• Plusieurs personnes atteintes de diabète refusent de se mettre sous traitement en raison de problèmes psychologiques, d'un sentiment d'échec causé par l'incapacité de contrôler sa glycémie • Le diabète peut aussi être à l'origine de problèmes sociaux. Il arrive que les personnes qui ne souffrent pas de diabète aient de la difficulté à comprendre les besoins du diabétique Le diabète, cette maladie chronique et silencieuse, explose à un certain moment dans notre vie comme une bombe ! En plus de cet aspect épidémiologique à lui seul un peu frustrant, le diabète en tant que maladie est une affection assez gênante. Partout dans le monde, et en Tunisie particulièrement, plusieurs enfants, jeunes et adolescents, ainsi que des personnes âgées souffrent de cette maladie chronique. Une fois atteint du diabète, il nous accompagnera pendant tout le reste de notre vie. Face à cette réalité si douloureuse, certains manifestent une attitude de rejet. Ils refusent ainsi la maladie et le traitement. C'est ce qu'on appelle en d'autres termes le déni d'une maladie. Ce comportement, en se développant, devient de plus en plus grave voire pathologique. Comment accepter sa maladie ? Comment vivre avec ? Ce sont les deux questions intrigantes qui préoccupent les esprits des personnes atteintes du diabète. Car cette maladie chronique touche directement le mode de vie et les habitudes personnelles des sujets atteints. Cela ne peut qu'affecter le psychique de ces malades. En effet, plusieurs personnes, surtout les jeunes, vivent une grande souffrance à cause de leur maladie si difficile à assumer. «Pourquoi moi ?» «J'ai 26 ans et je suis atteinte de cette maladie depuis l'âge de 24 ans. Cela veut dire 2 ans de souffrance continue. En fait, l'apparition de cette maladie est due à un choc émotionnel dont j'étais victime. Et depuis, malgré les conseils des médecins, je refuse de l'admettre et je continue ma vie normalement comme si rien n'était. Je me suis toujours posée la question pourquoi moi ? Et je ne trouve toujours pas de réponse convaincante. Je sais que c'est une maladie qui impose des contraintes très lourdes et difficiles à assumer à mon jeune âge», a déclaré Samira, 26 ans, enseignante d'anglais, avec beaucoup d'amertume. Et d'ajouter fermement : «Je refuse de combattre ma maladie : je mange ce que je veux, je fais ce que je veux sans me soucier des conséquences, et c'est ma manière de prouver à tout le monde que je suis comme eux en bonne santé. Je suis consciente de tous les effets néfastes sur la santé à long terme et malgré ça je continue à me détruire et à détruire ma santé». Face à une attitude interprétée comme un état dépressif, le rôle du soignant ainsi que de l'entourage, plus particulièrement, devient très important, car le diabétique, à ce niveau là, est en réalité au stade de la réflexion avec retour sur soi. De ce fait, il est, à ce moment, non réceptif aux conseils qui peuvent lui être donnés par le médecin traitant ou bien par les membres de la famille. Le soignant ou le médecin doit comprendre que le diabétique a un vécu psychologique de sa maladie, et il ne faut donc pas juger l'attitude du diabétique et la non-acceptation du diabète comme définitive car le degré d'acceptation de la maladie modifie les capacités d'apprendre et d'appliquer les conseils donnés. Entre maturité et révolte Contrairement à cette attitude rigide et un peu archaïque, d'autres malades, beaucoup plus courageux et responsables, ont accepté de combattre leur maladie et ont fini par comprendre qu'il fallait bien vivre avec. Après une courte période de dépression, ils ont décidé enfin de traiter leur diabète et d'appliquer à la lettre les conseils et recommandations donnés par leur médecin traitant. «Je suis atteint du diabète depuis l'âge de 4 ans, et je suis insulino-dépendant. C'est vrai qu'au début, vu mon jeune âge, je n'étais pas conscient de ma maladie. Je vivais avec normalement et sans se poser trop de questions jusqu'à l'âge de 7 ans. A ce moment là de ma vie, je me suis rendu compte que j'étais différent des autres, de mes camarades de classe, de mes amis et de ma famille, j'ai réalisé que je suis contraint de suivre pour la vie une hygiène de vie aussi particulière et là j'ai commencé vraiment à déprimer, à m'isoler et à devenir de plus en plus complexé. Grâce à mes parents qui étaient très compréhensifs et qui m'ont beaucoup soutenu, j'ai pu m'en sortir petit à petit de cet état dépressif. Aujourd'hui, je suis membre d'une association créée pour les diabétiques, dans laquelle j'ai été bien encadré et bien informé sur ma maladie. Aujourd'hui, je ne me sens plus seul comme avant. Je sais bien que des millions de jeunes dans le monde souffrent de cette maladie, mais ils vivent avec. J'ai appris moi aussi à vivre avec, et j'ai décidé de lutter contre la maladie et de suivre un traitement et une hygiène de vie stricte pour vaincre mon mal», déclare Mohamed Amine Maddouni, bachelier, 18 ans. Je me sens coupable quelque part ! Chez les enfants et les jeunes, le diabète peut évoluer très vite. Aujourd'hui, grâce à la qualité de l'insuline, et à l'avancée des connaissances, cette maladie est parfaitement maîtrisée à condition que le traitement soit respecté et à un degré de conscience aussi élevé auprès des parents du malade. «Ma fille Khouloud est atteinte de cette maladie depuis l'âge de 7 ans ! Et la découverte de la maladie chez mon enfant, à savoir le diabète, était aussi accompagnée de peur, d'un sentiment d'injustice et de révolte. J'avais un sentiment de culpabilité, comme si j'étais responsable de sa maladie. J'ai éprouvé de l'impuissance à n'avoir pu la protéger !», nous confie Férid Hosni, fonctionnaire, père d'une fille diabétique. «Il est vrai que le diabète est une maladie grave qui se soigne, mais cela se fait au prix d'une servitude et de contraintes si dures pour une enfant de 15 ans», renchérit-il tristement. Etre diabétique, c'est comprendre qu'on devra passer tout le reste de sa vie à se soigner sans pour autant guérir ! Certains finissent par s'adapter, et la vie reprendra ainsi normalement ou presque son cours, pour d'autres, il fallait peut-être qu'ils arrivent à un stade grave et de voir les impacts négatifs réellement sur leur état de santé, à savoir leur corps, pour réaliser les effets de la négligence d'une maladie pareille. ------------------------------------------------------------------------ Le diabète, c'est comme un mariage forcé dont on ne peut divorcer ! Dr Claude Ben Slama, endocrinologue à l'Institut de nutrition de Tunis, nous a éclairé sur la relation diabète-psychologie de la personne qui en est atteinte. Comment un malade réagit lorsqu'il apprend qu'il est diabétique ? Tous les malades au début refusent la maladie. Pour eux, c'est leur bonne santé qu'ils perdent, c'est leur santé qui meurt, laissant la place à une maladie qui naît. C'est l'étape du deuil donc. Ces malades foncent dans la déprime et cela prend un peu de temps pour accepter la maladie. Une fois acceptée, et dans une deuxième étape, la personne atteinte du diabète apprend à vivre avec son diabète et pour son diabète. Il apprend alors à devenir autonome, apprendre à faire ses analyses tout seul, repérer les symptômes annonciateurs du malaise… C'est ce qu'on appelle l'éducation thérapeutique, c'est-à-dire un soignant n'est pas là pour soigner, mais plutôt il apprend au malade comment se soigner tout seul. Pourquoi certains «jeunes» refusent catégoriquement la maladie et la nient parfois ? Le jeune malade, plus particulièrement l'adolescent, refuse à ce moment-là les transformations qui se produisent dans son corps. Il la conçoit comme une double trahison, la première lorsque son corps le trahit en devenant adulte et le deuxième lorsqu'on est atteint d'une maladie. Donc l'étape de la dépression est quasi obligatoire, et la meilleure et seule façon de reprendre une vie normale est de décider de se battre contre cet ennemi, et y faire face… Il faut qu'ils comprennent que le diabète, c'est comme un mariage forcé dont on ne peut divorcer ! Ils vont vivre avec pour toute la vie. Quels problèmes doivent affronter les parents de ces diabétiques ? Avoir un enfant diabétique crée chez les parents un sentiment de culpabilité. C'est comme s'ils étaient responsables d'avoir donné la vie à un enfant qui n'est pas en bonne santé. Ces parents sont souvent dans l'angoisse de l'avenir, ils s'inquiètent des perturbations de la glycémie de l'enfant. Cela conduit certains parents à devenir mères poules plus qu'avant. En réalité, il faut laisser l'enfant tranquille tout en lui laissant la possibilité d'en parler quand il le souhaite. H.S.