On observé jusqu'à 10.452 protestations sociale sen 2017, contre 8.713 en 2016 et 4.416 en 2015. La conférence de presse mensuelle du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes) a été consacrée, hier, à la présentation de trois rapports : le premier étant celui relatif aux mouvements de protestations sociales recensées en février 2018 ; le deuxième portant sur l'émigration non réglementaire, depuis la Tunisie, examinée en 2017, et le troisième étant le rapport annuel des protestations sociales pour l'année 2016/ 2017. Les trois rapports de référence ont été élaborés non seulement pour documenter, chiffres et indicateurs à l'appui, les différents mouvements de protestations sociales et économiques, dont l'émigration clandestine, mais, surtout, pour informer les décideurs et les hauts responsables sur l'état des lieux sociétal, sur les positions du peuple et sur ses attentes – encore inassouvies- quant à la justice sociale, à l'égalité des chances et à la dignité. Ouvrant la rencontre, M. Massaoud Romdhani a souligné le rapport de cause à effet entre le contexte socio-économique épineux et les différentes formes de protestations, de refus, de grogne, voire de fuite vers l'inconnu, notamment le suicide et l'émigration non réglementaire. « En 2017, le taux d'avortement des tentatives d'émigration clandestine a augmenté de 200% en une année, ce qui reflète aisément le recours croissant à la traversée de la mort dans le but d'échapper à des situations sociales précaires », a-t-il indiqué. Face à cette situation et à toutes les situations placées sous le signe de la protestation sociale, le paysage politique semble être impassible. «Seules les grandes actions de protestation, comme celle qui a été déclenchée à El Kamour, poussent les responsables de l'Etat à réagir ; une réaction qui se limite souvent à des interventions sécuritaires et qui n'apporte ainsi aucune solution aux problèmes », a-t-il ajouté. M. Romdhani dénigre l'intérêt amplifié, porté sur les réformes d'ordre constitutionnel et électoral alors que le peuple gémit sous la précarité, le chômage, et l'absence d'une infrastructure de base et autre économique, favorable au développement. 10.452 protestations en une année ! Prenant la parole, M. Abdelsattar Sahbani, président de l'Observatoire social tunisien (OST) a résumé les principales données fournies dans le Rapport annuel des protestations sociales pour l'année 2016/ 2017. Ce travail étant fondé sur une approche comparative permettant de déceler l'évolution desdits mouvements depuis 2015 et jusqu'à la fin 2017. Le responsable a indiqué que l'OST s'est penché tout au long des années précédentes à moderniser les mécanismes d'observance afin de réaliser des rapports plus pointus. Il a expliqué que les mouvements de protestations sociales suivent une courbe croissante sans pour autant être perceptibles dans l'espace public. Localisées dans les régions et négligées par les médias, les protestations évoluent tout en passant inaperçues. En effet, l'on observe jusqu'à 10 452 protestations sociales en 2017 contre 8713, en 2016 et seulement 4416 actions de protestations en 2015. «Les protestations sociales sont désormais décentralisées. Elles sont plus axées sur le niveau sectoriel que celui politique, sécuritaire ou encore religieux. Le secteur administratif- ou le symbole de l'Etat et du pouvoir- occupe toujours la première place sur la liste des secteurs-cibles. Il est suivi du secteur éducatif, social et économique », a-t-il indiqué. Il a attiré l'attention sur les pics et les chutes des mouvements de protestations observés tout au long de l'année ; un mouvement qui revient pratiquement chaque année. Les mois de protestation par excellence s'avèrent, en effet, être ceux de janvier, avril et octobre. «Les causes sont plus qu'évidentes. La seule différence à relever c'est celle relative à l'agencement des mouvements de protestation», a-t-il précisé. Et d'ajouter que les gouvernorats protestataires demeurent quasiment les mêmes, soit Gafsa, Kairouan, Kasserine et Sidi Bouzid, ainsi que les gouvernorats du Grand Tunis. Le politique : au dernier plan M. Sahbani explique la rareté des mouvements de protestations sur fond politique par l'incapacité des politiciens à gagner la confiance du peuple et à le motiver pour s'inscrire dans les idéologies politiques qu'il trouve, d'ailleurs, vaines et infondées. D'ailleurs, le seul garant qui entrave au déchainement protestataire n'est autre que l'Ugtt. Le sociologue a saisi l'occasion pour prévenir contre la crise du secteur éducatif, l'absence de compromis entre les protestataires et le ministère de tutelle et qui risquent, à défaut d'issues, de dégénérer, au détriment des élèves et de leur parcours scolaire. Il a souligné, en outre, le rôle déterminant des cyber-acteurs dans l'organisation des protestations sociales et leur capacité à influer sur l'opinion public. Il n'a pas manqué de rappeler que bon nombre de problèmes restent sans réponses favorables, notamment ceux relatifs à l'accès aux facteurs élémentaires à une vie digne, comme l'accès à l'eau potable, à l'électricité et à une infrastructure de base décente. Février 2018 : 12 cas de suicides d'enfants S'agissant du rapport mensuel des mouvements de protestations sociales relatif au mois de février 2018, l'on note quelque 911 mouvements collectifs et 12 cas de suicides d'enfants. «Février a été le mois le plus tragique depuis le démarrage de l'observance de l'Ost. Recenser 12 cas de suicides chez les mineurs de moins de quinze ans, dont 9 fillettes, est une véritable catastrophe», a-t-il souligné.