, ou, d'ici quelques années, plus rien ne justifiera votre présence sur un terrain de football.