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Pourquoi la Tunisie ne serait-elle pas la Suisse du monde arabe ?
Publié dans La Presse de Tunisie le 06 - 05 - 2011

La question peut paraître d'emblée bizarre, provocatrice, voire ridicule, surtout compte tenu de la conjoncture et du contexte actuels. Je me suis posé cette même question lors d'un voyage en Suisse voilà déjà plusieurs années. Aujourd'hui, alors que notre chère Tunisie vit son printemps démocratique et par là même un tournant crucial de son histoire, je me permets de reposer cette question au grand public en guise d'une contribution modeste au débat sur l'avenir de notre patrie.
J'aimerais d'abord vous raconter quelques impressions et souvenirs avant d'entrer dans le vif du sujet. Mon hôte suisse m'expliquait alors que la Suisse était une confédération. On peut mieux comprendre, disait-il, ce système politique en revenant au terme allemand d'origine Eidgenossenscheft et qui peut être fidèlement traduit en français par «les compagnons liés par un serment». Historiquement, la plupart des cantons formant cet Etat, d'ailleurs d'origines ethniques et de langues disparates, se sont joints pacifiquement, par leur libre volonté et sans guerres d'annexion, tellement ils y trouvaient la consécration de leurs intérêts de sécurité et de prospérité. Il me conduisit ensuite à un monument impressionnant, taillé dans la roche d'une ancienne carrière sur les hauteurs de la ville de Lucerne. La sculpture imposante représente un lion agonisant, criblé de lances et de flèches et qui fut érigée en hommage à la garde suisse de Louis XVI. Cette garde fut exterminée en 1792 en défendant héroïquement le palais royal des Tuileries. Mon hôte m'expliquait que les Suisses sont connus pour leurs courage, leur discrétion et leur fidélité, et c'est la raison pour laquelle bon nombre de cours royales de l'Europe médiévale faisaient appel aux services de ces mercenaires suisses comme garde rapprochée des rois. On retrouve aujourd'hui encore un reliquat de cette tradition dans la garde suisse du souverain pontife au Vatican. Ces qualités ont prédestiné la Suisse à devenir, par la suite, l'argentier du monde.
Par ailleurs, mon hôte me racontait que la Suisse, exception faite de ses paysages si pittoresques à vous couper le souffle, n'a rien à offrir comme richesses naturelles à ses habitants. Il m'a même raconté, en guise d'exemple anecdotique, qu'Hitler, pendant les tumultes de la Seconde Guerre mondiale, aurait envisagé d'occuper la Suisse. Devant l'avis défavorable de ses généraux, redoutant une résistance farouche de la part des maquisards, Hitler a alors révélé sa stratégie machiavélique de vouloir juste assiéger la Suisse, pour laisser ensuite la famine venir à bout de toute résistance et faire plier ainsi le peuple suisse. En clair, tout ce que la Suisse possède aujourd'hui comme richesses a été créé par la labeur et par le mérite de ses citoyens. A titre d'exemple, bien que la Suisse compte parmi les plus grands producteurs de chocolat au monde, un délice d'une rare saveur, aucun cacaoyer ne pousse dans ce pays. On me racontait aussi que l'industrie de l'horlogerie suisse, fort appréciée dans le monde entier, s'est développée dans les greniers des fermiers suisses qui, à défaut de pouvoir cultiver leurs champs pendant les hivers longs et froids, s'adonnaient corps et âme à la fabrication de ces pièces miniatures de haute précision.
Encore un détail qui m'a laissé perplexe : la doctrine militaire suisse, compte tenu de son statut neutre, se base sur la résistance populaire. Par conséquent, les réservistes ont le droit de garder leurs armes pour une éventuelle mobilisation rapide en cas d'attaque ennemie. A ma question si ces armes ne représentent pas une menace pour l'ordre public et s'il n'y avait pas de tueries fréquentes dans cette société armée jusqu'aux dents, mon interlocuteur, un peu brusqué et étonné par ma question, a nié qu'il y ait un tel problème. Un petit clin d'œil et sans trop solliciter notre imagination collective, on pourrait prédire facilement ce qui se serait passé chez nous, surtout pendant les derniers événements, si on avait eu l'accès aussi facile aux armes à feu.
Je pourrais m'étaler encore et encore et continuer ce récit comme pour décrire la propreté des villes suisses, au point qu'on ne trouve même pas un mégot de cigarette dans un fleuve qui traverse d'un bout à l'autre une ville de plusieurs centaines de milliers d'habitants ou pour parler des infrastructures comme des autoroutes qui, en plus de leur qualité quasi parfaite, permettant aux amortisseurs des véhicules de s'éterniser. Elles sont construites avec du bitume auquel on ajoute un produit les rendant scintillant de tout éclat, donnant ainsi l'illusion optique d'emprunter une route de lumières.
Je voudrais par là provoquer la réflexion pour que chacun d'entre nous se demande ce qui nous manquerait, nous Tunisiens, pour mettre les fondements d'une Tunisie nouvelle, où il ferait aussi bon vivre qu'en Suisse.
D'abord, je souhaite à ma patrie l'émergence d'une nouvelle classe de scientifiques, de penseurs, d'écrivains, de prédicateurs et de politiciens patriotes qui prônent la concorde au lieu de semer la discorde, qui cherchent à unir au lieu de diviser, à construire au lieu de détruire, à servir au lieu de commander, à créer des richesses au lieu de détourner les biens publics, à cultiver la sérénité au lieu d'attiser les peurs et réveiller les démons, bref à guider le peuple vers son salut et non vers sa perte. A titre d'exemple, la discussion peu glorieuse et fort douteuse, menée dernièrement par certains de nos intellectuels, autour de l'article premier de la Constitution a laissé un arrière-goût amer de déjà- vu de la discussion sur l'identité nationale, dirigée justement contre toute manifestation de la culture arabo-musulmane dans le pays de Molière.
Ensuite, je pense qu'il faudrait définir des valeurs nobles, communes qui soient respectées par tout le monde, autour desquelles on bâtira notre société. Il ne faut plus accepter qu'on nous inculque que la liberté ne rime pas avec la sécurité, que la modernité et le progrès sont incompatibles avec notre identité arabo-musulmane et que la dignité ne peut pas coexister avec la prospérité. Il faut mettre en œuvre sans délai, à l'instar des Suisses, notre version tuniso-tunisienne de l'union des compagnons, liés par un serment sacré, autour des valeurs nobles, et ce, pour la gloire de notre patrie.
Enfin et sans avoir la prétention d'être exhaustif dans cet article, il faut œuvrer à créer un Etat de droit où les institutions et non les personnes prévalent et un système socioéconomique, qui favorise l'excellence dans le travail. Il faut abolir une fois pour toutes la corruption, le népotisme, le chauvinisme, le régionalisme, le tribalisme… J'ai assez longtemps vécu à l'étranger et côtoyé les ressortissants des pays dits développés, pour comprendre que le Tunisien en tant qu'individu n'a rien à envier à un Suisse, un Américain, un Allemand ou autres. Ce qui entrave réellement notre essor, c'est surtout le système dans lequel nous vivons et qui inhibe notre créativité, qui neutralise nos efforts par des querelles intestines à tous les niveaux, qui contraint nos esprits à gérer sans cesse des paradoxes, qui fait de sorte que, sauf exception, ce ne sont jamais les meilleurs d'entre nous qui émergent et prennent en main notre destinée mais plutôt les plus violents, les plus insolents et les moins scrupuleux. Ce même système qui, comme manipulé par une main satanique, développe en nous et entre nous la zizanie, les désordres psychiques et mentaux, les insuffisances communautaires, l'impuissance individuelle, la démission sociale et la haine de l'autre.
Si on arrivait à créer cet Etat juste par ses principes et cette société noble par ses valeurs, je suis sûr que la Tunisie serait un jour la Suisse du monde arabe et que les autres pays arabes frères, comme ils étaient inspirés par notre Révolution du jasmin, se joindront à nous dans une union qui fera revenir les Arabes dans l'histoire des humains.
Je termine par citer un philosophe allemand qui disait que le progrès est le résultat de toutes les bonnes décisions et que le déclin est l'aboutissement de toutes les mauvaises décisions. Dans cet esprit et pour le salut de notre patrie, espérons que chacun de nous et surtout que les décideurs entre nous auront la sagesse et l'abnégation de soi pour prendre les bonnes décisions pour nous.
C.A.
* (Ingénieur)


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